Riche d’un programme foisonnant, la Paris Design Week 2019 a fermé ses portes le 14 septembre. Cette 9e édition confirme son double objectif : être un forum pour échanger sur les orientations du design, dominées par les questions environnementales et l’upcycling, et un rendez-vous où les marques peuvent exprimer leur ADN et leur créativité.
En accueillant plus de 100 000 passionnés dans plus de 230 lieux de la capitale –showrooms, musées, centres culturels, lieux de coworking, … – la Paris Design Week 2019 a fait étalage de son éclectisme toujours plus grand, et du fait que le design dans toutes les acceptions du terme touche de plus en plus de secteurs et de profils d’entreprises. Dans la quasi-impossibilité de tout voir, il est désormais possible de segmenter la manifestation selon ses centres d’intérêt, ou selon sa répartition géographique, et d’organiser sa visite « à la carte ». Pour la rendre plus lisible, l’organisateur (Safi) a réuni les nombreux participants qui partagent un même profil dans 8 parcours thématiques – « Iconic design », « Savoir-faire », « Arts », « Food », « Entreprise du patrimoine Vivant (EPV) », « Projets », « Upcycling », etc – et dédié une journée spécifique à chaque quartier parisien : Saint-Germain-des-Prés le 5 septembre, les Halles-Marais-Bastille le 7 septembre, Opéra-Concorde-Étoile le 9 septembre, etc. Cette année, la thématique choisie, « Hybride » – en écho avec le thème « Work ! » de Maison&Objet, les deux événements étant concomitants – a permis d’intégrer au parcours des acteurs du contract, fournisseurs notamment des nouveaux espaces tertiaires.
Expositions, talks et concours
Fidèle à sa vocation d’origine, la Paris Design Week a pour fonction de mettre le design en question ou en tout cas de le faire découvrir, et de faire parler de lui. C’est le rôle en particulier des expositions et concours contenus dans le parcours, dont le centre névralgique était cette année le quartier Verbois, situé entre la République et le musée des Arts et Métiers. Une trentaine de lieux d’exposition permanents ou temporaires de ce périmètre ont ainsi accueilli le Off, composé d’une cinquantaine de créations signées d’autant de jeunes designers de la génération des Milennials. Sur ce même site, a eu lieu le cycle de tables rondes appelées « talks », avec des prises de paroles d’experts, qui ont exploré des problématiques contemporaines touchant au design : l’innovation des matériaux, matières naturelles et recomposées, la mobilité et le design dans la ville, l’hybridation des espaces de travail, de l’autoproduction à la série…
Pour mieux appréhender les orientations de la création, la manifestation comprenait aussi des concours comme « Design Zéro Déchet », organisé par le Syctom, l’organisme public qui assure le traitement et la valorisation des déchets en Ile-de-France, dont les projets ont pris place sur la friche industrielle de Ground Control dans le 13e arrondissement. Organisé avec les enseignes Décathlon et Leroy Merlin, et l’association Rejoué, ce concours a pour but d’inciter les designers de demain à imaginer des solutions pour générer moins de déchets et recycler mieux. Il a réuni 176 projets issus de 43 écoles de design, parmi lesquels ont été désignés 14 finalistes et 4 lauréats. Signalons aussi la participation des écoles de design de référence comme l’ENSCI-Les Ateliers, qui a proposé l’exposition « Matter matters, Matière(s) à penser/panser », qui montre comment des matériaux naturels comme le sel, le calcaire, les coquilles d’œuf ou d’huîtres, etc., peuvent remplacer des composants issus des hydrocarbures, énergivores et polluants… des exemples qui montrent la place prépondérante prise par les problématiques environnementales dans les nouvelles tendances du design.
Les grands éditeurs au rendez-vous
La Paris Design Week, c’est aussi un terrain d’expression pour les grands éditeurs internationaux, qui peuvent profiter de l’événement pour lancer à Paris les nouveautés dévoilées au dernier salon de Milan, voire organiser des prises de parole avec leurs créateurs les plus médiatisés. Réunis par la thématique « Iconic Design », un grand nombre d’entre eux utilisent pour cela leur show-room situé dans le « triangle d’or » du design, autours de Saint-Germain-Prés et de la rue du Bac. C’est ainsi que Cassina a exposé sa collection 2019 dans son flagship fraîchement relooké sous la houlette de sa directrice artistique Patricia Urquiola, et que Poltrona Frau a accueilli Tristan Auer, qui signe sa première collaboration avec la marque, le canapé Grant. Dans le cadre d’une conférence, le designer a pu commenter la démarche qu’il a suivie pour concevoir cette assise à base de poufs de haute facture en cuir, à composer librement, dont l’élégance sobre et sans ostentation vient de l’univers du cinéma hollywoodien des années 1950, symbolisé par son acteur fétiche, Cary Grant.
Historiquement partie prenante du Bauhaus, dont nous fêtons cette année le centenaire, Knoll a exposé à la fois ses produits iconiques, et les nouveautés 2019 qui s’inscrivent dans son ADN. Parmi ces dernières, on note la nouvelle collection de tables Smalto – design du duo Edward Barber et Jay Osgerby – en acier émaillé, qui joue sur les fortes épaisseurs et ses bords arrondis pour associer une grande résistance des finitions et une forte présence plastique. La nouvelle collection comprend aussi le canapé Gould (Piero Lissoni), dont le style moderniste rappelle l’esprit de l’Amérique des années 1950, décidément très tendances. De son côté, le groupe Boffi DePadova a fait le choix d’exposer, dans ses trois show-rooms du quartier Saint-Germain, le système d’étagères modulable R.I.G. édités par la société danoise MA/U Studio, qui a rejoint le groupe en 2017. Ce système modulable en métal, à la fois très fin et minimaliste, s’adapte et s’accessoirise avec des matériaux nobles comme le bois, différents types de marbre, la pierre noire d’Avola ou la pierre de lave, pour offrir des compositions très flexibles de rangements adaptés aux univers du living, de la cuisine, de la salle de bain, du dressing ou du bureau. Acteur majeur du mobilier design à Paris, Silvera a mobilisé ses différents showrooms pour exposer les nouveautés de marques de prestige. Chez Silvera Université, c’est le manufacturier de sièges italien Edra qui était en exergue, avec le splendide canapé Grande Soffice (Francesco Binfaré), un produit dévoilé à Milan qui associe recherche, technologie et élégance intemporelle, pour offrir un confort exceptionnel, grâce à un dossier inclinable breveté, et un généreux rembourrage des coussins à base de Gellyfoam® et de plumes d’oie. Dans son espace récemment inauguré boulevard Saint-Germain, Silvera a donné carte blanche à l’éditeur italien Baxter, réputé pour l’éclectisme de ses inspirations et son expertise dans le travail du cuir, en exposant le canapé Piaf en cuir souple (inspiré et édité en l’honneur d’Édith Piaf), ainsi que la table très architecturale Jupiter et le fauteuil Marylin.
Un parcours Entreprises du Patrimoine Vivant
Les entreprises et marques françaises figurent aussi au programme, notamment dans le parcours consacré aux Entreprises du Patrimoine Vivant (EPV), à l’image de canapés Duvivier. Pour mettre la création au pouvoir, le fabricant a proposé une thématique sous le signe du métissage, en fêtant les 30 ans du canapé Maillol, un modèle emblématique de sa collection inspiré des lignes issues du mouvement moderniste, complètement renouvelé grâce à un tissu ethnique africain, tandis que son showroom accueillait les créations de la Galerie Africaine. Autres exemples, le fabricant de mobilier métallique Tolix, labellisé EPV depuis 2006, a lancé la toute nouvelle collection outdoor Patio, dessinée par la designer Pauline Deltour, qui s’appuie sur les savoir-faire de l’entreprise dans le métal et les finitions, complétée par une utilisation du bois pour les assises et plateaux de tables. Fleuron de la literie premium, Le Lit National, qui fête cette année ses 110 ans avec une collection anniversaire distilée tout au long de l’année pour rendre hommage au design du XXe siècle, a ouvert son showroom de la place du Trocadéro pour dévoiler ses savoir-faire d’exception. Ajoutons à ce tour d’horizon le grand couturier du meuble de style, Moissonnier, qui a rendu hommage, dans son show-room proche de la rue du Bac, à la tradition des beaux-arts et du jardin à la française avec la scénographie « Du bleu dans les cieux. » Dans cet esprit, la commode buffet 696 est relookée avec tantôt un décor vert et blanc évoquant les parterres de dentelles de buis et les labyrinthes d’ifs, tantôt, plus décalé encore, avec une finition en toile de peintre imprégnée dont la trame en fait un élément décoratif dans un registre atelier.
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Thématique « hybride » et exposants projets
Enfin, les exposants qui sont présents à la fois dans l’habitat et dans le contract, y compris les nouveaux espaces tertiaires partagés, ont logiquement trouvé leur place dans le parcours « projets » de cette Paris Design Week placée sous le signe de l’hybridation des espaces de vie. Dans ce registre, le fabricant français de mobilier contemporain Philippe Hurel a accueilli dans son showroom du quartier des Halles l’Atelier Alain Ellouz, spécialisé dans les luminaires sur mesure en albâtre et cristal de roche, qui y a exposé Infinity, une création récompensée en mai dernier aux New-York Design Awards par le prix du meilleur luminaire architectural. L’agence Atù a exposé dans son nouveau showroom, situé dans le quartier de l’Opéra, les nouveautés des différentes marques qu’il distribue – Bensen, Jot-Jot, Viccarbe, MDF Italia – et a profité de l’événement pour rappeler qu’elle est plus qu’un intermédiaire, un partenaire qui accompagne les projets, aussi bien pour les particuliers que pour les professionnels et prescripteurs. En pleine cohérence avec le thème « hybride », Vitra a organisé le 11 septembre dans son show-room une conversation avec les designers Barber et Osgerby sur le thème un peu provocateur de « La mort du bureau ». Le duo a présenté sa création phare pour la marque, le système de siège Soft Work, qui se compose d’une plateforme sur laquelle on peut composer librement des assises sur le mode individuel ou bench, séparées par des parois acoustiques, tout en offrant des fonctionnalités comme des plans de travail ou des prises électriques pour y connecter ses terminaux numériques. Une conception visionnaire des nouveaux espaces de travail, et de la porosité toujours plus grande entre les espaces tertiaires et les espaces de vie. La Paris Design Week fêtera sa dixième édition du 3 au 12 septembre 2020.
François Salanne