Si aucune annonce majeure n’a été faite au cours des quelques derniers jours de 2017, l’amorce de cette nouvelle année devrait être très perturbée pour l’acteur sud-africain, toujours plongé dans une profonde tourmente. Au moment de boucler ce premier numéro de 2018, Steinhoff vient déjà d’avancer, en effet, qu’en plus d’avoir été contraint de reporter la publication de ses comptes annuels de 2017 – et d’avoir déclaré « non fiables » ceux de 2016 – ce sont désormais les données de 2015 qui devraient être reformulées. L’étendue de ce scandale ne cesse donc d’augmenter…

C’est dans un rapport d’étape dressé ce mardi 2 janvier 2018, suite à ses propres investigations ainsi qu’à celles de PwC qu’il avait mandaté à la mi-décembre pour mener un audit, que le groupe Steinhoff déclare devoir réviser également ses comptes et bilans publiés en 2015, ce qui vient ainsi s’ajouter aux réajustements déjà prévus pour les exercices 2017 (dont les chiffres, plus exactement, n’avaient pas encore été publiés au moment de l’éclatement du scandale, début décembre) et 2016. Cette situation concerne précisément Steinhoff Investments Holdings Limited, qui réunit les entreprises africaines du groupe.
Les recherches n’étant évidemment pas encore clôturées, il se pourrait, en conséquence, que ces reformulations concernent aussi des exercices encore antérieurs à cette période… ce qui continue de souligner, s’il le fallait encore, l’étendue du scandale. Et aggrave, par ailleurs, la situation déjà très délicate du groupe, qui avait vu, juste avant la période des fêtes de fin d’année, de nombreuses lignes de crédit lui être suspendues, et mêmes fermées pour certaines. Rappelons qu’au total, l’action du groupe aura perdu plus de 90 % sur l’ensemble de l’année 2017 ; il y a quelques jours, le 28 décembre, l’agence de notation Moody’s avait encore abaissé la note de crédit de Steinhoff à « Caa1 », soit sept crans en-dessous du seuil à partir duquel elle entre dans la catégorie spéculative.
Plus des ¾ de la dette globale concentrés en Europe
Autre élément à considérer particulièrement : les chiffres publiés officiellement le 19 décembre, à l’occasion de la réunion organisée à Londres avec les partenaires financiers, font état d’une dette globale portée à 10,702 milliards d’euros, dont 8,547 milliards sont concentrés en Europe… et Steinhoff Europe AG, la société autrichienne propriétaire de Conforama [voir encadré] – mais aussi de Poundland, Pepco, Bensons for Beds, Kika / Leiner et Harveys – totalise à elle seule 4,769 milliards d’euros. Selon l’Agefi, Steinhoff Europe devra ainsi rembourser, au cours de cette nouvelle année, 788 millions d’euros, tandis que Steinhoff Finance, société intermédiaire entre la maison-mère néerlandaise et Steinhoff Europe, porte 2,68 milliards d’obligations convertibles.
Face à l’ampleur qu’a pris cette affaire – et qui continue donc d’évoluer régulièrement – les créanciers s’organisent : le cabinet allemand One Square Advisory a par exemple déclaré discuter avec des obligataires représentant 20 % de la dette obligataire de Steinhoff Europe, ainsi qu’avec des détenteurs de Schuldschein (crédit semi-obligataire allemand).
Et maintenant ?
Nous avons également appris, le 20 décembre, que la Cour d’Appel d’Amsterdam reportait sa décision concernant l’ouverture d’une enquête, et ce d’ici au 22 janvier prochain maximum. Le tribunal néerlandais ne s’estimait effectivement pas encore « en position » de pouvoir rendre cette décision formelle sur le moment, comme cela avait pourtant été annoncé initialement… Pour l’heure, si une « trêve » dans les annonces a été effectivement observée en cette toute fin 2017, on devrait de nouveau avoir affaire à une actualité chargée du côté du groupe en ce début 2018, qui a déjà débuté, ainsi, en trombe avec ce nouveau rebondissement concernant les chiffres 2015.
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Conforama veut rassurer les syndicats
Evidemment, il était légitime de se demander, dès l’éclatement de l’affaire début décembre, si Conforama pouvait faire partie du périmètre des actifs vendus par Steinhoff dans le but de générer des liquidités… à la chose près que l’acteur sud-africain évoquait alors des actifs « non stratégiques ». Et depuis, Alexandre Nodale, PDG de ce groupe Conforama, a été nommé, le 19 décembre, directeur général adjoint de Steinhoff, intégrant ainsi l’équipe de management du groupe… Mais quelles que soient les suppositions qui pourraient être tirées de cette nomination, Conforama se refuse toujours – comme les autres filiales du groupe – à commenter l’actualité de sa maison-mère, et donc sa propre situation. Toutefois peut-on lire sur le site du syndicat Force Ouvrière, dans une publication du 27 décembre, que « face à cette situation inattendue et dramatique », les dirigeants du groupe Conforama « font preuve d’optimisme », et « assurent que l’enseigne est autonome financièrement vis-à-vis de son actionnaire principal », et qu’il n’y aurait « aucun risque à court terme ». FO écrit également qu’il lui avait été assuré que le groupe Conforama « ne serait pas concerné par les fraudes comptables de son actionnaire principal ». Précisons, toutefois, que le 20 décembre, le Comité Central d’Entreprise, soutenu par la Section FO de Conforama, a exprimé sa défiance envers les dirigeants du Groupe Steinhoff par une motion votée à l’unanimité. Les membres de l’Instance ont officiellement demandé la tenue d’un CCE extraordinaire en ce début d’année, afin d’être informés des conséquences de cette crise sans précédent.