La volonté des pouvoirs publics, affichée – par une loi – en août 2016, de réduire le paysage des conventions collectives en France, a incité la FNAEM à anticiper le mouvement d’un éventuel rapprochement avec son homologue de l’électroménager, la FENACEREM. Un travail de longue haleine, dont le processus a déjà été bien avancé… Patrick Prigent, vice-président et président Commission sociale de la FNAEM, dresse un point sur les principales démarches sociales actuellement menées par la Fédération.
Vous êtes vice-président de la FNAEM, mais aussi président de sa Commission Sociale : pourquoi cette double casquette ?
Les évolutions légales et réglementaires récentes imposées aux organisations professionnelles (comme la FNAEM) et aux partenaires sociaux (obligations de rapprochement des conventions collectives, de prouver sa représentativité, de se regrouper par grands secteurs en matière de formation) placent le conseil d’administration de la FNAEM devant des choix stratégiques. La conduite, pour la FNAEM, des négociations de rapprochement, l’importance des décisions prises en matière sociale par les organisations professionnelles pour leur avenir même, ont conduit le Conseil d’administration de la Fédération à me confier cette « double casquette ». Elle renforce notre légitimité face aux partenaires sociaux et autres interlocuteurs concernés par ces dossiers, et légitime ma participation à des dossiers dépassant le cadre social stricto sensu. Je rapporte des travaux engagés auprès du conseil d’administration et de son président Didier Baumgarten.
En matière de rapprochement des Conventions collectives, où en sommes-nous ?
Dans une première phase, les pouvoirs publics ont obligé les organisations professionnelles gestionnaires d’une convention collective couvrant moins de 5 000 salariés à se rapprocher de conventions numériquement plus importantes, tout en laissant entière liberté aux autres d’engager – ou pas – des rapprochements entre elles.
Notre Conseil d’administration a d’emblée décidé, en accord avec celui de la FENACEREM [organisation professionnelle de l’électroménager, ndlr] d’engager une démarche proactive de rapprochement des conventions ameublement et électroménager, de façon à éviter à nos deux secteurs de se voir imposer un jour, par les pouvoirs publics, un rattachement à un ensemble plus vaste, qui ne tiendrait pas compte des spécificités de nos métiers de distributeurs spécialisés de l’habitat… Nous pensons, en effet, que la constitution d’une branche « distribution spécialisée de l’équipement de la maison », forte de 120 000 salariés, permettrait de répondre efficacement au souhait de concentration exprimé par les pouvoirs publics, tout en préservant notre identité. Nous pourrions également être plus « représentatifs » vis-à-vis d’autres interlocuteurs, comme les assureurs sociaux par exemple.
La stratégie est claire, mais pouvez-vous faire un point sur les négociations de rapprochement des conventions collectives ameublement / électroménager ?
Chaque mois, nous négocions ce rapprochement avec les partenaires sociaux des deux branches, au rythme du paritarisme social… A date, nous avons déjà signé avec eux un accord de méthode (première étape technique nécessaire à la poursuite des négociations) puis négocions désormais, chapitre par chapitre, le rapprochement des conventions collectives elles-mêmes.
Quelles conséquences sur le dossier des ouvertures dominicales ?
Le rapprochement des conventions collectives n’a pas d’impact, la dérogation sectorielle concerne uniquement les magasins d’ameublement. Ce dossier est géré par la FNAEM, la négociation ou la renégociation des accords locaux se poursuivant sous l’impulsion de Gérard Tugas, vice-président en charge des chambres territoriales, et de Julien Fumière, secrétaire général adjoint au sein de la Fédération.
Est-ce un chantier de longue durée ?
Oui, il peut prendre quelques années, mais aussi – comme tout chantier – « buter » sur des difficultés, à l’instar du rapprochement, à date suspendu, des conventions collectives du bricolage et de la jardinerie. Néanmoins, le gouvernement vient d’annoncer son souhait d’accélérer et d’intensifier ce mouvement de rapprochement des conventions collectives… Nous ne connaissons pas encore le détail de ses intentions, qu’il devrait préciser d’ici début 2020.
Dans ce contexte, il n’est pas exclu que nous soyons conduits à engager un rapprochement avec d’autres branches, pour répondre à des seuils d’effectifs salariés que nous imposerait l’administration. Il nous faudrait alors tenter de rechercher et de conserver une cohérence « distribution spécialisée d’équipement de la maison ». Aussi, sans attendre, avec mon homologue de l’électroménager, nous avons décidé de proposer, aux partenaires sociaux de nos deux branches, d’accélérer les négociations actuelles.
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Qu’en est-il de la Convention des magasins prestataires de cuisine à usage domestique, dans ce vaste chantier ?
Cette Convention, non étendue, rassemblait 1 672 salariés, et figurait donc dans la liste administrative des conventions à « rattacher » à d’autres conventions dans des délais très courts. Elle a été dénoncée fin 2017 et son numéro d’identification (IDCC) supprimé par l’administration en avril 2018… Juridiquement, elle produit encore ses effets, sur les magasins de cuisines qui y adhéraient, jusqu’au 30 juin prochain. La FNAEM a envoyé à ses adhérents concernés une information leur permettant de se préparer à cette échéance.
A compter du 1er juillet prochain, seule la convention collective d’origine des magasins continuera à s’appliquer à ces derniers. Dans la majorité des cas, cette convention d’origine est celle du négoce de l’ameublement, gérée par la FNAEM. Le SNEC, qui gérait cette convention, poursuit, au sein de la FNAEM, ses actions spécifiques au service des magasins de cuisine.
Et les formations spécifiques à la cuisine ?
Il était important de préserver ces formations, d’éviter qu’elles ne disparaissent en même temps que la convention collective des magasins de cuisine : aussi, nous avons négocié, avec les partenaires sociaux, leur « rapatriement » dans la branche ameublement. Elles sont gérées, depuis le 1er janvier 2018, par la FNAEM et ses partenaires sociaux.
La récente et profonde réforme de la formation remet elle en cause ces formations ?
Heureusement, non ! Au contraire, nous avons obtenu en 2018 l’enregistrement de ces formations au registre national, indispensable à leur reconnaissance par les pouvoirs publics et à leur financement au bénéfice des entreprises concernées. Les centres de formation habilités à dispenser ces formations ont également été agréés, pour trois ans, par notre commission paritaire formation ameublement.
Quelles sont, alors, les conséquences pour la profession de cette réforme de la formation ?
Elles sont de trois ordres :
> Premièrement, notre profession relève désormais, depuis le 1er avril dernier, d’un nouvel OPCO du Commerce ; les demandes de prises en charge des formations, formulées par les entreprises de notre branche, doivent être adressées à cet OPCO.
> Deuxièmement, les financements par dispositif de formation sont revus selon des paramètres imposés par les pouvoirs publics. Cela conduit chaque entreprise à revoir son organisation en matière de financement de ses formations…
> Troisièmement, cette réforme de la formation ne remet pas en cause – au contraire – la stratégie de développement de la formation dans notre branche, décidée par notre conseil d’administration et accélérée depuis le début de l’année 2018.
En quoi consiste cette stratégie de développement de la formation ?
Il s’agit de mettre sur pied et faire reconnaître, par les pouvoirs publics, des formations spécialisées dans l’ameublement à usage de nos adhérents pour leurs salariés, en complément de celles existant déjà dans la cuisine. De telles formations, avec les parcours de carrière correspondant, seront également précieuses pour attirer les jeunes vers nos métiers puis les fidéliser…
Quand ces formations spécialisées ameublement seront-elles disponibles ?
Le chantier est engagé depuis début 2018, toujours au rythme des négociations paritaires. Sa première phase consistait en un recensement des besoins en formation de nos entreprises : nous en obtiendrons la synthèse ce printemps. Débutera alors la seconde phase, consistant en l’écriture des « référentiels de formation » (le contenu exact des formations) qui devrait, je l’espère, aboutir au printemps 2020… Notre objectif est le suivant : des organismes de formation doivent être habilités à dispenser les nouvelles formations à la rentrée de septembre 2020. Cela peut sembler long, mais un travail important reste encore à accomplir !