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19.12.2022

Décarbonation, réindustrialisation : l’Ameublement français veut faire coup double

En lançant une feuille de route pour devenir une filière à impact positif en 2030, l’Ameublement français veut profiter du levier de la décarbonation pour promouvoir un meuble fabriqué en France plus vertueux en matériaux, recyclage et transport que le meuble d’importation, et favoriser ainsi une réindustrialisation qui contribue à une réduction du déficit de la balance commerciale.

Lire aussi : [Rencontres de l’Ameublement français] La RSE, passeport pour un impact positif

Pour lutter contre le changement climatique, et assurer un futur vivable pour les générations à venir, il est impératif de décarboner notre économie, c’est-à-dire de réduire à grande échelle nos émissions de gaz à effet de serre, dont le CO2. Pour jouer tout son rôle et aider à atteindre les objectifs de décarbonation que la France s’est fixés à l’horizon 2030 et 2050, l’Ameublement français s’empare de cette problématique, dans le cadre de son nouveau plan sectoriel 2022-2027. Mais il veut aussi transformer cette contrainte en opportunité, et utiliser le mot d’ordre de la décarbonation pour relancer la fabrication française, participant ainsi au vaste projet de réindustrialisation souhaité par les pouvoirs publics. « La filière de l’Ameublement français a pris à bras-le-corps les enjeux de l’impact environnemental de la fabrication, par l’utilisation de matériaux vertueux, le recyclage et le réemploi ainsi que son rôle social, en se fixant de nouveaux objectifs RSE en termes d’emplois, de formations et d’évolutions de carrières. C’est une filière industrielle qui résiste, ancrée dans les territoires ruraux ou péri-urbains qui propose des emplois de qualité et a une dynamique d’inclusion notamment des jeunes par l’apprentissage. La filière est mobilisée pour faire de la réduction du déficit commercial et de la décarbonation, les deux faces d’une même pièce, celle de la réindustrialisation durable du pays » déclare Philippe Moreau, Président de l’Ameublement français.

Une filière pourvoyeuse d’emplois de qualité

Mais pour se fixer des objectifs de décarbonation, et les atteindre, il faut savoir d’où l’on part. C’est pourquoi l’Ameublement français a mandaté le cabinet de conseil EY afin de faire un état de lieux de la filière sur le plan économique, social et environnemental. L’étude rappelle ainsi que notre industrie du meuble a subi de plein fouet la mondialisation, et perdu les trois quarts de ses emplois par rapport à son plus haut, et 27 % d’entre eux depuis 2009. Autre point faible, la filière meuble représente 0,2 % du PIB français, mais 5 % du déficit commercial, compte-tenu du haut niveau des importations. Cependant, elle résiste, et nous avons aujourd’hui une véritable « équipe de France » des fabricants français qui sont ressortis plus forts de cette longue épreuve. La fabrication française de meubles représente 60 000 emplois directs, et 112 000 emplois au total – si on comptabilise les emplois indirects et induits – et elle a généré 3,6 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 40 % de plus que la filière textile par exemple.

Les industries françaises sont implantées à 76 % dans les zones périurbaines et rurales, un chiffre supérieur à la plupart des autres industries créatives, ce qui en fait un facteur de réduction des inégalités territoriales. Les quelque 19 000 entreprises recensées dans la filière offrent par ailleurs des emplois de qualité – emploi des jeunes, durabilité, inclusion, égalité hommes / femmes… – puisque 5 % seulement des salariés du meuble sont en CDD, contre 9 % en moyenne dans les autres filières. La filière se caractérise aussi par sa forte intensité en emplois, à savoir 4,6 ETP (équivalent temps plein) par million d’euros de chiffre d’affaires, contre 3,0 pour le commerce de détail, et même 1,2 pour le commerce de gros, ce qui en fait une industrie de main d’œuvre qui a un rôle à jouer dans l’objectif du plein emploi. Autres vertus sociétales, un faible écart de salaires entre hommes et femmes (9 % contre 17 % en moyenne), et un engagement en faveur de l’inclusion, en captant 25 % des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Enfin, la filière meuble est très active en matière d’apprentissage, puisque les apprentis représentent 5 % des effectifs salariés, contre 2 % en moyenne dans l’ensemble des conventions collectives de branche.

Des émissions carbone, déjà contenues, à optimiser

Autre constat important, la filière meuble française présente déjà de bonnes performances sur le plan environnemental, en grande partie dues à l’utilisation du bois, qui représente 85 % du poids total des matériaux utilisés (82 % de panneaux à base de bois et 3 % de bois massif), d’autant plus que les panneaux à base de bois intègrent jusqu’à 40 % de bois recyclé, ce qui contribue à une exploitation raisonnée de cette ressource et au maintien des forêts, véritables puits de carbone [voir graphique 1]. Autre facteur de performance environnementale, 92% des déchets liés à l’ameublement sont revalorisés – dont 2/3 en recyclage matière et 1/3 en énergie – ce qui en fait une filière exemplaire sur la gestion de la fin de vie, et permet de réduire de plus d’un quart ses émissions. Les matières premières et approvisionnements représentent en effet 70 % de l’empreinte carbone de la filière, soit 1,78 MtCO2eq (millions de tonnes d’équivalent CO2), sur des émissions totales de 2,58 MtCO2eq. C’est ici que la comparaison avec les importations est intéressante. Le cabinet de conseil EY relève en effet que l’empreinte environnementale d’un meuble fabriqué en France est au moins deux fois inférieure à celle d’un meuble fabriqué en Chine puis importé en France, en prenant l’exemple d’un bureau [voir graphique 2]. Cet impact n’est pas lié qu’au transport mais aussi aux modes de production. L’objectif affiché de décarbonation doit donc logiquement, pour être atteint, s’appuyer sur une réduction des importations, et sur un retour à la fabrication sur notre territoire.

Une filière à la croisée des chemins

Les leviers à actionner pour la décarbonation sont multiples et concernent l’ensemble du cycle de vie des produits. En premier lieu, il faut agir sur l’approvisionnement en matières premières, en utilisant davantage de matériaux recyclés et biosourcés, en renforçant l’approvisionnement local, et en réduisant la distance géographique des fournisseurs (circuits courts). En second lieu, il faudra décarboner le transport, en utilisant des modes plus propres que le camion (train, transport fluvial). Enfin, il faudra moderniser les outils de production pour les rendre moins énergivores, par l’électrification, et l’utilisation d’énergies renouvelables. Il faudra aussi un rééquilibrage en faveur des meubles fabriqués en France, par une réduction des importations les plus émettrices, en particulier venues de Chine, ce qui implique un travail de coordination et de responsabilisation de la filière aval, en particulier distributeurs, consommateurs, et régulateurs publics.

Le grand défi à relever semble être celui de la transformation d’un modèle linéaire – produire, consommer, remplacer – à un design d’usage et à une économie de la fonctionnalité : il faudra aller vers des produits de meilleure qualité, avec une durée de vie plus longue, et une fabrication non délocalisable et soutenables sur le plan environnemental, tout en répondant mieux aux attentes des consommateurs. Au-delà de la vente du produit, tout un écosystème d’acteurs de la réparation, du relookage, de la seconde main, ou de la location deviendra créateur de valeur ajoutée. « L’année 2023 sera une année charnière pour la filière ameublement qui devra s’adapter aux changements des modes de production et de consommation, aux fortes tensions sur l’approvisionnement qui rendent encore plus urgente encore la mise en place d’un plan de résilience et de sobriété. La transformation des modes d’approvisionnement, de fabrication et de transport est au centre des priorités pour décarboner la filière. 2023 sera également l’année de discussions au niveau européen sur les émissions importées. A long terme, l’émergence du design d’usage et de l’économie de la fonctionnalité constitue un changement de paradigme qui permettra une décarbonation profonde » commente Cathy Dufour, Déléguée générale de l’Ameublement français.

Deux scénarios possibles pour la filière ameublement française.

Deux scénarios, avec ou sans transformation

Pour finir, l’étude réalisée par le cabinet EY a permis d’établir deux scénarios possibles pour la filière [voir tableau]. Le premier évoque le cas où il n’y aurait pas de transformation des fabricants, et se solderait par une poursuite de la désindustrialisation, avec une baisse évaluée par l’Insee à -11 % de la production entre 2020 et 2030. Dans ce cas, les émissions de la filière française baisseraient de – 40 %, mais cette baisse serait grevée par une augmentation de + 25 % de CO2 importé, et par une destruction de près de 10 % des emplois de la flière. Ce scénario n’est donc pas soutenable d’un point de vue social et inopérant d’un point de vue environnemental. Quant au second scénario, celui d’une réindustrialisation et internationalisation de la fabrication d’ameublement française, il se traduit par une baisse de – 11 % des émissions totales de carbone d’ici 2030, tout en contribuant à la création de 10 900 emplois, ce qui montre que décarbonation et réindustrialisation vont donc de pair dans une approche durable, soutenable et acceptable sur les plans économique, social et environnemental. Ce volontarisme de l’Ameublement français, qui entraîne la filière dans un chantier à long terme, structurant et stimulant, pourrait donc permettre à terme à la fabrication française de regagner le terrain perdu.

[F. S.]

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[Zoom]

Un programme d’accompagnement à la RSE et un référentiel

Après une phase de test concluante réalisée avec 5 entreprises pilotes, l’Ameublement français a lancé en novembre 2022 un programme de formation au déploiement de la RSE à grande échelle, qui entraîne 80 entreprises (3 ETI, 45 PME et 32 TPE). L’objectif est de les accompagner sur le chemin de la décarbonation, avec une méthodologie pragmatique et une approche personnalisée élaborée par le cabinet d’expertise certifié RSM, et avec le soutien du CODIFAB. Un référentiel « RSE » sectoriel sera établi pour permettre aux entreprises de l’Ameublement français de suivre et mesurer leurs progrès, et de partager leurs engagements avec les donneurs d’ordre, les prestataires et les sous-traitants.

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