Placé au premier rang du marché du meuble en termes de valeur, il en représente toujours un tiers. Le segment du meuble meublant, même s’il suit la même courbe d’évolution que le meuble au global, semble creuser l’écart depuis quelques années. Face à cette situation, plusieurs enjeux s’imposent aux circuits de distribution, qui se retrouvent face à un consommateur souvent séduit, en premier lieu, par le prix, mais toujours en recherche de personnalisation pour certaines pièces.

Les variations d’activité ces dernières années, en ce qui concerne les meubles meublants, sont en phase avec les évolutions de l’ensemble du marché. La croissance, parfois forte, du marché jusqu’en 2007, se retrouve sur les ventes de meubles meublants avec un pic de performances cette année-là. En 2008 et 2009, on assiste à une chute due à la crise, à la fois pour le marché et le meublant, avant une remontée en 2010 et 2011, puis une rechute suite au durcissement de la crise entre 2012 et 2014.e meuble meublant demeure le premier segment du marché en valeur, et ce malgré de forts reculs d’activité ces dernières années. Cette famille de produits, en effet, a vu sa valeur chuter de presque 500 millions d’euros entre 2007 et 2014, et sa part sur le marché du meuble diminuer de près de six points sur la période… En 2014, le segment atterrissait juste au-dessus des trois milliards d’euros. Les résultats du meublant en 2015 devraient lui permettre de se maintenir à ces niveaux de performances, mais la croissance enregistrée sera encore inférieure à celle du marché. La question qui se pose est de savoir si le segment, qui représente toujours presque un tiers des ventes en valeur, donne toujours le rythme du marché, ou bien s’il le subit…
Début 2015 : le segment se maintient juste…
Certaines familles de produits du meuble parviennent à être à contre-courant du marché ces dernières années. C’est notamment le cas de la literie qui, via un repère de marques fort et des campagnes de communication bien orientées, a réussi à maintenir sa croissance sur un marché en récession. De même pour la cuisine, qui est parvenue à limiter ses pertes sur les exercices 2012 et 2013, via les bonnes performances des spécialistes positionnés sur ce créneau, et ce malgré de forts reculs dans l’immobilier. On pourrait également citer les ventes de canapés et banquettes, qui ont réussi à se stabiliser en 2014, cela malgré un marché global encore en recul de – 1,5 %. Si ces segments parviennent, par les stratégies de certains de leurs intervenants, à inverser parfois la tendance, ce n’est pas encore le cas sur le segment du meuble meublant, qui subit les performances du marché et la concurrence de la cuisine ou de la literie, plus porteurs pour les distributeurs…
Les résultats sur les neuf premiers mois ne trompent pas. Le marché du meuble progresse de + 2,4 %, alors que le segment du meuble meublant parvient tout juste à maintenir ses ventes. Les actions commerciales, surtout dans la grande distribution, se portent plus généralement sur le rembourré ou la literie, ce qui nuit à la dynamique du segment.

Mais des produits se distinguent
Sur ce début d’année, les résultats sont néanmoins nuancés en ce qui concerne les différentes catégories de meubles meublants.
Les meubles de chambre bébé présentent des résultats en forte croissance : rien d’étonnant, dans un pays où le taux de natalité demeure important ces dernières années. En 2014, la France présentait un taux de natalité brut de 12,4 ‰, juste derrière l’Irlande (14,4 ‰), et bien au-dessus de l’ensemble de l’Union européenne (10,1 ‰), d’après les données d’Eurostat. Au vu de ce taux de natalité élevé, il est plus qu’étonnant de voir que de nombreuses enseignes du meuble ont plutôt tendance à délaisser le produit ces dernières années ! Elles laissent le champ libre aux quelques réseaux qui jouent encore pleinement le jeu de cette pièce, qui devient alors vecteur de trafic pour les points de vente ou les sites Internet.
Sur les neuf premiers mois de l’année, les ventes de bureau sont également au beau fixe : peut-être cela traduit-il un signe de l’accélération du télétravail en France ? La situation est, en revanche, plus difficile pour les meubles de salon-séjour et de chambre à coucher, qui sont en léger recul sur la période janvier-septembre.
Si ces dernières années, le salon-séjour présentait des performances supérieures à celles de la chambre à coucher, ce n’est plus le cas en 2015 : certes, les ménages français réinvestissent progressivement cette pièce du logement, après de nombreuses années à avoir privilégié le salon, mais la croissance n’est pas encore au rendez-vous.
Le meuble meublant reste, avec le meuble de salle de bains, l’un des segments du meuble les plus dépendants de l’immobilier : cette famille de produits ne parvient pas, en effet, à s’émanciper des performances des mises en chantier. En moyenne, c’est en effet un meuble meublant sur trois qui est acheté par un ménage ayant emménagé depuis moins de deux ans ; l’impact de l’activité de l’immobilier n’est donc pas négligeable sur les ventes des acteurs du meublant… Ce segment reste donc dans une simple logique d’équipement, et arrive difficilement à se développer sur un marché du renouvellement synonyme de désir et d’envie.

Circuits : la grande distribution domine
Sans surprise, la grande distribution domine sur le segment des meubles meublants, et c’est là une des explications de la baisse du marché en valeur. Cette dernière représente 61 % des ventes en valeur en ce qui concerne les meubles de salon-séjour, et 70 % des ventes en valeur de meubles de chambre à coucher. Le circuit a littéralement préempté ces deux pièces de la maison qui, il y a quelques années encore, étaient le domaine des enseignes de l’ameublement milieu et haut de gamme, puisqu’il n’existe pas de spécialistes en dehors du placard.
Les baisses de prix continuelles mises en place, ces dernières années, par les enseignes de la grande distribution, notamment sous l’impact d’importations de plus en plus importantes, ont permis au circuit d’asseoir sa domination. Cette dernière s’est toutefois traduite par un recul assez important des ventes en valeur ces dernières années. Le salon ou la chambre des Français ne sont pas extensibles, et l’effet volume engendré par la baisse des prix montre ces limites… D’autant plus que le déménagement demeure la première raison d’achats de meubles meublants pour les ménages français. La grande distribution se place dans une logique d’équipement. Les contre-performances du marché de l’immobilier pèsent donc fortement dans les ventes du circuit et du segment.
Les enseignes de l’ameublement milieu et haut de gamme ne représentent plus que 13 % des ventes en valeur de meublant de chambre à coucher, et 24 % en ce qui concerne les meubles de salon-séjour.
Pour ces derniers, le circuit bénéficie encore du trafic lié au rembourré de salon, sur lequel il arrive à rester performant par rapport à la grande distribution, notamment au niveau des produits relax. Il parvient également à mieux résister sur cette pièce via les ventes de tables et de chaises, pour lesquels le kit est plus rare… En ce qui concerne la chambre à coucher, certaines enseignes – ou plutôt certaines marques – quel que soit le réseau, commencent à rencontrer du succès sur les produits dressing : les efforts faits sur ce type d’équipement portent leurs fruits. Toutefois, les performances pourront être durablement au rendez-vous uniquement si des efforts sont également menés sur des produits complémentaires, comme la literie, par exemple, afin de maintenir le trafic et de jouer sur un achat d’ensemble literie + dressing dans une logique de chambre à coucher.
A noter, sur ces segments du meuble, le développement de la vente à distance, avec Internet comme un acteur important du circuit, qui génère plus de 7 % des ventes en valeur sur ces deux pièces de la maison. Toutefois, comme pour les autres segments du meuble, les fortes politiques de prix barrés mises en place constituent un frein au développement du circuit en valeur. Les résultats affichés par ce circuit ne sont pas représentatifs des volumes vendus, qui progressent pour leur part bien plus rapidement.
[E.B.]