A quelques jours de l’ouverture du salon Workspace Expo – du 16 au 18 avril à Paris Porte de Versailles – la publication du baromètre Actineo / Sociovision de la qualité de vie au bureau propose une radiographie des Français qui travaillent au bureau. On y apprend notamment que les bureaux classiques ont encore des progrès à faire en termes d’ergonomie du poste de travail, ce qui est aussi le cas des tiers-lieux – restaurants, hôtels, sites de coworking – qui sont pour la première fois inclus dans le périmètre de l’étude.
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Les mutations actuelles du travail, profondes et de plus en plus rapides, constituent un sujet récurrent, sont une préoccupation montante pour les employeurs et pour les décideurs en général, et sont un défi pour les fournisseurs des espaces de travail, qui sont aussi de plus en plus des espaces de vie. Tous les indicateurs sont bons à prendre pour décrypter les tendances à l’œuvre dans cet écosystème complexe, et prendre les bonnes décisions. Dans ce contexte, le Baromètre Actineo / Sociovision de la qualité de vie au travail, publié tous les deux ans depuis dix ans, est un outil précieux et très attendu qui permet d’y voir plus clair (1). Les Français sont-ils satisfaits de leur qualité de vie au travail, au bureau, dans les lieux de coworking et autres « tiers-lieux » où ils travaillent de plus en plus ? Le flex office, le nomadisme, le télétravail sont-ils en croissance ? Sont-ils satisfaits de l’équipement de leur poste de travail ? Quel est leur poste de travail rêvé ? Dévoilé le 2 avril au Comet à Paris, un des nombreux lieux de meeting partagé de nouvelle génération qui a ouvert récemment, l’édition 2019 apporte un certain nombre de réponses à ces questions, qui sont tantôt des confirmations et, ce qui est plus rare, des surprises. Signe des temps, pour la première fois, le Baromètre prend en compte le travail de bureau… en dehors du bureau, dans les lieux de plus en plus diversifiés qui tendent à devenir des bureaux délocalisés.
Bureau fermé majoritaire, flex office en devenir
Le sondage, réalisé auprès d’un échantillon représentatif des actifs français travaillant dans un bureau (2), permet tout d’abord de dégager une vision d’ensemble de cette population : 47 % travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés, et 22 % dans des entreprises de 250 salariés ou plus ; les moins de 35 ans représentent 28 % de ces salariés, tandis que 36 % d’entre eux ont plus de 46 ans ; les plus nombreux travaillent dans l’administration publique (28 %), suivis des salariés des services (22 %) ; 79 % travaillent en région, contre 21 % dans l’agglomération parisienne ; 84 % sont en CDI ; 58 % des emplois de bureaux sont occupés par des femmes… L’Observatoire se demande ensuite dans quel type de bureau ils travaillent, et nous apprenons ici que le modèle dominant reste le bureau fermé pour 66 % des salariés (33 % individuel, et 33 % avec au moins 2 personnes), tandis que 34 % travaillent dans des bureaux collectifs ouverts (22 % avec moins de 10 personnes, et 12 % avec plus de 10 personnes). La situation de chacun dépend fortement de la taille de l’entreprise, de l’âge du salarié et de son niveau hiérarchique. D’autre part, le « flex office », autrement dit le fait de ne pas avoir de bureau attribué, est en forte progression, puisqu’il concerne aujourd’hui 14 % des salariés contre 6 % en 2017, tandis que 86 % ont encore un bureau attribué. 50 % des salariés déclarent qu’ils ne seraient pas gênés de ne pas avoir un bureau attribué, mais la réalité est plus mitigée : pour 24 % des sondés, le flex office est un facteur de stress, car il crée une course pour obtenir les meilleures places, les systèmes de réservation restant l’exception…

Comet Meetings, site parisien de co-meeting spécialisé dans la réunion ©Photographe Jared Chulski pour Artdesk Group et COMET Meetings
Un nomadisme en hausse
Autre enseignement important de ce Baromètre Actineo / Sociovision 2019, le nomadisme, autrement dit le fait de travailler ailleurs que dans les locaux de son entreprise, est en forte hausse, puisqu’il concerne aujourd’hui 53 % des actifs interrogés, soit + 5 % par rapport à 2017. Ainsi, 57 % déclarent travailler régulièrement ou occasionnellement dans les restaurants et les cafés, 54 % à leur domicile, 47 % dans les transports en commun, 43 % dans les hôtels, 43 % dans les locaux de leurs clients, ou encore 38 % dans les espaces de coworking. Cependant, ces lieux « hors bureau » ne constituent que très exceptionnellement le lieu de travail principal, par exemple le domicile l’est pour 8 % des sondés, et les lieux de coworking pour 2 % d’entre eux seulement. Parmi la totalité des actifs interrogés, 30 % se disent « travailleurs nomades » réguliers, c’est-à-dire qu’ils travaillent au moins plusieurs fois par semaine hors de leur entreprise – c’est même le cas pour 47 % des Millennials (18-29 ans) et 50 % des cadres intermédiaires – et qu’ils le font majoritairement dans les transports en commun, les restaurants et les cafés. Parmi les lieux de travail hors bureau, les plus appréciés sont le domicile, les autres espaces situés dans l’entreprise et les lieux de coworking. Les restaurants, cafés, hôtels et autres fab labs (ateliers de conception numérique) ne sont que « tolérés », tandis que les espaces voyageurs (trains, aéroports) et les transports en commun sont les plus « subis ».
Espace de travail : des bureaux à optimiser
Mais les principales surprises viennent sans doute du chapitre consacré à l’équipement de l’espace de travail, considéré par les salariés comme très important pour la santé (pour 50 % d’entre eux, + 5 % par rapport à 2017), le bien-être (48 %, + 5 %)), la performance (43 %), ou encore le relationnel avec les collègues (39 %), les personnes encadrées (34 %), ou la hiérarchie (33 %). On apprend ainsi que 52 % des salariés possèdent une armoire personnelle ou un vestiaire, 50 % un casier individuel pour ranger ses affaires personnelles, et 48 % une station de travail pour connecter son ordinateur portable ou sa tablette. « En revanche, nous avons constaté avec étonnement que 39 % seulement disposent d’un siège ergonomique réglable en fonction de son anatomie et de sa façon de travailler, ce qui est pourtant considéré par les experts comme un équipement de base pour prévenir les maladies professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques, déclare Alain d’Iribarne, directeur scientifique d’Actineo. Il y a semble-t-il sur ce point d’importants progrès à faire, même si ce taux atteint 59 % chez les cadres dirigeants. » De même, 40 % des salariés disposent d’un éclairage individuel réglable à son gré (50 % des cadres dirigeants), ce qui est un autre pilier essentiel de l’ergonomie au bureau. Dans le même ordre d’idée, si on s’éloigne un peu des équipements « de base », 27 % seulement déclarent disposer d’un mobilier isolant du bruit, alors qu’il s’agit de la nuisance numéro un dans les bureaux collectifs, 20 % disposent d’un bureau réglable en hauteur (26 % des cadres dirigeants, et 35 % des Millennials), et 20 % d’un mobilier connecté « intelligent » permettant d’adapter son environnement de travail à ses besoins.

Comet Meetings, site parisien de co-meeting spécialisé dans la réunion ©Photographe Jared Chulski pour Artdesk Group et COMET Meetings
Tiers-lieux : des équipements parfois inadaptés au travail
Autre point mis en évidence, les équipements des nouveaux espaces de travail pour salariés « nomades » répondent de façon inégale à leur attentes. Les cafés et restaurants recueillent par exemple moins de 20 % de personnes « très satisfaites » – et une moitié de « plutôt satisfaits » – pour la qualité de l’éclairage, l’ergonomie du siège et le confort de la table, la place disponible ou disposer ses affaires de travail, la qualité de l’éclairage, la confidentialité ou le bruit, ce qui montre que ces lieux ont encore des progrès à faire pour gagner leur légitimité de lieux de travail. Dans les hôtels, le taux de « très satisfaits » se rapproche des 30 % sur les mêmes items, tandis que les « plutôt satisfaits » s’approchent des deux tiers. C’est encore le télétravail à domicile – qui concerne selon l’étude 29 % des actifs travaillant dans un bureau – qui recueille le meilleur taux de satisfaction, 80 % des salariés concernés se montrant plutôt ou très satisfaits, surtout en raison de la possibilité de s’organiser comme on veut, en termes de gestion de l’espace et du temps. Les points principaux d’insatisfaction, pour le « home office », sont l’ergonomie insuffisante des sièges et table de travail, et la difficulté à organiser une réunion de travail.
Le Baromètre confirme l’essor des tiers-lieux. En deux baromètres, soit 4 ans, le pourcentage de salariés qui utilisent les espaces de coworking est passé de 15 % à 38 %, de 12 à 28 % pour les incubateurs d’innovation, et de 11 à 27 % pour les fab labs, même si l’utilisation régulière de ces lieux est très minoritaire. 61 % des Millennials et 51 % des cadres dirigeants utilisent au moins un de ces tiers-lieux. Cependant – autre surprise ! – le taux de satisfaction des utilisateurs des sites de coworking, qui sont pourtant dédiés aux nouvelles formes de travail, reste limité en ce qui concerne leurs équipements : un quart environ d’entre eux sont « très satisfaits » de l’ergonomie et du confort des tables et chaises, de la place disponible, de la température ambiante, ou de la possibilité d’organiser une conférence téléphonique, tandis qu’ils sont une moitié environ à être « plutôt satisfaits » de ces différents points… « Deux hypothèses sont envisageables pour expliquer ce jugement mitigé, commente Alain d’Iribarne, soit l’offre en mobilier pour équiper ces nouveaux lieux hybrides de travail et de vie n’existe pas encore, soit les donneurs d’ordre et les acheteurs ne sont pas convaincus par eux. Or quand on crée de nouveaux lieux de travail, il y a une offre nouvelle à inventer pour les équiper. »

Comet Meetings, site parisien de co-meeting spécialisé dans la réunion ©Photographe Jared Chulski pour Artdesk Group et COMET Meetings.
Rêver au bureau idéal
En conclusion, le Baromètre a demandé aux salariés du tertiaire quel était pour eux l’espace de travail idéal. 45 % d’entre eux ont donné en premier choix un poste de travail dédié dans un bureau individuel fermé, le deuxième choix étant un poste de travail dédié dans un bureau collectif de petite taille, et le troisième un poste de travail dédié dans un espace collectif ouvert, avec des bulles de confidentialité et des salles de réunion de proximité en libre accès. Seuls 14 % des actifs choisiraient un poste non dédié, mais 40 % se disent ouverts au flex office, tandis que 26 % pourraient opter pour une solution « tout télétravail » à domicile. Les équipements qui font rêver sont par ordre décroissant une table réglable en hauteur (48 %), du mobilier connecté « intelligent » (46 %), un siège ergonomique réglable (43 %), et un mobilier isolant du bruit (41 %). Bonne nouvelle : les aménageurs et concepteurs de mobilier et d’aménagements tertiaires ont encore du grain à moudre.
(1)L’étude est intégralement consultable en ligne sur http://www.actineo.fr/article/barometre-actineo-sociovision-2019
(2)Réalisé par Actineo, l’organisme qui mesure la qualité de vie au bureau, financé par le Codifab, le Baromètre est une enquête en ligne qui a été administrée du 4 au 15 février 2019 auprès d’un échantillon représentatif – en taille d’entreprise, secteur d’activité et région d’implantation – de 1218 actifs travaillant dans un bureau.