[Rencontres de l’Ameublement français] La RSE, passeport pour un impact positif
Les Rencontres de l’Ameublement français 2022, qui ont eu lieu le 24 juin à Paris, ont pris à bras le corps le thème de l’impact de la fabrication, qui pousse à modifier et adapter l’activité au plan environnemental – par l’utilisation de matériaux plus vertueux, le recyclage et le réemploi – et au plan social, en se fixant de nouveaux objectifs en termes d’emploi, de formation et d’évolutions de carrières, dans le cadre de la RSE (1). Aux commandes d’un secteur qui ne manque pas d’atouts – utilisation du bois, circuits courts, emplois pérennes… – l’Ameublement français est mobilisé sur ce sujet, et lancera notamment à partir de novembre prochain un programme de déploiement RSE destiné aux entreprises.
Impact carbone, sobriété énergétique, changement climatique… voilà des thématiques qui sont devenues au fil des ans omniprésentes, et occuperont de plus en plus le devant de la scène, tant les enjeux sont importants, et même vitaux pour l’avenir. Dans ce chantier qui s’engage pour sauver notre planète, et conserver un climat vivable pour les générations à venir, chacun a sa part de responsabilité : les politiques et institutionnels, qui doivent définir un cadre réglementaire à la fois efficace et acceptable – comme c’est le cas de l’Accord de Paris de 2015 – les citoyens qui doivent adopter des comportements responsables dans leur consommation et dans le recyclage, et bien sûr les entreprises, qui doivent faire évoluer leur modèle économique, en adoptant un ensemble de pratiques nouvelles, qui vont du choix de matériaux alternatifs plus vertueux, à la valorisation des produits en fin de vie, jusqu’à l’économie circulaire et la sobriété énergétique, avec un but principal : réduire leur impact carbone. Voilà pourquoi le choix du thème des rencontres de l’Ameublement français – « Cap 2030, vers une filière à impact positif » – qui se sont déroulées le 24 juin dernier au siège du MEDEF à Paris, est particulièrement d’actualité.
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Une situation grave, mais pas désespérée
Pour commencer, l’Ameublement français a donné la parole à François Gemenne, enseignant en géopolitique à l’université de Liège (Belgique) et membre du GIEC (2), qui a dressé un état des lieux du changement climatique, et mis en évidence les leviers d’action qui sont à la disposition des entreprises, notamment de l’ameublement. « Comment en est-on arrivé à la situation actuelle ? Depuis les années 1970 et 1980, nous n’avons cessé de battre record sur record en matière d’émissions de gaz à effet de serre, qui ont déréglé le climat, a-t-il expliqué. Ce sont bien les activités humaines qui sont responsables des désordres climatiques comme les vagues de chaleurs, incendies, sécheresses, inondations, etc., et il faut se rendre à l’évidence : ces changements vont se poursuivre et sont irréversibles à l’échelle de nos vies. » Mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire, bien au contraire. Le dernier rapport du GIEC indique que nous pouvons agir, et freiner le réchauffement, et donc ralentir le dérèglement, en contenant la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en-dessous d’un seuil acceptable. L’un des leviers est connu depuis les accords de Paris : les états doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, en remplaçant leur consommation d’énergies fossiles – gaz, pétrole – par des énergies renouvelables – éolien, solaire, voire nucléaire, cette dernière étant en débat – mais aussi en réduisant fortement leurs consommations d’énergies. Il faut aussi réduire notre consommation de matériaux neufs, dont la transformation génère des gaz à effet de serre et appauvrit la ressource. L’intervenant a conclu en évoquant aussi le volet géopolitique du changement climatique, et la nécessité de réduire les inégalités avec les pays en développement : ces pays notamment africains et asiatiques seront les premières victimes des déséquilibres et famines qui en découleront, un facteur d’instabilité qui menacera l’ensemble des pays développés.
Meuble : des points forts et des points d’amélioration
Dans un tel contexte, quelle est la situation des entreprises de l’ameublement et comment peuvent-elles agir ? Tel était le thème de l’intervention de Marc Lhermitte, directeur associé du cabinet EY Consulting, spécialisé dans l’impact de la géopolitique sur la stratégie des groupes internationaux, PME et start up, et partenaire développement durable de l’Ameublement français. L’intervenant a tout d’abord rappelé que le secteur de l’ameublement a bien rebondi après la pandémie puisque, après avoir reculé de 15 % entre 2019 et 2020, il a regagné le terrain perdu en atteignant 7,4 Mds€ d’activité en 2021, soit + 3 % versus 2019. Dans le même intervalle, l’emploi est resté stable (110 846 emplois directs et indirects en 2019 versus 110 813 en 2021). Il a aussi pointé les points où le secteur a une importante marge de progression, à commencer par l’export, qui ne représente que 15 % du chiffre d’affaires du meuble français en 2019. Responsable de 5 % du déficit de la balance commerciale française, le meuble pourrait contribuer activement à son redressement. Mais son diagnostic a surtout porté sur la situation du secteur en regard de la RSE, où il est plutôt bien placé : l’ameublement en effet se distingue par son taux élevé d’emplois stables, puisque 13 % seulement des salariés sont en CDD ou à temps partiel (contre 30 % pour l’ensemble des conventions collectives de branches), et 64 % de ces salariés sont des ouvriers, une catégorie qui est plus victime du chômage que les autres. Autre élément intéressant sur le plan sociétal, 24 % des entreprises de l’économie sociale et solidaire appartiennent au secteur meuble et traitement des déchets, ce qui correspond à plus de 15 000 salariés, et près de 6 000 ETP (équivalents temps plein). Autre indicateur, 76 % des entreprises du secteur sont implantées en zones rurales, ce qui contribue à la vivacité des territoires.
Marc Lhermitte a poursuivi en indiquant que l’Ameublement français est engagé dans une évaluation de son empreinte environnementale, et la définition d’une trajectoire vertueuse, à travers les quatre thèmes de la lutte contre le changement climatique (émissions de GES – gaz à effet de serre), de l’utilisation des ressources et de l’économie circulaire, de la protection de la biodiversité, et des rejets de polluants dans l’air (notamment COV). Les premiers constats permettent de mettre en avant les atouts du secteur, à commencer par l’utilisation du bois, massif ou sous forme de panneaux, un matériau qui émet de 0,3 à 0,4 kgCO2 éq./kg de GES, beaucoup moins émissif que d’autres comme le PVC ou l’acier (respectivement 3,1 et 1,5 kgCO2 éq./kg). La filière contribue activement au maintien des forêts, véritable puits de carbone. Autres aspects positifs relevés par l’intervenant, le secteur utilise 21 % de matériaux recyclés – notamment dans les panneaux à base de bois – il fabrique des produits à longue durée de vie – par exemple 23 ans en moyenne pour une cuisine – et plus de 80 % de se déchets sont recyclés ou valorisés. Enfin, le diagnostic de l’agence EY Consulting met en évidence des axes d’amélioration : attention à l’emprise au sol – autrement dit l’artificialisation des sols – à la traçabilité du bois qui doit être améliorée, aux nuisances sonores des équipements industriels, à la valorisation des déchets solides et des chutes, et aux émissions polluantes, dont les COV, et aux émissions issues de la fabrication (3).
RSE : savoir communiquer sur ses impacts
Pour répondre aux attentes de la société, les entreprises de fabrication doivent maintenant aller plus loin dans leur stratégie RSE, et savoir comment communiquer sur ce thème, vis-à-vis de leurs clients qui sont aussi des citoyens, pour ne pas être taxées de « greenwashing », c’est-à-dire de donner l’impression d’agir à des fins de marketing sans agir vraiment pour l’environnement. Tel était le thème d’une table ronde au programme de la journée, qui a permis de dégager quelques pièges à éviter. En premier lieu les intervenants se sont accordés sur le fait qu’il faut être prudent avec les labels environnementaux : ils ne sont pas une solution miracle, car ils sont trop nombreux, ce qui entraîne une confusion et donc de la méfiance chez le consommateur. Cependant, PEFC et FSC semblent devenir incontournables, pour garantir que les bois proviennent de forêts gérées durablement. Qu’en est-il d’un autre volet de la RSE, le made in France ? « C’est pour nous une grande fierté de pouvoir dire que nous sommes made in France, a déclaré Béatrice Chandelier, directrice RSE et Communication de Schmidt Groupe. C’est dans notre ADN, de même que la défense de nos métiers et savoir-faire d’industriels. Mais ce n’est pas tout pour autant : le made in France est un argument qui vient en plus de notre promesse de fournir à nos clients un projet sur mesure qui correspond à leur projet de vie. » Pour Joël Tronchon, directeur du développement durable Europe de l’Oréal, « il faut surtout montrer ce qu’il y a derrière ce terme, les personnes qui travaillent, les conditions sociales et environnementales de fabrication, les consommateurs adorent ça, sous forme de vidéos par exemple. »
Mais pour Marine d’Allancé, chargée des relations avec le monde économique de WWF-France, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : « Avant de communiquer, il faut d’abord que l’entreprise mesure ses impacts, dégage des priorités, et définisse un plan d’actions. C’est fastidieux, mais c’est la condition pour des preuves soient fournies, pour éviter les affirmations fallacieuses, et que la communication soit sincère et transparente. Il est tout aussi utile de mesurer l’impact de cette communication, pour savoir si les messages sont bien passés. » Autre point abordé lors de cette table ronde, comment faire passer auprès du consommateur le surcoût lié à un meuble à la fois made in France, issu de circuits courts, et plus respectueux de l’environnement ? « Pour nous, il ne s’agit pas d’un surcoût, l’environnement est inclus dans les objectifs de l’entreprise, dans son ADN, réagit Béatrice Chandelier. En revanche, il faut partager ces objectifs avec notre circuit de distribution et nos consommateurs finaux pour qu’ils soient compris comme une composante de notre prix. » On passe ainsi d’une RSE tournée vers l’entreprise à une RSM – responsabilité sociétale des marques – tournée vers le consommateur. Pour finir, des nouveaux enjeux apparaissent, tout aussi importants, comme le respect de la biodiversité, et la consommation d’eau.
Un programme RSE déployé par l’Ameublement français
Comment les entreprises peuvent-elles se faire accompagner, dans leur démarche RSE ? Interrogée à ce sujet, Emilie Bossanne (directrice adjointe du FCBA), plante le décor : « La position des pouvoirs publics est claire, tant que cela relève de la démarche volontaire, on peut distribuer des aides, mais dès qu’on passe au réglementaire, il n’y a plus de raison d’accorder des aides pour aider les entreprises à se conformer à la loi. » L’intervenante a notamment mis en avant les dispositifs proposés par l’ADEME, notamment pour les PME, avec des taux de financement très avantageux, pour les aider à entrer dans l’écoconception et à aller vers l’affichage environnemental. L’Ameublement français est lui-même très actif dans la RSE, puisqu’il a mis en place un comité de pilotage, et un programme d’accélération du déploiement RSE dans les entreprises. Mis au point avec le cabinet RSM et le soutien du Codifab, ce programme se compose d’une étape pilote – avec 5 entreprises, dont 1 ETI, 2 TPE et 2 PME – invitées à suivre les 5 étapes de développement d’une démarche RSE, complétées par des formations en présentiel ou en e-learning. A l’issue de cette étape pilote, qui se déroule de juin à octobre 2022, l’Ameublement français procédera à partir de novembre 2022 à un déploiement du programme à grande échelle, en intégrant 80 entreprises, dont 3 ETI, 45 PME et 32 TPE, et pour lequel les inscriptions sont ouvertes. Toutes les conditions sont donc réunies pour que la RSE devienne un axe de développement comme les autres au sein de toutes les entreprises du meuble.
(1) Responsabilité Sociétale des Entreprises.
(2) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
(3) Les travaux d’évaluation de l’empreinte carbone du secteur sont en cours, de même que les scénarios à venir de décarbonation, avec le FCBA et les éco-organismes Eco-Mobilier et Valdelia, dont les résultats seront communiqués d’ici quelques mois.
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[Zooms]
French design by VIA : des cahiers d’inspiration et une formation
Pour accompagner les entreprises, designers, fabricants et distributeurs, qui souhaitent faire évoluer leurs produits et leurs modèles vers le développement durable, le French design by VIA édite ses Cahiers d’inspiration 2022-2023. Issus de deux années d’analyse du marché, de scénarios prospectifs, de recherches et interviews, cet ouvrage se présente sous forme numérique, et réunit 100 projets français de mobiliers, luminaires, objets, aménagements et concepts, qui illustrent l’émergence de nouveaux modèles d’activité – économie circulaire, biomimétisme, circuits courts, usages partagés… – répartis en cinq cahiers intitulés Nouveaux modèles, Process innovants, Conquête des territoires, Visions créatives et Usages d’avenir. En complément de ces cahiers, le French Design proposera dès la rentrée des ateliers ouverts aux entreprises, pour pouvoir rechercher avec elles des chemins personnalisés vers le développement durable.
Les fabricants français et la RSE : enquête express
Le sondage réalisé par l’Ameublement français début 2022, pour savoir où en sont les entreprises du meuble en termes de RSE, permet d’extraire les chiffres suivants :
> 58 % des entreprises qui ont répondu ont mis en place une démarche RSE, dont 100 % des ETI, 53 % des PME et 48 % des TPE
> Les démarches RSE ont été initiées il y a 7 ans en moyenne, dont 46 % il y a 2 à 5 ans, et 20 % il y a moins d’un an
> 47 % de ceux qui n’ont pas d’engagement RSE envisagent de s’y mettre au plus tard dans 1 an
> 82 % des entreprises qui ont répondu ont mis une note supérieure à 3 sur 5 au volet social de leur démarche RSE, et 85 % une note supérieure à 3 sur 5 pour le volet environnement
> 26 % des entreprises qui ont une démarche RSE détiennent un label (PEFC ou FSC en premier) 38 % une certification (Ecovadis en premier), et 36 % aucun outil d’évaluation
> 74 % des entreprises qui ont une démarche RSE communiquent dessus, dont 65 % à la fois en interne et auprès des parties prenantes extérieures
> 59 % des entreprises qui ont une démarche RSE ont un référent RSE
> 35 % ont pour attente prioritaire des outils et une méthodologie RSE
(140 entreprises ont répondu à l’enquête, soit un taux de retour élevé de 37 %)