Réalisé en questionnant ses trois cibles principales – retailers, marques et fabricants, prescripteurs – le premier Baromètre Maison&Objet met en évidence une scission du marché en trois catégories d’importance à peu près égale : ceux qui se sont développés, ceux qui se sont maintenus et ceux qui ont réduit leur activité depuis le début de la pandémie. En confirmant des tendances de fond comme l’essor des ventes en ligne, du modèle hybride BtoB – BtoC pour les marques, du home office et des produits éthiques, il donne une radiographie stimulante des enjeux et des tendances à quelques jours de l’ouverture du salon (9 au 13 septembre, Paris-Nord Villepinte).
A l’orée du dernier quadrimestre de 2021, on est en droit de se demander dans quelle situation se trouvent les acteurs du marché du meuble et de la décoration, à l’issue de dix-huit mois de pandémie, qui ont entraîné des bouleversements en chaîne dans la façon de s’approvisionner, de fabriquer et de vendre. Pour le savoir, Maison&Objet a pris l’initiative d’interviewer, juste avant les vacances d’été, un échantillon de 1152 professionnels extrait de sa communauté, et représentatif de ses trois cibles de visiteurs : les « retailers » – à savoir les boutiques indépendantes, les enseignes de la distribution, les grands magasins, les acteurs de l’e-commerce… – les prescripteurs – architectes d’intérieur, architectes, décorateurs, promoteurs… – et enfin les « marques », c’est-à-dire les fabricants, les éditeurs de mobilier et d’articles de décoration, mais aussi les designers*. Il en résulte le premier baromètre Maison&Objet, un exercice qui deviendra récurrent, puisqu’il sera dorénavant reproduit trois fois par an. Interrogé sur l’activité des quatre derniers mois précédant l’étude – c’est-à-dire de février à mai 2021, par rapport à la même période de 2020 – ce panel apporte un éclairage global sur l’état de santé de l’écosystème du meuble et de la décoration pendant la première partie de l’année.

(copyright baromètre M&O)
Chiffre d’affaires : un constat non homogène
Comme l’ont souligné différentes études ces derniers mois, le marché de la maison fait partie de ceux qui ont le mieux résisté à la pandémie, puisque les consommateurs, étant donné les restrictions de déplacements et d’accès aux lieux publics, ont été amenés à se recentrer sur leur logement et à investir pour en améliorer les carences. Mais, semble-t-il, tout le monde n’a pas profité de cet élan de la même manière : en se référant à la même période de 2020, qui avait déjà été grevée par le premier confinement, le Baromètre met en évidence trois profils de professionnels d’importance sensiblement équivalente : 37 % de l’ensemble des sondés déclarent un chiffre d’affaires en baisse, 28 % un chiffre d’affaires étale, et 35 % d’entre eux un chiffre d’affaires en hausse. Dans cet ensemble, ceux qui s’en sortent le mieux sont les marques (34 % en baisse et 42 % en hausse), suivies des retailers (38 % en baisse et 38 % en hausse), et enfin des prescripteurs (37 % en baisse et 28 % en hausse). On peut penser que les marques et fabricants s’en sortent mieux parce qu’ils se sont mis à vendre en ligne et à faire du click and collect, de même que la partie des distributeurs qui étaient déjà performants dans les ventes en ligne, tandis que les prescripteurs ont souffert du ralentissement des marché de l’hôtellerie et restauration, et du secteur tertiaire. Le même classement est observé concernant les perspectives de chiffre d’affaires dans les quatre prochains mois : elles sont jugées positives par 55 % des marques (et même 12 % très positives), et par 53 % des retailers (14 % très positives), mais par un pourcentage plus faible des prescripteurs (49 % les jugent positives, et 12 % très positives). En ce qui concerne les effectifs, une large majorité de l’ensemble des répondants (68 %) les ont maintenus pendant la période de référence, tandis que 18 % les ont réduits, et 14 % les ont augmentés. En définitive, on pourra retenir que 65 % de l’ensemble des sondés ont des perspectives positives ou très positives, et que 20 % d’entre eux envisagent de renforcer leurs effectifs d’ici la fin de l’année.

(copyright baromètre M&O)
Retailers : le défi de la vente en ligne
Le gros plan réalisé sur les retailers montre que, quelques mois avant cette reprise de septembre, ils sont dans une situation proche de la normale. Leur niveau de stock est en effet « normal » pour 46 % d’entre eux (« élevé » pour 31 %, et « bas » pour 14 %), et leurs perspectives de commandes dans les quatre prochains mois sont « tout aussi importantes » par rapport à la même période de l’an passé pour 48 % d’entre eux (« plus importantes » pour 24 %, et moins importantes pour 23 %). Les enseignements du Baromètre se révèlent très intéressants en ce qui concerne leurs canaux de vente, puisqu’ils traduisent une progression plus importante des ventes en ligne par rapport à celles en magasin : les retailers sont 43 % à constater des ventes en magasin qui ont un peu ou fortement baissé en magasin, mais seulement 25 % à constater une baisse faible ou forte de leurs ventes en ligne. A contrario, ils sont 32 % à constater une augmentation de leurs ventes en magasin, mais 44 % à constater une augmentation de leurs ventes en ligne. Ajoutons que pour un quart d’entre eux, les ventes ont été égales, aussi bien sur le point de vente qu’en ligne.
La montée du numérique se traduit aussi dans les canaux de vente où sont présents les retailers de la communauté de Maison & Objet : 73 % ont un point de vente, et presque la moitié (46 %) vendent sur les réseaux sociaux, 44 % ont une boutique en ligne, et 11 % sont présents sur des plateformes de marché. Le bilan est équilibré pour les ventes sur les réseaux sociaux, puisqu’elles sont en baisse pour 27 % des retailers, en hausse pour 27 % et constantes pour 37 % d’entre eux. En revanche, les plateformes de marché semblent particulièrement porteuses, avec des ventes en baisse pour 28 % des retailers, mais en hausse pour 39 % d’entre eux (constantes pour 31 %). Les canaux de communication digitaux favoris des retailers sont dans l’ordre Instagram (78 %), suivi de Facebook (69 %) et de leur propre site web (64 %). Gérer et développer ses ventes en lignes est devenu un sujet majeur pour les distributeurs, qui y passent 16 heures en moyenne par semaine, pour des ventes en ligne qui représentent 18 % de leurs ventes totales. Ils sont confronté à deux défis principaux : la gestion du site internet (considéré comme « difficile » par 47 % d’entre eux), et le développement de la notoriété de son e-boutique (« difficile » pour 49 % et même « très difficile » pour 27 %).

Marques et fabricants (copyright baromètre M&O)
Prescripteurs : le résidentiel devant l’hôtellerie
Le sondage réalisé auprès des prescripteurs – dont 37 % accusent une baisse de leur chiffre d’affaires, 35 % un maintien et 28 % une augmentation – confirme la tendance lourde du marché, à savoir le ralentissement du contract dans son ensemble, du à la fréquentation touristique internationale en berne, et à l’essor du télétravail : 66 % d’entre eux constatent une baisse des projets dans l’hôtellerie, 64 % une baisse des projets dans la restauration, 50 % une baisse dans les boutiques et 47 % une baisse dans les bureaux et espaces de travail. A contrario, seuls 8 % d’entre eux constatent une hausse des projets dans l’hôtellerie, le secteur le plus touché du contract. Dans ce paysage morose, les prescripteurs se repositionnent sur le résidentiel, le seul à tirer son épingle du jeu, avec un nombre de chantiers déclaré en hausse par 45 % des prescripteurs, et en baisse pour 24 % d’entre eux seulement. Au sein des projets résidentiels, la montée du télétravail impose sa loi, une tendance lourde de l’habitat. En effet, 76 % – dont 41 % « tout à fait » et 35 % « plutôt » d’entre eux intègrent un espace de travail modulable dans l’espace de vie, et même 82 % – 38 % « tout à fait » et 44 % « plutôt » – intègrent un espace de travail isolé, un bureau. La salle de détente fait recette pour 60 % des projets, de même que la salle de sport (40 % des projets).
Marques, fabricants : le modèle hybride BtoB – BtoC s’impose
Du côté des marques et fabricants, le Baromètre révèle un niveau des stocks « normal » pour 52 % d’entre eux – « élevé » pour 22 % et « bas » pour 16 % – et un état d’esprit offensif : 86 % d’entre eux prévoient un lancement de nouveautés dans les 4 mois suivant l’enquête, c’est-à-dire dès ce mois de septembre. En ce qui concerne leurs canaux de distribution, il est intéressant de noter que le modèle qui associe le BtoB et le BtoC – ventes auprès des distributeurs, des prescripteurs et des consommateurs finaux – est celui de presque trois quarts des sondés, soit 73 %, contre 22 % des marques qui ne vendent qu’en BtoB, et 5 % qui ne vendent qu’en BtoC. Autre indicateur très significatif, la multiplication des canaux de vente ou de mise en relation, de plus en plus nombreux en BtoB. Les sondés mentionnent dans l’ordre « Mon site web » (71 %), les salons professionnels physiques (68 %), la force commerciale (41%), les show-rooms (37 %), les plateformes en ligne BtoB (33 %), les e-boutiques BtoB en propre (33 %), les marketplace BtoB (29 %), les salons professionnels en ligne (29 %)… ce qui n’est pas pour simplifier les stratégies de distribution ! Ces canaux se diversifient aussi en BtoC, avec dans l’ordre l’e-boutique en ligne (69 %), l’e-boutique sur les réseaux sociaux (45 %), suivies des marketplaces en ligne (40 %). On note la bonne résistance des points de vente physiques, en quatrième position (39 %).
En conclusion de cette belle moisson de chiffres, qui dessine des perspectives pour l’après-crise, le Baromètre Maison&Objet établit que 35 % des sondés tous confondus estiment que « cette crise a permis à leur société de se développer, tandis que 56 % estiment que «cette crise a affaiblit leur société mais qu’ils vont pouvoir y faire face ».
*Cette enquête a été réalisée à l’aide d’un questionnaire administré en ligne, du 24 mai au 4 juin 2021.
[F. S.]
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[Zoom]
Les produits « éthiques » en progression partout
Les retailers soulignent dans leur ensemble l’engouement pour les produits « éthiques » – à savoir bons pour l’environnement au sens large – puisque 62 % ont noté un intérêt croissant de leurs clients à leur égard, puisqu’ils sont aussi 62 % à en distribuer, et qu’ils représentent 37 % de leurs ventes. De leur côté, les prescripteurs relèvent que 70 % de leurs clients sont sensibles aux critères d’éco-responsabilité pour leurs projets, qu’ils appliquent à 70 %, en utilisant notamment des matériaux renouvelables et du mobilier durable. Même constat du côté des marques et fabricants, qui déclarent être engagés à 92 % dans une démarche éco-responsable, tandis que 43 % des 8 % restant envisagent de le faire prochainement. Cette thématique, sous la bannière « Développement désirable », sera l’un des fils conducteurs de Maison&Objet à compter du 9 septembre.