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(Visuel d'illustration : Esprit Duvet, Habitat / Anne de Solène)

8.4.2025

[Enquete 2025] Marche de la literie: de grands defis… et autant de strategies proactives

Elle limite la casse en 2024, en enregistrant la baisse la plus faible parmi toutes les familles de produits du meuble. Malgré tout, la literie se voit confrontée à des enjeux de taille, en se trouvant à la fois impactée par une conjoncture qui demeure défavorable à l’équipement de la maison en général, et devant toujours composer avec des facteurs endogènes, tels que la spécificité de ses produits, leur mode de distribution, ou encore la manière dont ils sont perçus par le consommateur. Face à cela, les acteurs du marché affinent leurs axes de travail et dévoilent de nouvelles ambitions.

En 2024, cette famille s’est hissée en tête des évolutions par produits, comme ce fut le cas en 2023, où elle était même la seule à s’inscrire dans le vert… après des exercices 2022 et 2020 où, précisément, cela était exactement l’inverse, puisqu’elle fermait la marche du classement : avec 2 Mds€ de ventes, la literie enregistre un recul de « seulement » - 2,1 % l’année dernière, au sein d’un marché du meuble à – 5,1 % où tous les autres segments, ainsi, souffrent bien plus. Cette catégorie de produits voit sa part augmenter légèrement (+ 0,4 %), générant désormais 14,8 % du chiffre d’affaires total du marché du meuble en France. Au sein d’une conjoncture toujours très difficile pour l’équipement de la maison, la literie fait donc encore figure d’exception, en parvenant à maintenir un certain cap ; les raisons de cette « résistance », nous les connaissons : « Elle profite d’une attraction plus marquée de la chambre auprès des consommateurs français » avance l’IPEA dans son Meubloscope 2025, évoquant par ailleurs les repères de marques toujours d’autant plus rassurants en temps de crise, le développement des grandes tailles, ou encore le développement des maillages des réseaux spécialistes.

Gamme premium « Le Sommeil Français », signée Technilat.

« Radioscopie » du marche

Pour autant, les deux dernières années auront sans doute apporté leur lot de particularités, et il convient donc de nuancer ou d’apporter plusieurs précisions à ces données générales. D’une part, comme le fait remarquer Eric Mandinaud, « l’inflation constatée sur les deux ans-et-demi passés a fait grimper les prix – donc la valeur – et baisser les volumes » : sur ce point, le consultant literie de l’IPEA* évoque toutefois un probable « retournement » en 2024, avec une tendance de nouveau à la hausse en nombre de matelas vendus. « Mais dans tous les cas, la plupart des consommateurs sont forcément allés chercher les promotions » précise-t-il. Pour parler en détails des différentes catégories de produits au sein de la famille literie, le spécialiste attire l’attention sur un point notable : « Considérant la variation générale de – 2,1 % enregistrée en 2024, nous savons bien que les produits se sont comportés de manière disparate : autrement dit, certains ont souffert beaucoup plus que d’autres, et ceci est particulièrement vrai, par exemple, pour les différentes catégories de sommiers, selon qu’ils soient sommiers à lattes + tapissiers / cadres à lattes / TPR. On peut également évoquer les lits-coffres : ces derniers ont apporté aux spécialistes un marché supplémentaire, qu’ils n’exploitaient pas tellement auparavant ; en ce sens, l’évolution de ces produits est à surveiller de près, car elle semble, pour l’heure, assez prometteuse ». Pour continuer sur les tendances, Eric Mandinaud salue la courbe « toujours croissante » que suivent, « depuis au moins quatre ans », les matelas ressorts et hybrides. Et si celle des grandes tailles, avancée dans le Meubloscope, est elle aussi « toujours d’actualité », sans doute peut-on aussi relever le fait qu’elle semble ralentir quelque peu sa croissance : « Avant, elle affichait 1 ou 1,5 point de plus chaque année ; l’évolution, désormais, ne se fait plus dans ces proportions ». Il n’est pas toujours aisé, en effet, d’installer un lit en 160 dans des chambres à la superficie restreinte, telles que celles de bon nombre de logements actuels… et futurs, car nous savons que la tendance, en matière d’habitat – d’autant plus en milieu urbain – est à la baisse de surface au sol.  

Et lorsqu’il s’agit d’étudier le résultat global des ventes de literie en valeur, il convient évidemment de s’intéresser, aussi, à la répartition par circuits de distribution. Sur cette question, nous savons qu’en 2024, ce sont bel-et-bien les spécialistes literie qui se détachent parmi les autres canaux, voyant leurs ventes progresser, bien que faiblement – mais ils sont les seuls - sur l’ensemble de l’exercice : développement actif des maillages, offres produits, communication, opérations promotionnelles… sont autant d’arguments qui ont su attirer le consommateur, puis transformer les achats. Ces spécialistes literie représentent, ainsi, 26,1 % des ventes (en valeur) du secteur, avec une progression de + 1,5 % vs 2023. Du côté de la grande distribution, lesdites ventes, en revanche, reculent : « Si ce circuit reste le leader incontesté sur le marché de la literie en termes de valeur, les offres ont moins séduit les clients en 2024 » avance le Meubloscope 2025, faisant néanmoins remarquer que cette famille de produits constitue une « locomotive » pour ce circuit bien spécifique, qui a enregistré, en effet, des scores beaucoup plus délicats en cuisine, rembourré et meublant. Les acteurs de la grande distribution ameublement génèrent actuellement 39,9 % des ventes de literie (- 1,4 % vs 2023). En réalité, le circuit de distribution à enregistrer la plus mauvaise évolution, en 2024, est celui de l’e-commerce (pure-players), avec un repli de – 6,1 % (pour une part de marché literie estimée à 26,6 %) : « Ici aussi, les résultats sont variés selon les acteurs, expose Eric Mandinaud. Autrement dit, certains souffrent réellement, d’autres affichent une relative stabilité, et quelques-uns parviennent même à progresser ».

France Literie Mérignac (33).

                     

Un debut 2025 en contraste

Avec cet atterrissage à -2,1 %, il est à noter que l’IPEA avait donc réussi à anticiper, plusieurs mois en amont, la teneur de l’évolution du marché de la literie en 2024. Quid, maintenant, de l’année en cours, avec déjà, à ce jour, une première période traditionnellement forte pour la literie – celles des soldes d’hiver – déjà bouclée ? Il semblerait, précisément, que ces derniers aient été contrastés, puisque le mois de janvier 2025 se clôture sur un léger positif concernant cette famille de produits, à savoir + 0,6 % : les spécialistes auraient enregistré des scores globalement satisfaisants, ce qui n’a pas forcément été le cas pour la grande distribution – qui ne souffrirait toutefois « pas autant qu’en 2024 » à la même période - et on constaterait également une petite différence entre Paris et sa région avec le reste de l’Hexagone, puisque cette première zone pourrait avoir un peu plus souffert, sans que nous n’ayons de véritable explication à cette situation. A l’heure où nous bouclons cette enquête, les résultats définitifs de février ne sont pas encore connus, mais François Duparc, Président du collectif Parlons Literie, avance une évolution « encore moins bonne », ce qui ferait un cumul, sur ces deux premiers mois de 2025, « au mieux étale, au pire en retrait » (pour rappel, en 2024, janvier et février avaient respectivement dégagé – 0,6 % et – 0,4 %). Et mars, pour l’instant, n’aurait pas forcément débuté sous les meilleurs auspices…

Usine COFEL de Criquebeuf-sur-Seine (27).

Quelles sont, concrètement, les impressions des acteurs « sur le terrain » ? Du côté de la distribution spécialiste, on reste particulièrement optimiste : « Après un exercice 2024 à + 3% pour Maison de la Literie, nous avons vécu de bons soldes, avance Guillaume Bages, directeur général délégué du groupe. La période qui suit, en effet, est plus calme… sauf, peut-être, pour nos succursales parisiennes, qui devraient afficher un + 30 % en cumul à la fin mars ! » Chez Grand Litier, Wolf Stolpner évoque, faisant suite à un exercice 2024 aux alentours de + 5 %, une croissance de + 11 % en janvier 2025 (à magasins constants), avec février a priori étale, ce qui donnerait un cumul, sur les deux mois, compris entre + 5 % et + 6 % : « Comme chaque année, le mois de février se veut plus calme en termes de fréquentation, avance le Président de l’enseigne. Néanmoins, nos communications nationales et nos nouvelles opérations promotionnelles, amorcées dès mars, relanceront la dynamique… Indispensable, puisque nous entrons dans le « creux » de la saisonnalité ! » Chez Expert Litier, qui se déploie à travers un maillage de 32 magasins à date, le directeur réseau literie du groupe UCEM, Christophe Patard, indique : « Après une année 2024 marquée par une croissance à deux chiffres – aussi bien à périmètre constant qu’en CA global – nous aurions pu anticiper un ralentissement en ce début 2025. Pourtant, ce n’est pas le cas : janvier et février ont été exceptionnels pour Expert Litier, avec des performances record dans une large majorité de nos magasins ». Et de préciser, toutefois : « Nous avons observé une baisse immédiate de la fréquentation dès la fin des soldes début février, ce qui témoigne d’un marché sous tension ». Du côté de La Halle au Sommeil, John Coronilla, directeur commercial, et Jordan Crespi, directeur administratif et financier, avancent un exercice 2024 lui aussi dans le vert (+ 1,6 % en comparable, et + 7,4 % en consolidé), suivi d’un mois de janvier 2025 « très correct, puisque positif » et février qui, en revanche, « casse » cette avance. « Si le cumul est donc franchement négatif à fin février en comparable, de l’ordre de – 4 %, nous constatons en revanche que les marges augmentent » expliquent-ils, avant d’ajouter : « Dans tous les cas, les soldes semblent perdre de leur attractivité, puisqu’ils sont précédés d’un Black Friday en fin d’année qui prend de plus-en-plus d’ampleur, puis de ventes privées… » Pour La Halle au Sommeil, les conditions s’amélioreront peut-être en mars, étant donné la première quinzaine « positive »… d’autant qu’elle intégrait un samedi de plus que l’an passé. Enfin, chez France Literie, Maxime Sidot fait état d’un exercice 2024 ayant affiché « dix mois en croissance, à surface égale », prenant en compte l’historique fort des deux mois de liquidation en 2023 : « Autrement dit, cela fait seize mois consécutifs que France Literie s’inscrit dans le vert, à surface égale » avance le directeur opérationnel, incluant donc janvier et février 2025, respectivement à + 8 % et + 3 % ; les soldes se seraient montrés « très bons », sachant que l’historique était déjà « fort » début 2024. Mars, a priori, serait « mitigé » pour le réseau, mais… « Je pensais déjà cela de février et pourtant, ça n’a pas été le cas ! » glisse, avec une pointe d’humour, Maxime Sidot.  

Site de fabrication Diroy à Bouxwiller (67) (c) Vincent Eschmann

Si cette distribution spécialisée se montre, ainsi, particulièrement confiante en ce début 2025, on peut supposer que ses fournisseurs… s’inscrivent dans le même état d’esprit ! Ce n’est pas Le Sommeil Français qui avancera le contraire : « Nous faisons un excellent début d’année, avec une hausse à deux chiffres, qui fait elle-même suite à un exercice 2024 de la même teneur, avance Patrick Réguillon. Mais je ne peux pas tellement dire que cela soit lié aux soldes. Dans notre cas, nous récoltons plutôt les fruits des nombreuses commandes que nous avons enregistrées en novembre sur EspritMeuble, et dont nous réalisons les implantations maintenant ». Le directeur général fait bien sûr référence à la gamme premium de literie et linge de lit reprenant le nom du groupe (« Le Sommeil Français »), désormais présente dans une quarantaine de magasins (à la mi-mars), y compris dans Paris intra-muros. « Nous avons également revisité nos gammes plus « traditionnelles », comme Mémonat chez Technilat, et d’autres chez Biotex, ce qui contribue aux bons résultats de ce début 2025 » complète-t-il. Chez André Renault, le salon de novembre, qui a permis de « présenter des produits différenciants et des technologies inédites » contribue, lui aussi, au « très bon début d’année, mettant en avant un marché dynamique » évoqué par le PDG Erec Glogowski. Pour le groupe COFEL, qui a réalisé un exercice 2024 en croissance de + 2,3 % - ce qui lui a permis, si l’on en croit son dirigeant Luis Flaquer, de gagner des parts de marché – le premier semestre 2025 sera, lui aussi, dans le vert… Et chez l’Alsacien Diroy, on a constaté des soldes « assez dynamiques », avec peut-être une différence comparé aux années précédentes : « Sur notre segment, nous avons eu l’écho de belles fréquentations enregistrées chez nos distributeurs en ce début d’année, avance Guillaume Joly. En revanche, le taux de transformation était un peu plus faible qu’en 2024 et 2023 où, à l’inverse, les consommateurs étaient moins nombreux à se déplacer, mais concrétisaient d’avantage leur projet… Le « problème », avec la literie, est que cela est un achat certes de besoin, mais qui reste facile à décaler dans le temps, si la conjoncture est mauvaise ou le moral n’y est pas ». Le directeur général associé de Diroy dit également constater, depuis des années, « des pics de plus-en-plus marqués sur les périodes de soldes et de promotions… et, parallèlement, des creux eux aussi toujours plus importants en dehors de ces créneaux ». L’industriel du Bas-Rhin, qui table sur un chiffre d’affaires de 8 M€ en 2025 – soit 5 M€ gagnés en douze ans, depuis la reprise – dit profiter des « bonnes conditions » actuelles du segment moyen / haut-de-gamme sur la literie et ce, particulièrement, depuis l’année dernière.

Façade du magasin Expert Litier (groupe UCEM), Saint-Maximin (60)

Gagner… autrement que par les prix barres

« En 2024, les prix barrés auront encore été la norme dans de nombreuses enseignes. Si la stratégie peut s’avérer payante quand les volumes sont au rendez-vous, elle devient plus difficile à tenir lorsque le trafic se ralentit […] » : le Meubloscope 2025 pose là le grand enjeu du secteur de la literie, toujours d’actualité. Or, si les spécialistes se sont distingués l’année dernière, c’est parce qu’ils savent précisément mener des stratégies – de plus ou moins longue date selon les acteurs – afin d’être moins dépendants de l’argument « promotions »… sans toutefois parvenir, bien sûr, à s’en passer complètement, ne serait-ce que pour générer un minimum de trafic en période creuse.

Faut-il encore revenir, par exemple, sur la « success story » que semble vivre France Literie depuis qu’elle est engouffrée dans son Pacte 2023 > 2025, dont le bilan global sera fait en juin prochain lors du congrès annuel ? « Nous avions esquissé ce virage lors de notre événement de Deauville, en 2022, raconte Maxime Sidot. Nous annoncions la montée en gamme, ce qui allait « chambouler » les magasins. C’était un véritable axe stratégique, solide et réfléchi. Il s’agissait évidemment d’y aller étape par étape, car tout cela devait passer par une autre philosophie de travail et d’achats, un cadre revisité pour les points de vente, mais aussi par l’adhésion, la sensibilisation et la formation des équipes, et l’accompagnement étroit du réseau… Un chantier de taille ! » Et de se réjouir : « Aujourd’hui, clairement, nous récoltons ce que nous avons semé depuis trois ans. Le taux de transformation et le panier moyen augmentent, tout comme les coefficients, et donc la rentabilité pour nos adhérents. En somme, nos vendeurs font moins de remises qu’avant : pourtant, étant donné la tension du marché, cela pourrait logiquement être l’inverse ! » En outre, le directeur opérationnel de France Literie ne se montre pas si catégorique concernant la baisse de fréquentation généralisée : « Chez nous, elle est assez linéaire, et même parfois en hausse d’une année à l’autre » : un phénomène attribué, en grande partie, au « mix média » - un terme qui lui est cher – mis à profit depuis plusieurs années en matière de communication et qui, par son caractère « bien équilibré », parvient à toucher un maximum de prospects. Si le modèle n’est pas le même, c’est aussi, entre autres, la montée en gamme – ou plutôt l’élargissement de l’offre vers ce segment – qui semble porteuse pour La Halle au Sommeil, puisque si l’on en croit John Coronilla, l’ « excellence » - qui s’ajoute donc au « discount » puis aux « marques » intermédiaires – se « porte bien » et surtout, elle permet à l’enseigne de pouvoir apporter des réponses « à tous les budgets ». Christophe Patard (Expert Litier) évoque, de son côté, « une politique commerciale démontrant toute son efficacité, mettant en avant les grandes marques, la fabrication française et une totale transparence sur les offres ». Ainsi, l’enseigne du groupe UCEM « répond aux attentes des clients, et renforce leur confiance ». Il martèle : « Il est essentiel d’expliquer les véritables bénéfices des différentes technologies et marques que nous proposons… C’est en cela que les spécialistes literie, dont nous faisons partie, se différencieront des pure-players et des promesses avancées par les matelas universels ». Chez Maison de la Literie, la différenciation se fait, en majeure partie, par le statut de « concepteur fabricant », qui lui permet de proposer ses propres marques, aux côtés d’autres grandes signatures : « Selon les surfaces des magasins et les types de zones, nous préconisons 30 % à 50 % d’espace consacré à nos marques Onea et Ducal Literie, et donc 50 % à 70 % dédiés à nos partenaires, détaille Guillaume Bages. Nous savons que nos produits présentent un excellent rapport qualité / prix, et nous travaillons aussi avec nos fournisseurs extérieurs en ce sens ». Le directeur général délégué tient aussi à insister sur le maintien d’un stock « sur la majorité des produits des gammes Onea et Ducal, et sur les dimensions les plus plébiscitées par les consommateurs », ce qui lui permet d’afficher des délais de livraison de 24 heures à Paris, et d’une semaine maximum en province… Un autre argument qui peut faire la différence aux yeux du consommateur, déjà pour attirer, et ensuite pour transformer. Grand Litier, pour sa part, choisit de miser, entre autres, sur la réassurance du client, et la levée des angoisses qu’il peut avoir lors d’un achat de literie : « Depuis longtemps, nous avons un discours très bien ficelé sur le sommeil, que les adhérents ont parfaitement su s’approprier, indique Wolf Stolpner. Evidemment, outre les produits et le concept magasin, la formation, en ce sens, est très importante. Pour donner encore plus d’expertise à nos Conseillers Sommeil – véritables techniciens de la literie – nous avons lancé comme prévu le « Passeport Formations », avec des modules proposés en partenariat avec une plateforme d’e-learning. Prochaine étape : la formation des managers, qui sera lancée concrètement en juin prochain, lors de notre congrès ». Il convient également d’évoquer – et cela est sans doute la mesure la plus forte adoptée par Grand Litier dans cet objectif de rassurer le consommateur – le nouveau dispositif de l’ « Engagement Sommeil », qui permettra de répondre parfaitement au confort attendu, en faisant le point entre le quinzième et le trentième jour après l’achat de la literie… et de l’échanger si besoin : évidemment, les conseils et l’orientation avisée du Conseiller Sommeil doivent permettre de ne pas arriver à une telle issue, mais c’est une garantie supplémentaire… de taille !

Ensemble lit, dosseret tapissier et pieds en hêtre massif tournés réalisé avec Margaux Keller, André Renault © Laure Melone

Les fabricants jouent plusieurs cartes

Les industriels, eux aussi, savent adopter des stratégies ajustées, et apporter leur lot d’arguments produits et de services, pour se différencier au sein d’un marché bataillé, d’autant plus en ces temps de conjoncture tendue. D’abord – et l’on parlera ici, par exemple, du groupe Matfa (Literie Duvivier, Onrev) ou de COFEL – la diversité des débouchés en termes de canaux de distribution représente un atout significatif, comme nous l’expliquait en début d’année Frédéric Binay, directeur commercial et marketing du premier : « Le groupe Matfa fonde son identité sur une politique très pluraliste, que l’on pourrait qualifier de « caméléon », dans le sens où nos distributeurs relèvent de circuits très divers. Ainsi, non seulement nous avons toujours des dossiers à développer, une actualité à couvrir, mais en plus, cela nous permet d’éventuellement compenser de l’un ou l’autre côté, lorsque des marchés se montrent plus faibles que d’autres ». COFEL, de son côté, travaille toujours le segment de l’hôtellerie – le groupe se dit leader sur les établissements trois, quatre et cinq étoiles, avec une part de marché de 30 % - ce qui lui permet, par ailleurs, de pouvoir établir « un lien très fort » entre sa marque Epéda et le monde de l’hôtellerie de luxe, afin de mettre celle-ci en lumière à travers des codes attractifs et différenciants [voir plus bas]. Le Sommeil Français, pour sa part, élargit les horizons sur le plan géographique, avec sa collection éponyme nouvellement lancée… qui lui donne tous les arguments pour exposer au salon du sommeil à Taipei (Taïwan) en juin prochain ! Pour Diroy, cela est bel-et-bien l’intégration complète de son outil de production qui lui permet, lui aussi, d’élargir ses horizons, en matière de commandes : « Que ce soit pour notre activité de fabrication literie, à destination du BtoB ou des marchés de contract, ou pour la transformation de produits alvéolaires souples, nous pouvons tout aussi bien travailler de la grande série que des pièces uniques. Une flexibilité et une souplesse de fonctionnement qui nous permettent de performer, en offrant du service » résume Guillaume Joly.

Base logistique du groupe Matfa, Mortagne-sur-Sèvre (85)

Les services, en effet, constituent un autre pilier majeur dans la stratégie des industriels, et c’est en ce sens que COFEL nourrit l’ambition de devenir progressivement le « one stop shop » des distributeurs, leur proposant tous les principaux produits de literie et compléments, ainsi que des services qui leur sont utiles. Le groupe compte, par exemple, sur une digitalisation totale des commandes, mais aussi sur des prestations de merchandising, de formation… et sur la livraison directe, au domicile du client final, depuis ses entrepôts : « Aujourd’hui, environ 15 % de nos commandes (en nombre) sont traitées ainsi. Le distributeur, s’il le souhaite, n’a plus à s’occuper de la logistique, ni même à posséder son propre stock de produits COFEL » précise Luis Flaquer. Mais au-delà de ça, le groupe mise sur « la force » de ses trois marques (Epéda, Bultex, Mérinos) pour être « au service de la réussite de [ses] partenaires distributeurs » : chacune dispose d’un terrain d’expression bien défini, à l’origine de communications percutantes et permettant, ainsi, d’accroître la visibilité desdites marques... ce qui génère forcément des retombées pour les acteurs qui les distribuent. Du côté du groupe Matfa, l’entière réorganisation de la chaîne logistique a eu pour effet de rendre les deux sites indépendants en termes d’expéditions, elles-mêmes assurées par la propre flotte de l’entreprise (ou par un transporteur extérieur avec des tournées dédiées). Cette réorganisation doit permettre au groupe de lancer très prochainement le service « chronos », qui garantira aux spécialistes « un délai de livraison record » sur une sélection de collections et / ou de produits : « Le dispositif est pensé, comme on peut l’imaginer, pour concurrencer les acteurs de la VAD, et songeons également que la réduction du délai de livraison permet d’accentuer les ventes qui, en s’inscrivant dans un cycle plus court, ont pour effet de moins solliciter les trésoreries ; et cela, nous le savons, est le nerf de la guerre » nous confiait Frédéric Binay en février dernier. On peut évoquer, enfin, le savant discours d’André Renault qui, autour de ses quatre piliers d’ « excellence » - un meilleur sommeil / un confort personnalisé / un design original et à la carte / une expérience utilisateur aboutie – offre des arguments de taille aux distributeurs spécialistes et multi-spécialistes, qui bénéficient ainsi d’une offre à la fois « qualitative et différenciante »… comme pouvait le montrer le stand du fabricant lors du dernier EspritMeuble, riche d’innovations et de produits aux technologies ultra-avancées, à l’image des dosserets lumineux ou encore du sommier Alta Linea. Car il est bien évident, enfin, que la capacité d’innovation et les offres produits – que ce soit sous marques nationales ou MDD -, dévoilées par les industriels, sont sans doute leur premier atout vis-à-vis de leurs clients distributeurs. Et lorsque l’on ajoute à cela la garantie d’un label de forte notoriété – à l’image de Belle Literie et Belle Literie Excellence, dont bénéficient, entre autres, Diroy et Technilat –, fondé sur un cahier des charges particulièrement exigeant, et qui sera parlant au consommateur… la réassurance n’en sera que plus importante !

Magasin La Halle au Sommeil, Saint-Egrève (38)

2025 « pire » ? Quelles voies a explorer ?

Lors de son colloque de décembre dernier, l’IPEA a été capable d’établir, d’ores-et-déjà, des projections concernant l’atterrissage, fin 2025, pour le marché du meuble et ses différentes familles de produits : au sein d’une baisse générale un peu moins marquée qu’en 2024 (- 4 %), la literie, en revanche, pourrait bien voir son repli se creuser, avec – 3 % estimés. « Ce chiffre reflète un marché sous tension, marqué par la prudence des consommateurs, et un pouvoir d’achat contraint, commente Christophe Patard (Expert Litier). C’est un paradoxe d’autant plus frappant lorsque l’on sait que l’épargne des Français atteint des niveaux records… Cela montre que les ressources financières existent, mais que l’incertitude actuelle freine les décisions d’achat ». Et d’espérer : « Il est donc évident qu’un climat économique et social plus apaisé pourrait entraîner un rebond significatif de la consommation, notamment sur des produits à forte valeur perçue, comme la literie ».  

Magasin Maison de la Literie, recréé dans le showroom au cœur du site industriel de Saint-Forgeot (71)

Déjà, pour évoquer une échéance plus proche, quid du premier semestre ? « Avril avait été mauvais en 2024, avec – 6,3 %, donc les acteurs de la literie pourront sans doute se rattraper sur ce mois-ci, suppose Eric Mandinaud. Mai, ensuite, avait été étale. Juin était à + 7 %, donc l’historique est particulièrement fort. A voir ce que donneront les soldes d’été ». Dans tous les cas, le consultant IPEA précise que le « retournement », autrement dit le (petit) regain des volumes observé l’année dernière, ne sera « pas forcément valable » en 2025. « En fait, il faut bien se rendre compte qu’à un moment, les volumes ne suffiront plus ; c’est une époque révolue, poursuit-il. Si la part de marché de la grande distribution, en literie, pourra effectivement aller jusqu’à 50 %, cela ne poussera pas plus loin. La variable sera Internet. D’où l’enjeu, pour chaque acteur, du bon « mix produit », pour créer de la valeur ». On avait d’ailleurs pu constater, par le passé, que même la grande distribution – But, pour ne pas le nommer, avec son offre Nuit Faubourg, ou encore sa gamme de boxsprings - pouvait chercher à accroître au moins la valeur perçue, afin de miser sur d’autres arguments… Restera, aussi, la problématique de la fréquentation, dont on a encore du mal à croire qu’elle pourrait un jour repartir franchement à la hausse, étant donné le climat tendu et anxiogène actuel : « Face à cela, j’imagine que des spécialistes vont continuer de bien s’en sortir – d’autant qu’ils savent bien étoffer leurs maillages – mais ce sera certainement compliqué pour d’autres ». Le logement reste également un paramètre défavorable – sachant que même si une reprise se dessine, elle sera fatalement précédée d’une période d’inertie avant d’avoir des conséquences sur la consommation de meubles - tout comme une évolution de la structure de la société : « Le fait que de plus-en-plus de jeunes tardent à se mettre en couple, ou ne le fassent tout simplement pas, n’est pas forcément bon pour les ventes de literie » souligne le consultant de l’IPEA, pour lequel la prospective démographique est cruciale dans l’étude de notre marché. François Duparc, de son côté, livre cette analyse : « Les conditions sont certes difficiles, mais cet exercice 2025 ne sera pas non plus catastrophique. Songeons que la literie ne varie jamais à deux chiffres, que ce soit dans un sens ou dans l’autre… Nous avons un marché assez solide, ne serait-ce que parce qu’il repose sur des marques, donc impactant auprès du consommateur. » Il va plus loin : « Je crois que le secteur est dans une phase de remise en cause. Le consommateur est confronté à une multiplication de l'offre, qui est plus de nature à brouiller les cartes et à le faire douter. Les acteurs industriels et distributeurs du marché - et en particulier les adhérents de Parlons Literie - ont la volonté de rendre notre métier plus séduisant à ses yeux. Informer, valoriser les bonnes pratiques et les savoirs faires, alerter sur celles qui présentent des risques, dans un cadre bienveillant et sans parti pris, est nécessaire pour contribuer à redynamiser notre marché. Autrement dit, le fait de mettre davantage en valeur les bienfaits et la contribution au bien-être d'une bonne literie, plutôt que de parler technique, est un point clef de notre communication. » Et de s’expliquer : « Les acteurs s’expriment beaucoup sur la fonctionnalité et la technique, ce qui peut évidemment présenter des avantages, puisque ce sont des arguments capables de faire la différence. Mais quid de la notion – très accessible, et somme toute universelle ! – de « plaisir » ? Il me semble que la communication autour de cette thématique reste encore assez faible. » Luis Flaquer rebondit : « La notion de « plaisir », et j’irai plus loin en parlant même de « désir », sur notre marché de la literie, peut être abordée sous des angles différents. Chez COFEL, nous mettons déjà en avant le made in France, ce qui aide nos partenaires distributeurs à se distinguer. Ensuite, la désirabilité d’une marque est suscitée, en grande partie, par la communication dont elle fait l’objet. En cela, pour Epéda, nous exploitons particulièrement l’univers de l’hôtellerie, très valorisant ; pour Bultex, nous nous attachons à rendre évident le lien qu’il existe entre qualité de la literie et qualité de sommeil, en nous servant du sport, et c’est la raison pour laquelle nous avons noué plusieurs partenariats en ce sens. Enfin l’identité visuelle de Mérinos, que nous avons récemment repensée, est axée sur l’humour et le plaisir. Nos trois marques – pour Epéda, cela est imminent – ont vu leurs sites internet respectifs refondus, afin de gagner en visibilité… et en désirabilité ! »

Intérieur du magasin Grand Litier de Rennes (35).

Dans tous les cas, l’exercice 2025 devrait être de nouveau incertain avec, pour les acteurs, de plus en plus de difficultés à appréhender chaque mois. Guillaume Joly (Diroy) nous confie même s’astreindre à établir systématiquement, chaque année, trois budgets prévisionnels différents, et ce depuis le Covid… Même si, comme le note Luis Flaquer, « le marché de la literie est globalement stable et mature, dans un pays qui l’est aussi, donc normalement moins sensible aux aléas macro-économiques par rapport à d’autres marchés » - des raisons pour lesquelles le dirigeant du COFEL se d’ailleurs dit « très optimiste » pour cette année et celles à venir - la visibilité générale, pour l’ensemble du secteur, est loin d’être optimale… si ce n’est qu’en effet, l’IPEA ne se trompe que rarement sur ses prévisions concernant l’atterrissage de l’exercice en cours. D’ici-là, (presque) tout reste à écrire !  

* Nouvelle étude Le Marché de la Literie en France 2022-2024 disponible pour commande sur ipea.fr.

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