Dans la période inédite que nous traversons, l’Ameublement français a pris l’initiative, en partenariat avec Beemedias – et ses magazines Intramuros, ArchiCREE et Le Courrier du meuble et de l’habitat – d’organiser un cycle de webinaires qui donnent la parole à un grand témoin du secteur du contract, qui livre son éclairage aux acteurs qui opèrent sur ces marchés. Invité du premier webinaire le 24 avril, Pascal Guémené, directeur du département Design et Techniques Services au sein du Hub Europe du Sud du Groupe Accor, a présenté la situation de ce leader mondial de l’hôtellerie, et dessiné des perspectives à très court et moyen terme.
Les fabricants de meubles, agenceurs et fournisseurs de composants qui sont présents sur les marchés du contract, ou envisagent de s’y positionner, ont les yeux rivés sur le secteur de l’hôtellerie et restauration. Dans le contexte du confinement – aujourd’hui terminé – avec des possibilités très réduites de se déplacer, et un tourisme national et international au point mort, l’hôtellerie restauration fait partie des secteurs qui paient le plus lourd tribut au Covid-19. Dans un tel contexte, la voix de Pascal Guémené apporte de précieux enseignements sur les mesures prioritaires prises pendant le confinement, et la stratégie de reprise progressive des activités qui sont adoptés par ce leader mondial, qui donnent dans une grande mesure le « la » de ce qui va se passer pour l’ensemble du secteur.

Ibis Styles Amiens centre
Une activité en forte baisse
Pour commencer, Pascal Guémené a fait état d’une activité extrêmement réduite en France, puisque 1300 hôtels ont été fermés sur les 1500 que le groupe compte dans notre pays, ceux qui étaient ouverts fonctionnant au ralenti. La situation avait commencé à se dégrader à mi-février, avec les premières annulations des clients asiatiques et notamment chinois, suivis par ceux des autres régions du monde. Les zones les plus touchées étaient principalement situés en Europe, les établissements ayant été fermés par décret dans certains pays comme l’Espagne, ce qui n’était pas le cas en France, où ils ont été fermés par manque de business. Par mesure de solidarité, trois hôtels du Groupe avaient été mis à disposition pour héberger les personnels soignants ou pour accueillir des personnes infectées en quarantaine à Paris.
Comme l’explique l’intervenant, le Groupe Accor était dans une bonne dynamique à la fin 2019 : « Les objectifs que nous nous étions fixés ont été atteints, et auraient pu être dépassés pour la France sans les grèves des transports de novembre et décembre. Mais la crise du Covid-19 a mis un coup d’arrêt à cette progression, les résultats du premier trimestre 2020 font état d’une chute du chiffre d’affaires du groupe de – 15,8 % en données comparables – 768 millions d’euros, contre 925 millions en 2019 sur la même période – et le repli va se poursuivre. Ce qui ne nous empêche pas, compte tenu de notre grande solidité d’implantation et de notre business modèle de réfléchir au rebond de l’après-crise. »

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Une reprise progressive par segments et par étapes
Pour l’intervenant, les scénarios de reprise se présentent par étapes : l’activité hôtelière devait en effet redémarrer progressivement dès la levée progressive du confinement, avec la reprise des déplacements professionnels, et le retour du tourisme domestique, qui concerneront d’abord les marques économiques du groupe, puis le moyen de gamme et ensuite le premium et enfin le luxe. La reprise de l’activité séminaires ne se fera pas avant le quatrième trimestre. Les hôtels du groupe auront une belle carte à jouer en juillet et août, car les Français projettent de rester en France pour les vacances d’été. A partir de septembre, et surtout d’octobre et novembre, le tourisme d’affaire devrait à son tour redémarrer, avec notamment la reprise des salons professionnels. « Quels que soient les scénarios envisagés, les études montrent qu’on ne retrouvera pas un volume d’affaires comparable à 2019 avant 2022, ajoute Pascal Guémené. D’ici là, la montée en charge dépendra du rythme de reprise de l’activité. »
Une priorité : rassurer la clientèle avec des procédures sanitaires et d’hygiène transparentes
En cette fin de confinement, la priorité du Groupe Accor est clairement de rassurer ses clients, et de créer les conditions pour qu’ils reviennent dans ses hôtels en toute confiance. « Dans l’immédiat, nous devons avant tout rassurer notre client sur le plan sanitaire, être à son écoute, faire en sorte qu’il se sente le bienvenu, déclare Pascal Guémené. Pour cela, nous avons un impératif : communiquer, en disant ce que nous faisons, et en faisant ce que nous disons. » Pour atteindre cet objectif, le groupe a travaillé activement à l’élaborations de procédures de sécurité et de mesures d’hygiène pour assurer la sécurité de ses clients dès la réouverture. Cette démarche a fait l’objet d’un processus de labellisation avec le bureau Veritas, un organisme certificateur indépendant qui va y apporter sa caution. Le président-directeur général du Groupe Accor, Sébastien Bazin, ayant été nommé par le gouvernement coordinateur prévention et hygiène pour l’ensemble du secteur de l’hôtellerie et restauration.
Des travaux reprogrammés dans le temps
Question essentielle pour les fournisseurs du Groupe Accor, les travaux prévus pour les projets hôteliers neufs et les rénovations vont être diversement impactés par la crise. Comme l’explique Pascal Guémené, les travaux de court terme qui étaient en cours, et qui ont été stoppés, devaient repartir et être achevés dès la fin du confinement. En revanche, les travaux plus importants, qui étaient programmés sur plusieurs mois, vont être réexaminés. Enfin, la majorité des travaux qui étaient en projet ont évidemment été mis en attente. « La priorité de nos partenaires exploitants hôteliers était de pérenniser leur établissement, ajoute l’intervenant. Ils ont dû aussi gérer la question du chômage partiel, et la préparation des mesures de prévention et sécurité en vue de la réouverture progressive. » De façon générale, les hôteliers relanceront donc leurs projets de rénovation et d’établissements neufs, avec les marchés de travaux qui sont liés, en fonction du rythme de reprise de l’activité, qui leur redonnera des marges de manoeuvre pour investir, ce qui ne se fera pas avant la rentrée 2020.

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Des nouveaux concepts maintenus
Si un important volume de travaux seront décalés dans le temps, le cadre dirigeant d’Accor a tenu à préciser que les nouveaux concepts d’hôtels seraient néanmoins maintenus. « L’année 2020 devait être très riche en nouveaux concepts, avec notamment 4 nouvelles collections pour Novotel, et deux nouvelles pour Ibis. Pour toutes ces nouveautés, nous continuons les études pour être prêts au moment de la reprise. » L’un des défis était d’y intégrer tout le volet prévention Covid-19, qui sera prégnant à la réouverture, tout en lissant les dépenses du Groupe, budgétées en fonction de la reprise de l’activité. Il n’est pas question en revanche de faire des concessions en matière de politique environnementale : « Il est essentiel de maintenir nos engagements et même de les accélérer, comme nous le faisons avec notre nouvelle marque GREET, qui s’appuie sur des aménagements issus du recyclage et de l’upcycling, pour réduire l’empreinte carbone de notre activité. » Ainsi, les deuxième et troisièmes hôtels qui devaient ouvrir sous cette enseigne en mars et avril ouvriront en mai et juin, la quatrième ouverture étant prévue à Lyon en fin d’année.
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Des nouveaux aménagements en gestation
Enfin, la crise du Covid-19 impacte aussi les aménagements intérieurs des hôtels et restaurants. « Il nous faudra des aménagements beaucoup plus modulables et adaptables, notamment en fonction nombre de clients présents, ajoute Pascal Guémené. Si on prend l’exemple des tables d’hôtes, un élément structurant pour nos espaces de vie, il faut imaginer des configurations qui permettent de garder des distances entre les convives. Il va progressivement y avoir une envie de sortir dans les lieux publics, de voir du monde, accompagnée par une appréhension de contracter le Covid-19. Les designers doivent désormais intégrer ce nouveau paramètre. » Il faudra aussi réfléchir à des formules souples pour cloisonner les espaces, et donner de la polyvalence, pour pouvoir facilement passer d’un usage à un autre en fonction des réservations et de la fréquentation. Le cadre dirigeant invite les fabricants de mobilier et agenceurs à se tenir prêts pour répondre à ces travaux qui se feront à très court terme.
Malgré ce contexte difficile, l’intervenant a conclu ce webinaire en affichant son optimisme : « Nos marques bénéficient d’une bonne image auprès du public, ce qui est un socle essentiel pour obtenir sa confiance, tandis que nos adhérents partenaires se félicitent aujourd’hui d’appartenir à un grand groupe qui ne les laisse pas seuls face à leurs difficultés, et qui les accompagne dans les mesures à prendre à court terme, et en fixant un cap dans la durée. »
[Zoom]
Quelques questions sélectionnées des auditeurs (formulées par chat pendant le webinaire)
-Les espaces extérieurs sont-ils compris dans la réflexion sur le nouvel accueil des clients ?
-Pascal Guémené : Tout à fait, chez Accor, l’extérieur se situe dans la continuité de l’intérieur en termes d’ambiance et de design.
-Aurez-vous des nouvelles demandes en matière de mobilier en ce qui concerne la prévention du Covid-19 ?
-P.G. : Oui, en fonction des différents espaces de nos établissements. Il n’y a pas de sujet dans la chambre, puisque le client y est isolé des autres convives, mais en revanche, dans les espaces lobby, restaurant et bar, des aménagements sont à prévoir à très court terme.
-Que prévoyez-vous pour la qualité de l’air intérieur ?
-P.G. : Le label que nous sommes en train d’élaborer inclura un protocole de nettoyage et de révision des équipements techniques de ventilation, et nous préconisons une remise en route de ces équipements 15 jours avant la réouverture, pour rassurer aussi bien les clients que les salariés.
-Quels sont les investissements prévus en 2021 et 2022 ?
-P.G. : Ils ne pourront pas être à la hauteur de ce qui était prévu avant la crise, et leur montant dépendra de la rapidité de reprise de l’activité et du retour de nos marges de manœuvre. Nous espérons que cette période sera la plus courte possible.
-Le développement actuel de la visioconférence va-t-il réduire le nombre de déplacements professionnels et le nombre de nuitées à l’hôtel ?
-P.G. : Il est possible que le confinement nous fasse réaliser que certaines réunions physiques ne sont pas indispensables, et qu’elles peuvent se tenir à distance par visioconférence. Dans ce cas, il y aura peut-être moins de déplacements très courts, ce qui entraînerait une économie de temps et d’énergie, au profit de réunions voire de séminaires moins nombreux mais plus longs, toujours indispensables au bon fonctionnement des organisations.