Malgré la baisse du marché, Ikea France maintient son CA et travaille à sa croissance. L’enseigne suédoise va injecter 600 M€ dans son plan d’expansion : ouverture de 7 magasins d’ici à 2017, déploiement du click & collect, implantation de points de retrait de proximité, développement du e-commerce. Par ailleurs, un magasin à Paris intra muros est à nouveau à l’étude.
Au cours de son exercice 2013-2014, clôturé le 31 août, Ikea France a enregistré un chiffre d’affaires de 2,385 milliards d’euros, stable par rapport au précédent qui, lui, avait accusé une baisse de – 4,3 %. Dans un contexte de marché de l’ameublement en baisse (- 3 % en 2012, – 2,9 % en 2013 et – 2,5 % au premier semestre 2014, selon l’IPEA), Ikea estime ces résultats « satisfaisants ». Stefan Vanoverbeke, son PDG pour la France, interprète cette stabilisation comme une « inversion de tendance » : « Nous confortons notre position de leader de l’ameublement, avec une part de marché, évaluée fin 2013, de 17,9 %. Surtout nous avons inversé la tendance de fréquentation avec une progression de + 2 % dans nos magasins, et de + 15 % sur ikea.fr ».
Ce redressement, Ikea l’a notamment obtenu grâce à des investissements judicieux l’an dernier : les nouvelles collections salle de bains, chambre des pré-adolescents et textile, ainsi que les cinq offres limitées, ont bien fonctionné. Ces opérations se poursuivent d’ailleurs en 2014 avec le lancement de 7 nouvelles collections limitées, auxquelles s’ajoute un renouvellement de l’assortiment de 20 % tous les douze mois. La mise en place des nouvelles cuisines Method a pris plus de temps, mais la perte de CA dans ce département est « passagère » , pense Stefan Vanoverbeke : « L’investissement est sur une longue durée ; Faktum a connu 20 ans de succès… Nous sommes actuellement dans une phase de transition vers une collection qui offre beaucoup plus de potentiel, de combinaisons possibles, donc je n’ai aucune inquiétude pour la cuisine ».
Objectif : 40 magasins, des points de retraits
Au-delà du renouvellement de l’offre, pour poursuivre son développement dans un contexte de consommation atone, Ikea compte surtout sur l’expansion de son réseau. Avec 30 points de vente dans l’Hexagone, on est en effet loin de la saturation. Cette année, la rénovation du magasin de Lomme, dans le Pas-de-Calais, les agrandissements de Montpellier et Vitrolles et l’ouverture en août du 30è point de vente à Clermont-Ferrand – qui a attiré 200 000 visiteurs le premier mois – ont démontré le pouvoir d’attraction de l’enseigne.
Aussi, Ikea est bien décidé à accélérer le mouvement, et vise les 40 magasins en France en 2020, ce qui lui permettrait de toucher 35 millions de clients et dépasser 20 % de parts de marché : « Avec des magasins à une heure maximum de chaque habitant, nous couvrirons 85 % de la population contre 65 % aujourd’hui » précise le PDG. D’ici fin 2017, 600 millions d’euros seront investis dans l’ouverture de 7 nouveaux Ikea : à Mulhouse le 29 juillet 2015, à Bayonne le 26 août, puis en 2016 à Orléans, Vénissieux, Le Mans, et en 2017 à Perpignan et Nice. Paris Nord et Plaisir seront quant à eux fortement rénovés : « Le tout se traduira par la création de 1300 emplois » , insiste Stefan Vanoverbeke.
Le projet de Paris intra-muros refait aussi surface : «Plus de 2,5 millions de Parisiens n’ont pas de voiture, ce serait dommage de ne pas les avoir comme clients. C’est encore un dossier à l’étude, parce que il ne pourra pas être comme un magasin classique, mais c’est un challenge très excitant » . Ikea pourrait s’inspirer du concept citystore de Hambourg, ouvert en juin dernier dans le quartier piéton historique d’Altona.
En attendant d’avoir son pied à terre à Paris et au cœur des autres villes, Ikea va s’immiscer dans le paysage urbain autrement, avec des points de retraits de proximité accessibles 24 h / 24 : « 50 % des citadins pourraient avoir accès à un point de retrait à moins de 15 minutes, explicite Pierre Villeneuve, directeur de la relation client d’Ikea France. On peut imaginer des casiers de retrait sur les trajets appropriés, par exemple à côté des gares, des stations service, des stations de métro, Autolib’ et Vélib’ ». Ces casiers modulables en taille pourront contenir des articles livrables par voie postale (moins de 30 kg, maximum 3 mètres de développé). C’est une PME française, Keyneosoft, qui a fabriqué les premiers prototypes pilotes implantés en test à côté du magasin de Lomme, près de Lille. Ici, il s’agit d’étendre à l’extérieur du magasin, même en dehors des heures d’ouverture, le service de retrait des achats réalisés sur Internet.
Le click & collect déployé
Car Ikea entend aussi rattraper son retard dans le e-commerce. A ce jour, les ventes sur ikea.fr équivalent à peu près à « celles d’un petit magasin de province », glisse Stefan Vanoverbeke, soit une cinquantaine de millions d’euros : « Il y a encore du chemin à faire. D’ici 2020 nous voulons faire 10 % de nos ventes on line ». Pour y arriver différents points doivent être améliorés. Une disponibilité étendue à tout l’assortiment, voire incluant des produits exclusifs Web, alors qu’aujourd’hui 7 800 références (80 % du catalogue) sont vendues sur Internet ; des tarifs de livraison non dissuasifs : un prix d’entrée de 3,90 euros pour les objets légers a été mis en place. Et l’ergonomie sera revue avec une nouvelle plateforme web prévue pour fin 2015. Mais c’est particulièrement le cross-canal qui doit être travaillé pour inciter les internautes à se rendre en magasin. Pour ce faire, le click & collect, qui a été validé par un test à Montpellier cette année, sera déployé dans tout le réseau.
Pour atteindre ses objectifs, Stefan Vanoverbeke ne compte pas changer le modèle originel et plus que jamais gagnant d’Ikea, basé sur les prix bas : « Le design démocratique est au cœur de notre concept. Nous avons investi 30 millions d’euros cette année pour faire baisser nos prix. Ikea en est capable parce que nous maîtrisons toutes les étapes de la création de valeur depuis la conception du design, le choix des matériaux légers, les grands volumes, le transport à plat, la logistique rationalisée, jusqu’au montage fait par les consommateurs ».
Selon le dogme Ikea, chaque service en plus a un coût et représente donc aussi une source de profits. Ainsi, 10 % des ventes de cuisines sont assorties de prestations payantes, conception, livraison, accessoires et installation. L’enseigne étend aussi cette offre en proposant par exemple la reprise des canapés et matelas à domicile. Et après avoir déployé des terminaux de paiement sans contact (NFC) pour les petits achats dans tous ses magasins l’été dernier, elle va généraliser le self-scanning avec le smartphone, pour faire gagner du temps en caisse : de quoi entretenir l’intérêt de nombreux consommateurs qui perçoivent encore la visite dominicale chez Ikea comme un loisir familial…