Il s’agit d’un des canaux de distribution les plus dynamiques actuellement : les market places étaient au programme de trois des conférences données dans le cadre du Retail Lab de Maison&Objet lors de son édition de rentrée. Comment faut-il les choisir ? Quelles sont les précautions à prendre et les règles à respecter ? Comme intégrer les aspects logistiques et services ? Quels produits faut-il mettre en ligne ? Voici quelques recommandations données sur le salon pour tous les candidats à ce passeport pour commercer avec le monde entier (1).
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Dans la première de ces conférences, donnée par Martin Gentil, co-fondateur et directeur général de Diatly (1), avec pour titre « Les market places pour se développer à l’international », le conférencier a commencé par un état des lieux de l’importance du phénomène, qui se développe à grande vitesse : les market place représentent aujourd’hui 52 % du commerce digital, un pourcentage qui peut atteindre 80 % dans certains pays, qui est aujourd’hui à 30 % pour la France, mais qui pourrait atteindre 65 à 70 % dans les deux à trois ans, compte tenu de sa croissance actuelle. Un autre chiffre doit frapper les esprits : la progression des market places a été de + 20 % en Europe entre 2017 et 2018, tandis que dans le même temps, le retail physique n’a progressé que de 1,9 %. Les market places se comptent aujourd’hui par centaines sur le marché français, mais attention, seules les 100 premières, qui concentrent 95 % des ventes, doivent retenir l’attention. Autrement dit, les acteurs qui passent à ce type de vente doivent s’intéresser à celles qui comptent. Pourquoi ce succès croissant ? Pour le conférencier, les market places sont des « pépinières de no name », qui permettent aux marques inconnues de ce faire un nom. Elles sont intéressantes à plus d’un titre : grâce à elles, le marchand peut tester des nouveaux marchés avec un faible risque financier, incomparable avec l’ouverture de magasins physiques, en profitant de l’audience qu’elles ont déjà, et s’en servir de fer de lance pour exporter. Pour le client final, celles qui sont reconnues représentent une réassurance pour leur achat, un choix de produit très large, un prix compétitif, sans oublier un délai de livraison court avec un coût réduit.

Une porte ouverte sur l’exportation
Selon Martin Gentil, 100 % de marques doivent s’adapter et profiter de cette opportunité, pour le pas être les « kodak » de l’histoire. « On ne le sait pas en général, mais il y a aujourd’hui plus de recherches produits sur Amazon – la plus grande market place avec 5 millions de marchands – que sur Google », argumente-t-il. Et de rappeler quelques chiffres sur le e-commerce : il représente 92,6 milliards € en France (3e marché en Europe, 16 % du marché européen total), 547 milliards € en Europe, et 2000 milliards € au niveau mondial, dont 52 % passent donc aujourd’hui par les market places, les géants du secteur se trouvant aux États-Unis (Amazon, Ebay) et en Chine (Ali Baba et JD.com). Les petits fabricants et les petites marques se retrouvent donc devant un marché potentiel gigantesque, qui peut à juste raison faire peur, mais qu’il faut voir comme une extraordinaire opportunité, notamment pour exporter en utilisant les technologies nouvelles.
Parmi les leaders français du secteur de la maison, se trouve notamment Cdiscount, le groupe Galeries Lafayette (avec La Redoute et BHV), ou encore Darty.
Même si, bien entendu, il ne faut pas mettre toute sa distribution sur les market places, le e-commerce restant globalement une part minoritaire du chiffre d’affaires, l’avenir semble être au CBT (Cross Border Trade ou commerce transfrontalier), grâce notamment à une logistique plus performante et moins chère. En effet, 82 % des clients de market place ont déjà fait un achat à l’étranger, ce qu’ils font d’autant plus volontiers qu’ils sont réassurés par une market place de référence. Autre statistique, 80 % des acteurs qui font du CBT le disent profitable, et 66 % des market places françaises vendent déjà à l’étranger. Ce nouveau canal de vente permet donc aux vendeurs de viser trois objectifs : une augmentation de leur notoriété, grâce à des sites visibles qui sont des carrefours d’audience qu’ils peuvent exploiter à leur profit, une augmentation de leur référencement, et un meilleur crédit pour leur marque qui bénéficie de l’image de la market place.
Une nécessaire préparation
Martin Gentil livre ensuite la seule « déclaration solennelle » de son exposé : « L’époque où il suffisait de pousser un produit sur une market place pour le vendre, à la manière du pêcheur qui pose son bouchon et attend le poisson, est bien terminée ! ». Au contraire, il faut aujourd’hui intégrer beaucoup de sujets, dans une véritable stratégie : les données que l’on va mettre sur son espace de vente – titres, textes, prix, qualité des photos de produits – mais aussi la logistique, le service client, ce qu’on appelle l’excellence opérationnelle, qui est mesurée par la market place qui accueille le vendeur. Si le client final se montre déçu, elle peut prendre la décision d’exclure la page du vendeur qui ne répond pas aux règles fixées. Pour toute entreprise qui se lance dans ce nouveau canal de vente, il faut donc élaborer minutieusement sa stratégie en répondant à des questions très concrètes : qui va enrichir mes données, qui va prendre en charge la logistique, qui va assurer le service client, la facturation ? « La market place, c’est du retail sans le magasin », ajoute le conférencier. Il faut donc faire du marketing, c’est-à-dire définir ses prix, en fonction des pays où on veut vendre, définir sa cible, connaître ses concurrents… Il faut aussi définir un calendrier d’animations : c’est essentiel, les animations commerciales générant environ 50 % des ventes sur les market places.
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Raisonner « client »
Au milieu de tous ces paramètres nouveaux, il ne faut pas oublier l’essentiel : la relation client. Ce dernier s’exprime sur Internet en laissant des messages ; si deux d’entre eux posent la même question, attention, il faut peut-être revoir ma fiche produit qui n’est pas claire ! Il faut aussi respecter ses engagements, avec un service aux standards et dans la langue du pays, des délais de livraison tenus, un produit bien emballé, et surtout pas de rupture de stock… rédhibitoire sur certains market places, qui jouent leur image auprès de leurs millions de clients. Information importante, les plus grandes proposent aux vendeurs de les décharger de certaines tâches comme la logistique, ou la gestion des retours. Pour finir, le conférencier attire l’attention sur certaines limites à prendre en compte : hébergé sur un site partenaire, le vendeur de market place a une autonomie limitée, il ne peut pas faire tout ce qu’il veut sur un site qui a ses règles et son propre design, un peu comme s’il était sur une autoroute longée par deux rails ; la market place est seule juge des data qu’elle communique au vendeur, parfois des informations précieuses comme les concurrents, ou le taux d’abandon de paniers, parfois aucune information.
En conclusion, il ne faut jamais partir sur une market place sans avoir très bien préparé sa stratégie, dans les moindres détails, car une erreur peut entraîner une exclusion durable de la part de partenaires stratégiques. Une règle d’or est de se mettre à la place du client, destinataire de tous les messages mis en ligne. Pour comprendre toute la logique du système, Martin Gentil conseille à ses clients, avant toute chose, de faire un achat personnel sur une market place pour s’imprégner de toutes les étapes. Attention aussi à ne pas se bercer d’illusions : le montant total des frais sera le plus souvent entre 35 à 45 % du prix de vente public, et non pas 15 ou 20 % comme certains le laissent croire. Malgré la complexité des paramètres, le jeu en vaut la chandelle : les marchés domestiques apparaissent aujourd’hui limités, notamment pour les produits de niches. Grâce aux market places, le monde est devenu accessible à tous, à condition d’agir avec méthode, en avançant à petits pas, en mettant le client au cœur du processus, et en exerçant un « monitoring » (pilotage) précis et permanent.
(1) Toutes les conférences du salon ont été filmées et mises en ligne sur le site du salon.
(2)Créée en 2012, Diatly a pour métier l’accompagnement des entreprises et des marques sur les places de marché digitales.
François Salanne
[Zoom]
Définir son offre produit et sélectionner sa market place
Dans le cadre de sa conférence sur le thème « Comment développer vos ventes et vos images sur les market places », Nicolas Venaut, fondateur de VNC online, a insisté sur la nécessité d’être performant en termes de services – logistique, délais de livraison, gestion des retours, service client… – mais aussi dans la définition de son offre. « La market place ne pourra pas prendre l’intégralité du catalogue, explique-t-il. Dès lors, il faut définir judicieusement une sélection en prenant en compte différents paramètres comme le poids du produit, et privilégier au début ceux qui ont une forte marge, pour être sûr de pouvoir absorber les frais de fonctionnement de la market place. » Amazon par exemple ne prend pas en charge l’expédition des produits lourds. Autre conseil à prendre en compte : attention à la contrefaçon, des produits peuvent être retirés suite à une réclamation d’un concurrent.
Le conférencier a ensuite évoqué le cas d’un de ses clients, au départ société d’importation, qui a créé et lancé sur des market places sa propre marque de mobilier outdoor (Avril Paris). Le travail a consisté à créer un univers de marque (branding), avec les bons visuels de produits, la bonne accessoirisation. Il y a ensuite beaucoup d’outils disponibles sur la market place pour optimiser son image, ou stimuler ses ventes. « L’important est de mettre les bonnes informations dès le départ, car il est compliqué ensuite de corriger les erreurs. Il faut faire très attention à indiquer les bons codes produits, car une erreur peut avoir de lourdes conséquences. » Il faut choisir tout aussi judicieusement ses market places, car les frais et les règles changent de l’une à l’autre : par exemple, le shop in shop est gratuit sur certaines, et payant sur d’autres. D’autre part, la market place doit correspondre à la stratégie marketing de la marque. Pour un produit destiné au mass markets, il faudra aller vers les plateformes de grande diffusion comme Amazon ou Cdiscount, tandis que les produits premium trouveront logiquement leur place sur les market places plus sélectives.