C’est un bilan particulier qu’ont présenté les acteurs de la filière sur les chiffres 2019 du marché du meuble domestique : avec une valeur globale de 13,4 Mds€ TTC, celui-ci enregistre + 4,1 % en valeur. Pourquoi un tel écart avec les données annuelles qui étaient avancées par l’IPEA depuis 1988, et qui n’ont jamais fait dépasser le marché à 9,84 Mds€ ? L’Institut a procédé à un travail de fond, mené notamment à partir des données d’Eco-Mobilier, pour en réviser entièrement les chiffres à compter de ceux de 2018. Avec cette nouvelle méthodologie – qui permet de « mieux appréhender le marché », notamment en ce qui concerne d’autres circuits majeurs de l’équipement de l’habitat – le bilan 2019 tout juste livré doit ainsi être considéré comme une « année zéro », se dissociant logiquement de l’historique que l’IPEA a fourni pendant 30 ans…
A noter que cette conférence de presse a également été l’occasion de faire un point détaillé sur l’engagement environnemental de la filière « concret et croissant », amorcé depuis une décennie et, de ce fait, particulièrement avancé comparé à d’autres secteurs d’activité.
Comme chaque année, les acteurs de la filière – Ameublement français, FNAEM et IPEA – ont réuni la presse à Paris pour leur dévoiler les derniers chiffres annuels du marché domestique. Comme chaque année… si ce n’est que cette conférence 2020, organisé ce mardi 3 mars et concernant donc les données de 2019, aura marqué une rupture avec toutes les précédentes, adoptant une nouvelle méthodologie entraînant l’entière révision dudit marché.
+ 4,1 % au global, avec des contours plus précis
C’est, en effet, une valeur globale de 13,4 milliards d’euros TTC – soit 11,3 milliards HT – qu’avance l’IPEA pour cet exercice écoulé, qui correspond à une revalorisation du marché d’environ + 35 % : les nouvelles estimations, réalisées notamment en collaboration avec Eco-Mobilier ainsi que les principaux industriels et distributeurs du secteur, englobent précisément d’autres circuits majeurs du secteur de l’habitat, tels que les GSB, autres enseignes spécialisées, etc. [voir encadré explicatif]. La croissance du marché, elle, selon les chiffres révisés de 2018, est estimée à + 4,1 % (en valeur). Il est donc important de noter que le périmètre et les évolutions détaillées – par famille de produits et circuits – ainsi avancés pour cet exercice 2019 sont donc non comparables avec les chiffres qui avaient été fournis, il y a un an, pour le précédent exercice ni, de manière plus large, avec les données livrées par l’IPEA depuis 1988 (on pense, notamment, au graphique reprenant les valeurs du marché que l’Institut avait l’habitude de fournir chaque année, qui avait pour point culminant les 9,84 Mds€ de 2011). Ce bilan 2019 constitue donc une « année zéro », introduisant une valeur révisée du marché, jugée plus précise : « Il y a une rupture de série statistique en 2018, résume l’IPEA, puisque nous avons reconstruit des fondations d’observation solides ».
Cuisine et cuisinistes, grands gagnants
Ainsi, selon cette nouvelle méthode de calcul, les données des différentes familles de produits avancées pour 2019 – avec des évolutions basées, donc, sur les chiffres révisés de 2018 – peuvent (logiquement) paraître très éloignées de celles qui avaient été officiellement livrées par l’IPEA il y a un an. Une fois ceci précisé, évoquons tout d’abord le meuble de cuisine et les spécialistes cuisine, qui enregistrent les meilleures performances (+ 6,2 % pour cette famille de produits, avec une valeur totale de 3,61 Mds€, qui se voit donc significativement grossie en englobant plus précisément, entre autres, les ventes des GSB) : « Le segment capitalise fortement sur les bonnes performances des cuisinistes […] souligne l’IPEA. La croissance est également au rendez-vous dans la grande distribution ameublement [grâce, notamment, au nombre important de déménagements ces derniers mois]. Les GSB se portent bien, également, [en vendant de forts volumes de propositions simples] ». La literie réalise la deuxième meilleure croissance du secteur selon les chiffres révisés (+ 4 %, 1,78 Md€), avec des ouvertures de spécialistes ayant repris à un rythme « plus soutenu », assurant « une bonne croissance des réseaux nationaux » ; bénéficiant également à ce marché, la hausse du panier moyen observée grâce au leasing (pour les acteurs concernés) et le développement, toujours d’actualité, des grandes tailles… « Du côté de la vente en ligne, les croissances enregistrées les dernières années ne sont plus d’actualité, des prix de plus en plus bas ayant eu pour le moment raison de l’effet volume » note l’IPEA. Le meuble meublant, de son côté, enregistre aussi une belle performance (+ 3,4 % avec 4,59 Mds€), et ce « alors que les surfaces de vente qui lui sont allouées continuent de se réduire dans bon nombre de magasins de la vente physique ». L’Institut ajoute : « Une fois n’est pas coutume, on note de belles progressions des enseignes de l’ameublement milieu – haut de gamme sur ce segment, qui enregistrent des croissances rivalisant avec celles de la grande distribution ». Les GSB continuent elles aussi de se positionner sur ce produit (via, notamment, des meubles de chambre et surtout de dressing), tandis que le commerce électronique peine à y développer ses ventes en valeur. Les sièges rembourrés enregistrent, de leur côté, une croissance un peu moins importante (+2,9 %, 2,34 Mds€), ayant toujours comme fondement une dynamique à deux vitesses, avec la chute continue des banquettes et les bonnes ventes du canapé convertible 1er prix… Ici, les spécialistes réalisent une « bonne année » malgré les politiques de promotions agressives toujours plus nombreuses, tout comme la grande distribution ; l’ameublement milieu – haut de gamme se maintient ; en revanche, l’e-commerce est « plus décevant », avec une montée en gamme difficile sur ces produits. Enfin, le meuble de salle de bains progresse également sur l’année (+ 2,8 %), soutenu notamment par les bonnes performances dans l’immobilier ancien : les spécialistes et les GSB restent les principaux artisans de la croissance, au coude-à-coude avec le négoce.
« L’année des spécialistes »
Si toutes les familles de produits sortent gagnantes de cet exercice 2019, il en est de même pour l’ensemble des circuits. 2019 aura été, selon l’IPEA, « l’année des spécialistes », qui sont désormais regroupés, dans la nouvelle nomenclature, toutes familles de produits confondues (alors qu’auparavant, les spécialistes cuisine étaient dissociés, et les litiers étaient intégrés dans une autre catégorie). Ce circuit génère, au global, 3,18 Mds€ de CA, en progression de 6,8 %… Si les chiffres détaillés ne sont donc pas livrés ici (à noter que l’IPEA les propose dans ses études spécifiques par secteur), l’Institut fait toutefois remarquer que les cuisinistes sortent grands gagnants ; et bien qu’ils ne parviennent pas à approcher les performances de ces derniers, les spécialistes literie et salon « ne déméritent pas », affichant également des résultats en croissance… La grande distribution ameublement observe également une belle progression (+ 4,3 % avec 5,44 Mds€), mais il est important de noter que dans le cadre de la nouvelle méthodologie, elle ne représente plus « que » 40,6 % du marché, ce qui est logique puisque la part générée par les GSB, entre autres, y a été ajoutée : « Les clients d’un des acteurs majeurs, disparu à la fin de l’année 2018 [Fly, ndlr], se sont répartis sur les enseignes restantes, même si certains ont été tentés de jouer la carte de l’e-commerce » analyse l’IPEA, qui souligne aussi le fait que les acteurs de ce circuit « ont su également reprendre quelques parts de marché à la concurrence ». Pour cette grande distribution, cette année 2020 devrait être le siège de plusieurs mutations, « avec la fermeture annoncée d’un certain nombre de magasins de la part d’un des acteurs [Conforama, ndlr], alors qu’un autre se repositionne [Alinea, ndlr] et qu’un troisième [But, ndlr] a ouvert sa place de marché à l’automne ». Les enseignes de l’ameublement milieu – haut de gamme, désormais regroupées en une seule catégorie alors qu’elles étaient dissociées jusqu’alors, affichent, de leur côté, une belle progression en 2019 (+ 3,1 %), avec en particulier des performances louables sur ses deux rayons majeurs, à savoir le meublant (surtout de salon / séjour) et les sièges rembourrés, qui représentent près des deux-tiers de leur CA : celui-ci est évalué à 1,45 Md€, soit 10,9 % du marché du meuble). L’IPEA fait aussi remarquer que les GSB, nouvelle catégorie traitée à part entière, continuent leur percée sur le marché du meuble (+ 2,8 %, avec un CA de 1,73 Md€ et une part de marché de 12,9 %), voyant encore leurs ventes progresser en 2019 sur les deux marchés majeurs que sont le meublant et la cuisine… Enfin, comme cela pouvait être pressenti en prenant connaissance des analyses par famille de produit, le commerce électronique (pure-players uniquement) aura observé une année 2019 plus morose (+ 0,7 %, avec une part de marché désormais ramenée à 7,3 %) : « Si les ventes totales de l’e-commerce seront en forte progression en 2019 comme l’ont montré les premiers indicateurs de la Fevad publiés en cours d’année, le meuble, comme d’autres biens manufacturés, semble pour sa part avoir du mal à suivre le rythme ».
Perspectives 2020
En ce qui concerne les premières semaines de 2020, ces éléments pourraient rester « plutôt bien orientés » avec une nouvelle hausse du pouvoir d’achat attendue suite, notamment à la baisse de l’impôt sur le revenu et à la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation… Le chômage, lui, devrait également continuer à baisser selon les dernières estimations. Malgré tout, plusieurs incertitudes demeurent – comme l’impact des réformes sociales actuelles sur le moral des ménages – et d’autres s’accroissent, comme celles relatives à l’influence que pourra avoir la propagation du Covid-19 sur l’économie… Ainsi, alors que les indicateurs pouvaient effectivement être au vert sur les tout premiers moments de cette nouvelle année, ces derniers et prochains jours pourraient réviser l’ensemble des prévisions.

Sur la famille du meuble meublant, « Une fois n’est pas coutume, on note de belles progressions des enseignes de l’ameublement milieu – haut de gamme sur ce segment, qui enregistrent des croissances rivalisant avec celles de la grande distribution » avance l’IPEA.
[Zoom]
Nouvelle méthodologie et révision du marché
L’édition 2020 du Meubloscope de l’IPEA, officiellement parue à l’occasion de la conférence du 3 mars, dévoile en détails la nouvelle méthode de calcul adoptée à compter de l’exercice 2019 ; celle-ci permet, selon l’Institut, de « mieux appréhender le marché, en intégrant dans le périmètre meuble certains produits qui n’étaient pas compris auparavant – solutions d’aménagement, activité négoce de la salle de bains, etc. » Une meilleure appréhension, également, promise du côté des circuits, et notamment en ce qui concerne la vente en ligne, les GSB ou encore les enseignes spécialisées hors meuble type jardineries…
Cette nouvelle estimation de la valeur du marché est réalisée en collaboration avec Eco-Mobilier, ainsi que « les principaux industriels et distributeurs du secteur », avec une participation, également, d’autres organismes ou fédérations, tels l’Insee ou Promojardin (organisme d’étude du marché du jardinage). A noter que le travail a été réalisé, dans un premier temps, pour l’année 2018, dernière pour laquelle Eco-Mobilier avait des données complètes. La méthodologie adoptée pour calculer l’année 2018 a suivi plusieurs étapes précises :
> L’IPEA a collecté, de la part d’Eco-Mobilier, les mises en marché meubles des différentes catégories d’acteurs du secteur, en unités et en tonnage, pour l’année 2018 ;
> L’IPEA a ensuite procédé, via « des demandes adressées aux principaux industriels du meuble », à la réaffectation des mises en marché des industriels et importateurs au sein des différents circuits de distribution, pour arriver à des quantités / tonnages vendus par chacun d’eux ;
> Ces quantités / tonnages ont ensuite pu être rapprochées des valeurs déclarées par les acteurs du club distributeurs IPEA (composé de 32 enseignes du secteur, allant de la grande distribution ameublement à la VPC, généralistes ou spécialistes), qui transmettent chaque mois leurs CA à l’Institut par familles de produits : ceci représente, selon l’IPEA, « un montant de déclaratif de près de 8 Mds€ TTC » en 2018 ;
> De tels rapprochements ont permis d’établir des prix moyens à la tonne ou à l’unité selon le type de produits, pour ces acteurs déclarant à l’IPEA ; d’autres éléments d’informations « collectés auprès d’autres acteurs de la distribution » ont alors permis d’ « extrapoler les parts du marché restant à estimer » ;
> Enfin, sur la base des données du club de distributeurs et du panel de magasins indépendants de l’IPEA, ainsi que des données transmises par d’autres acteurs de la distribution, des évolutions ont pu être estimées par produits et par circuits pour arriver à la valeur de marché 2019, exposée lors de cette conférence du 3 mars et détaillée dans le Meubloscope 2020.