Pour son quatrième webinaire consacré aux conséquences de la crise sanitaire sur le secteur du contract, qui a eu lieu le 29 mai en partenariat avec Beemedias, l’Ameublement français a donné la parole à Patrick Jouin, designer notamment des restaurants du chef multi-étoilé Alain Ducasse, et Bernard Reybier, directeur général du groupe Fermob, très présent en hôtellerie restauration. Quelques jours avant la réouverture partielle de leurs établissements, les deux intervenants ont balayé les sujets qui préoccupaient les restaurateurs, certains étant pour le moment résolus, tandis que d’autres restent saillants, notamment comment redonner toute leur attractivité à ces lieux de sociabilité.
Comme l’a souligné Bernard Reybier, l’un des deux invités principaux de ce webinaire, « Les choses vont si vite aujourd’hui, que ce que l’on dit pourrait ne plus être d’actualité dans quelques jours. » De fait, cette prise de parole qui a eu lieu le 29 mai précédait de peu la réouverture – sous condition – des restaurants en France, le 2 juin. Depuis cette date, les restaurant situés dans la zone « verte » ont été autorisés à rouvrir, à condition de mettre en place une distanciation de 1 m entre chaque convive, tandis que ceux de la zone « orange » – Paris et la région parisienne – n’ont pour l’instant le droit qu’à une activité en extérieur, et avec les mêmes conditions de distanciation sociale, une nouvelle étape étant programmée par les autorités le 22 juin, en fonction de l’évolution de la situation. Au moment où paraît cet article, les établissements ont donc repris « au ralenti » leurs activités en région, puisque la distanciation oblige à réduire le nombre de tables, tandis que les restaurateurs parisiens attendent toujours avec fébrilité le feu vert pour pouvoir à nouveau servir leurs clients en salle et retrouver une activité proche de la normale. Cependant, même si la situation évolue, un grand nombre de questions posées pendant le webinaire du 29 mai restent d’actualité, et vont structurer l’activité des décideurs de la restauration pendant de longs mois, jusqu’à un retour à une situation normale, et impacter leurs partenaires et fournisseurs, parmi lesquels les architectes d’intérieur et les fabricants de mobilier et agenceurs.
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Qualité de l’air intérieur : une question en suspens
Que faut-il faire de la question du traitement de l’air à l’intérieur dans les restaurants ? En prenant la parole, le designer Patrick Jouin a expliqué que la question mérite d’être posée. « La distanciation sociale est-elle suffisante pour éviter la propagation du virus ? Rien n’est moins sûr ! Nous savons maintenant que le virus sort de la bouche des personnes infectées et se propage dans l’air. Si on reste à sa table de restaurant pendant une heure ou deux, il y a de grandes chances que le virus passe d’une table à une autre. » C’est à la suite de ce constat que Alain Ducasse et Patrick Jouin ont décidé de mener, dans un bistrot parisien traditionnel, une expérimentation des systèmes de traitement de l’air existant, afin de savoir à quelles conditions – techniques, financières, de confort… – il serait possible de régler ainsi le problème du risque sanitaire. Les résultats devraient en être connus prochainement, avec un enjeu important à la clé : la possibilité de rassurer le client, et de lui garantir un retour au restaurant sans danger notamment pour les personnes âgées et à risques.

La terrasse du restaurant parisien Apicius, équipée par Fermob
Des barrières physiques entre les convives ?
La deuxième thématique évoquée a été la possibilité d’isoler les convives avec des barrières physiques. Comme l’explique le designer, « traiter l’air est beaucoup plus compliqué que de dresser des barrières physiques entre les convives, mais ces dernières solutions sont loin d’être convaincantes. » En premier lieu, la piste de l’écran en plexiglas n’a pas apporté la preuve de son efficacité pour empêcher la propagation du virus. En second lieu, on parlait encore, il y deux semaines, des cloches en plexiglas, à positionner au-dessus de la table, une autre solution qui n’a pas non plus apporté la preuve de son efficacité, tout en posant d’autres problèmes : « Ce type de cloche va se salir et devra être nettoyée très souvent, ce qui va la rayer très rapidement, explique Patrick Jouin. De plus, en cas de salle climatisée à 20 °C, elle va créer un choc thermique avec l’air expiré par les convives à 30°C, ce qui va générer de la buée, pas très agréable quand on est à table. » Le service à table serait aussi sérieusement compliqué par ce nouvel accessoire. Enfin, il faut reconnaître que ce type d’équipement aseptisé va à l’encontre de ce qui est l’essence même du restaurant, à savoir la convivialité et l’échange, dans un cadre agréable qui apporte un dépaysement. Étant donné le recul avancé de la pandémie dans notre pays, ces solutions un moment envisagées ne semblent plus pour l’instant d’actualité, puisque les restaurants ont pu rouvrir sur la majorité du territoire sans ces mesures barrières. Il faudra pourtant se souvenir de ces interrogations, si la situation sanitaire venait à se dégrader à nouveau, et peut-être anticiper des solutions prêtes à être installées dans l’urgence si nécessaire.
Un nouveau statut pour les espaces extérieurs
Quoi qu’il en soit, la crise du coronavirus va donner une importance nouvelle aux espaces extérieurs, où l’air se renouvelle naturellement et où les risques de contamination sont fortement limités. « Pour retrouver et rassurer sa clientèle, la restauration mise sur l’utilisation des terrasses et des balcons, et nous demande de faire des propositions d’aménagements dans ce sens, explique Bernard Reybier. Nos marques Fermob et Vlamynck étant très présentes sur le secteur du contract, nous avons beaucoup de solutions à proposer. » Comme le souligne le chef d’entreprise, les restaurateurs souhaitent également limiter au maximum les déplacements des personnes affectées au service, en introduisant de la modularité, la possibilité de dresser ou supprimer des tables facilement, en fonction du nombre de clients. Un contexte qui permet à Fermob de réhabiliter un de ses produits historiques, une petite table pliante avec un plateau de 37 cm x 57 cm, légère et facile à déplacer ou ranger le long d’un mur. Le fabricant a aussi adapté son offre en matière de séparateurs : « Vlaemynck propose à son catalogue des séparateurs haut de gamme en inox, et nous avons développé un modèle alternatif plus accessible en coût, pour que les restaurateurs puissent les mettre en place de façon provisoire sans investissement conséquent. »

Les sièges Sellerie du Pilat au restaurant Le Président, Lyon.
Matériaux vrais et made in France
Les restaurants doivent-ils désormais privilégier les matériaux à fort potentiel hygiénique, à dominante transparente ou blanche, faciles à nettoyer et à désinfecter ? Dans un sens oui, puisque la clientèle des restaurants demande à être rassurée au moment de recommencer à les fréquenter. Mais attention, prévient, Patrick Jouin, à ne pas tomber dans les excès de l’aseptisation, car « un restaurant n’est pas un hôpital, et répond à d’autres codes et d’autres besoins. » Face à un ennemi « invisible », il faut selon lui multiplier les signes apparents qui rassurent le client, comme porter un masque, proposer du gel hydroalcoolique, et afficher les mesures de prévention mises en œuvre.
Pour le designer, il faut continuer à prendre en compte l’usage, et notamment l’usage dans le temps, en privilégiant des matériaux « vrais », qui vont bien vieillir, se patiner au lieu de s’user, ne pas se rayer en raison de nettoyages fréquents, pouvoir être rafraîchis ou réparés. « Ces matériaux, on les connaît, ce sont le verre, le bois, le marbre, l’acier… ils ont déjà fait leurs preuves dans le passé ! » Selon lui, la réduction des déplacements et des échanges internationaux dans les mois à venir pourrait favoriser le retour à des produits et aménagements de proximité, et même made in France, que les designers français seraient ravis de mettre en œuvre en plus grande quantité. « La question du coût reste cependant centrale, dans un secteur de la restauration fragilisé par la crise, commente-t-il. Nous avons été habitués à payer des meubles peu chers et qui viennent de loin, sommes-nous aujourd’hui d’accord pour payer plus cher des produits de proximité et de meilleure qualité ? ». La solution pourrait venir des investissements réalisés par les fabricants français, dans des technologies qui permettent de fabriquer des produits plus complexes -par exemples avec des assemblages en bois – pour un coût acceptable par les acteurs du marché.
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Conserver la magie du restaurant
Enfin, les architectes d’intérieur doivent-ils changer leur fusil d’épaule, pour leurs projets d’aménagement ? Pour Bernard Reybier, il n’en est rien. « Le principal danger est de raisonner à court terme, et de mettre partout des barrières en plexiglas, avec la volonté de protéger les convives, et de fortes chances de les faire fuir », explique-t-il. Le designer et l’architecte d’intérieur doivent rester fidèle à l’esprit de leurs métiers, en continuant à observer les usages, et ce qui va changer dans le fonctionnement des restaurants, pour apporter des solutions adaptées et réalisables. « Après le Covid-19 comme avant, le restaurant doit rester ce lieu où tous les détails doivent s’accorder pour sortir le convive de son environnement habituel, et créer de l’émotion pour lui proposer une expérience marquante. » C’est ce que fait Patrick Jouin dans chaque projet signé pour Alain Ducasse, pour lesquels il lui arrive de créer un fauteuil qui ne sera fabriqué qu’en cinquante exemplaires, ce qui est une « folie » en termes de modèle économique, mais montre la voie à suivre pour faire de chaque restaurant un lieu unique. Une note d’optimisme à l’attention de tout un secteur qui doit aujourd’hui retrouver ses marques et aller de l’avant.
[François Salanne]
[Zoom]
Welcome Smart Service®, la carte dématérialisée selon Fermob Vlaemynck
La crise du Covid-19 accélère un certain nombre de pratiques sans contact, comme cela a été constaté notamment avec l’essor du paiement à l’aide de cartes bancaires sans contact, depuis le confinement. Dans ce contexte, le groupe Fermob Vlaemynck s’appuie sur son expertise du secteur des cafés, hôtels et restaurants, puisqu’il est présent sur près de 100 000 terrasses à travers le monde, pour lancer Welcome Smart Service®, une offre de carte dématérialisée, qui évite de faire passer le menu, un vecteur bien connu de transmission microbienne, de mains en mains. Dans le contexte sensible de réouverture des restaurants, cette formule a pour but de rassurer les clients, en leur permettant de consulter la carte – menu et carte de vins – de façon ergonomique et conviviale sur leur écran de smartphone, sur simple scan d’un QR code. Cette nouvelle offre, simple d’utilisation, qui fonctionne sans wifi, sans appli, sans site web et sans contact, est disponible depuis le 2 juin.