Du « buzz » sur Internet au développement des réseaux sociaux, de la géolocalisation du point de vente à la réalité virtuelle et augmentée, les innovations se succèdent et s’accumulent à l’heure du digital. Comment la distribution peut-elle s’y adapter, voire en tirer parti ? Voici quelques réponses apportées lors du cycle de conférences proposées par Maison & Objet en janvier dernier sur son Espace Retail, sans oublier que le storytelling ou la sélection de produits restent des fondamentaux du distributeur.

Copyright : Grégoire Sevaz
Un espace redimensionné, une localisation dans le hall 6, un programme de 25 conférences sur les 5 jours d’ouverture… l’Espace Retail de Maison & Objet a sans aucun doute pris une nouvelle dimension sur la dernière édition, du 20 au 24 janvier dernier. Cette animation, mise en place par l’organisateur la Safi, propose des conférences-débats d’un format de 30 minutes, durant lesquels experts de la distribution et formateurs décryptent les évolutions et tendances les plus récentes du commerce de détail – digitalisation, gestion de point de vente, merchandising… – pour donner aux visiteurs de la distribution des clés pour améliorer, faire évoluer, ou optimiser leur activité. Le succès d’affluence croissant remporté par ce forum montre d’une part qu’il répond aux attentes de la distribution – avec des conférences qui s’adressent tantôt aux négoces indépendants, tantôt aux enseignes – et d’autre part que les professionnels ont besoin de réponses pour faire face à l’ensemble des mutations, de plus en plus rapides, qui impactent les activités du commerce.
Un fil rouge : le digital
Si les thèmes abordés ont été très divers, ce sont néanmoins les mutations liées au digital, et leurs enjeux, qui ont généré le plus grand nombre de communications. Symboliquement, la première conférence du vendredi, proposée par Caroline Faillet – PDG du cabinet Bolero, auteur de l’Art de la guerre digitale (Dunod) et « netlologue » autoproclamée – avait pour titre « Comment survivre à l’ère du digital ? ». Reprenant l’architecture de son ouvrage, l’intervenante a expliqué comment, en 20 ans environ, nous avons assisté à un « empowerment », autrement dit à une prise de pouvoir par le consommateur, grâce à Internet et au digital, qui s’est déroulé en trois temps : avec l’arrivée du web 1.0, dans les années 1990, l’internaute a découvert le pouvoir de s’informer, et de vérifier l’information et donc le discours des marques ; avec l’arrivée du web 2.0, dans les années 2000, c’est le développement des réseaux sociaux, c’est-à-dire la possibilité pour tous les internautes de communiquer à grande échelle avec des milliers d’autres consommateurs, en temps réel, mais aussi de devenir émetteurs d’une infinité de messages sur les marques et sur les produits, pour peser sur leur image, et influencer leur stratégie . Résultat : les entreprises, marques ou enseigne qui jusqu’alors maîtrisaient leurs calendrier et leur canaux de communication, via la presse ou la publicité, ont perdu la main.

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Le « coup de grâce » de cet ancien modèle est arrivé avec le web 3.0 dans les années 2010 : l’accumulation de données (big data) combinée avec les outils numériques, a rendu possible une mise en relation des acteurs entre eux, avec à la clé de nouveau services (ubérisation) qui facilitent la vie du consommateur, en court-circuitant les business modèles antérieurs, à l’image d’Uber pour les taxis, ou de Airbnb pour l’hôtellerie. Pour l’intervenante, les conséquences de cette évolution dans le monde de la décoration ont été notamment les comparateurs de prix des sites marchands (web 1.0), les blogs et forums de décoration qui ont libéré la parole des internautes, l’appropriation des logiciels d’implantation qui empiètent sur le travail de l’architecte d’intérieur (web 2.0), et enfin les sites qui permettent de gérer l’ensemble d’un projet d’implantation, avec tous les intervenants prestataires et fournisseurs (web 3.0). Pour Caroline Faillet, une grande leçon est à tirer de cette prise de pouvoir du consommateur, qui se poursuivra encore avec le web 4.0 et au-delà : « Le temps de la communication de l’émetteur vers le consommateur (top down) est révolu, le fait de matraquer des messages vers une cible ne fonctionne plus pour vendre. Il ne faut plus communiquer mais dialoguer de façon horizontale, et écouter ses clients, pour leur offrir une solution « convenient », c’est-à-dire qui répond à leur besoin en leur facilitant la vie. »
Accroître sa visibilité sur Internet
S’il a bouleversé l’ordre du commerce, et créé de nombreux défis nouveaux, le digital porte aussi en lui les outils qui permettent de les relever. C’est ce qu’a démontré par exemple Guillaume Devianne, co-fondateur du cabinet de conseil en développement commercial « La Boita Id », sur le thème « Etre visible localement à l’ère du digital ». Pour cet intervenant également, les « vieilles recettes » de publicité ne fonctionnent plus : en grande distribution, les têtes de gondole ne font plus recette, et nous sommes tellement saturés de messages – plusieurs milliers par jour – qu’on ne fait plus attention ni aux affiches dans la rue, ni aux fenêtres qui s’ouvrent sur Internet, par ailleurs de plus en plus bloquées par des logiciels dédiés. Dans un tel contexte, où faut-il être, pour faire connaître sa marque ou son point de vente ? « Aujourd’hui, 93 % des acheteurs font une recherche sur Internet avant de sa rendre en magasin, et on estime que 80 % de ces recherches sont géolocalisées, à partir de son Smartphone comme de son ordinateur, déclare Guillaume Devianne. C’est donc là que tout se joue, si on veut que son magasin sorte du lot. » Pour le consultant, la clé consiste donc à laisser sur le net les informations judicieuses qui permettront à son point de vente d’apparaître dans les moteurs de recherche : par exemple, il faut référencer son magasin non pas dans la commune d’implantation mais dans la grande ville la plus proche, susceptible d’être saisie dans le moteur de recherche, il faut aussi légender toutes les photos qu’on publie sur son site, en indiquant le nom du produit et le matériau, pour être présent dans toutes les recherches associées effectuées par images, et décrire ses produits non pas avec ses propres mots, mais ceux de l’internaute qui le recherche… On peut aussi s’inscrire sur des sites très fréquentés comme Google Maps, qui permettent d’être localisé facilement, en faisant en sorte que son compte soit enrichi par les avis favorables de ses clients satisfaits… sans oublier de répondre, pour s’expliquer voire s’excuser, quand un avis moins positif est publié ! « La chose à savoir est que tous ces outils sont gratuits, conclut l’intervenant. Ils ne demandent qu’un peu de temps et peuvent rapporter gros. » Dans le secteur de la décoration, la création d’un compte sur les réseaux sociaux comme Facebook – ou twitter, qui est devenu la première source de SAV ! – ou a fortiori sur Instagram et Pinterest, qui sont à dominante visuelle, sont devenus indispensables pour améliorer sa visibilité.

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Du bon usage de la réalité augmentée
Pour stimuler le trafic en magasin et les ventes, on parle aujourd’hui de plus en plus d’une bonne « expérience client ». Pour Fabien Bernard, directeur du développement de l’agence Istaging pour l’Europe, il ne fait pas de doute que les technologies de réalité virtuelle et augmentée sont un levier puissant pour y parvenir. Dans son intervention le dimanche 22 janvier, il s’est attaché à expliquer comment « La réalité virtuelle réinvente le point de vente. » Rappelons que ce concept correspond au fait d’immerger le client soit dans une réalité complètement fictive (réalité virtuelle, comme dans un jeu vidéo), soit dans un univers qui tient à la fois du digital et du réel (réalité augmentée). Selon le consultant, il s’agit désormais d’une technologie mature, qui offre déjà de grandes opportunités au retail, et se développe à grande vitesse. D’ici 2020, elle drainera un chiffre d’affaires de 150 milliards de dollars, tandis que les équipements nécessaires à l’expérience – casques, micro-processeurs – augmenteront de 200 % dans le même temps. Cette évolution se fera notamment par la démocratisation de casques de réalité virtuelle compatibles avec les Smartphones de nouvelle génération. Comme l’a expliqué Fabien Bernard, la première application consistera à créer des espaces immersifs pour les clients, complémentaires aux points de vente : « Avec un simple casque sur la tête, il sera demain possible de se promener virtuellement dans des milliers de m2, depuis son canapé et 24 heures sur 24, et d’avoir accès à un catalogue infini de produits, avec toutes les informations dédiées ! ». En cliquant sur un article, toute la gamme en dimensions, matériaux, finitions apparaît aussitôt, ce qui supprime toute problématique de stock pour le distributeur, qui peut aussi imaginer les concepts stores les plus fous, en faisant travailler des « 3Distes » de talent. Ces technologies ouvrent aussi la voie à la personnalisation du produit : dans la déco, il est déjà possible d’évoluer dans un appartement virtuel, où se trouvent les produits – meubles, luminaires, revêtements de sol et muraux… – des marques partenaires, avec un accès à l’intégralité de leur catalogue, pour que le client puisse choisir le produit dans la configuration et la couleur qui lui convient.
Autre dimension, la réalité augmentée est aussi un outil d’aide à la décision pour les enseignes, qui les utilisent déjà, surtout en grande distribution, pour tester leur merchandising et optimiser le parcours d’achat. A la clé, elles peuvent ainsi diminuer les ruptures de stock et les visites de relevés en magasin, mais aussi capturer les parcours clients en magasin, pour optimiser leur plan de merchandising. Enfin, la réalité virtuelle et augmentée est aussi un outil d’aide à la vente en magasin, en enrichissant le parcours client, et peut même générer du trafic à condition de proposer au client une expérience hors du commun, en l’immergeant dans un univers complètement exotique qui sera un moyen de l’amener à l’offre produits…