Deux grands volets pour cette journée Cedem de rentrée, organisée en partenariat avec Sofinco et Le Courrier : les résultats du marché sur les huit premiers mois de l’année , et un exposé passionnant de Catherine Barba sur les atouts incontestables que peut représenter le digital pour les magasins physiques.
Le Cercle des Décideurs de l’Equipement de la Maison – initié par l’IPEA, Sofinco et Le Courrier – organise traditionnellement deux journées par an, en mars et octobre, qui permettent de faire le point sur la conjoncture et de débattre sur des thèmes d’actualité, grâce aux interventions d’invités de marque. Après Michaël Aguilar en début d’année, qui s’était attaché à décrire les qualités des « vendeurs d’élite », cette session de rentrée a permis aux participants – fabricants et distributeurs – d’envisager l’outil digital sous un autre angle, à travers l’argumentation captivante de la dynamique Catherine Barba… Un exposé qui a fait suite à la traditionnelle introduction de l’IPEA.

-0,9% sur les 8 premiers mois
Après un premier semestre 2014 à – 2,5 % en cumul, il semblerait que la seconde période de l’année ait débuté sur des notes plus légères, avec de bons mois d’été : « Plus exactement, la reprise s’est faite sentir courant juillet, à partir de la troisième semaine de soldes… soldes qui ont globalement été satisfaisants, précise Stéphane Larue, directeur des études IPEA. Août, quant à lui, s’est terminé en croissance de 1 % » . Ainsi, les huit premiers mois de l’année affichent, en cumul, – 0,9 %, ce qui semble être « plutôt encourageant » comparé aux deux années précédentes (respectivement – 3,2 % et – 1,8 % avaient été enregistrés sur la même période en 2013 et 2012) ; cela dit, si le meuble souffre moins que le bricolage (- 5 % à fin août), l’électroménager et le jardinage, en revanche, s’en sortent mieux que lui (+ 1,2 % et + 1,5 %) ; l’automobile se distingue également, avec + 1,3 % sur les huit premiers mois… Par ailleurs, cette évolution à – 0,9 % est bien évidemment provisoire, d’autant que la période septembre / octobre / novembre pèse traditionnellement 30 % des ventes de l’année en valeur : l’IPEA prévoit un cumul 2014 compris entre – 2 et – 3 %.
Dans le détail, en ce qui concerne la production – une fois considérés les sièges métalliques professionnels, meubles de magasin en métal et meubles de salles de bains en bois, qui constituent les seules catégories à connaître une évolution cumulée positive à fin juillet – la literie et le mobilier de cuisine enregistrent les baisses les moins marquées sur cette période (avec – 0,8 % pour les sommiers, – 1,6 % pour les matelas et – 1,8 % pour la cuisine) ; la chambre à coucher est la famille qui souffre le plus (production en repli de – 18,4 %). De manière générale, la production est encore plus à la peine que la distribution… Distribution qui, comme chacun sait, se trouve fortement impactée par la situation de la construction : « En fait tout dépend des familles de produits, nuance Stéphane Larue. Alors que les ventes de meublant et de rembourré suivent le rythme des mises en chantier, la literie semble moins dépendante. Et bonne surprise, alors que la cuisine était elle aussi calquée sur les fluctuations du bâtiment, on constate qu’un marché de renouvellement se développe progressivement : désormais, les gens n’attendent pas forcément de déménager pour refaire cette pièce ».
L’introduction de l’IPEA s’est poursuivie avec la présentation de l’Habitatscope 2015 tout juste paru.
La mutation des comportements
Invitée à intervenir durant la seconde partie de la matinée, l’entrepreneuse Catherine Barba, spécialiste du digital et auteure de l’ouvrage Le Magasin n’est pas Mort ! , a commencé son exposé en dressant le portrait du « nouveau » consommateur, qui a évolué avec Internet et l’ensemble des outils qui s’offrent désormais à lui. Pour résumer : les clients sont aujourd’hui hyper informés, sont ultra-connectés à leur smartphone – qui devient ainsi le premier canal de contact entre les vendeurs et eux, d’où l’intérêt, pour les premiers, de développer un site mobile performant ! – et en interaction avec leurs réseaux sociaux : « Ceux-ci leur procurent un sentiment d’appartenance très fort dans leur manière de consommer, souligne Catherine Barba. On le voit par exemple avec l’importance que revêtent les avis consommateurs laissés sur le Web : les magasins physiques auraient tout intérêt à afficher eux aussi des avis de clients ! » La consommation collaborative prend également de plus en plus d’ampleur… Face à ces mutations, le problème, selon Catherine Barba, les magasins physiques n’ont pas vraiment su réagir, conservant leurs méthodes de vente traditionnelles… « Et pourtant, les champions de demain, ce sont eux ! » Pour preuve : aux Etats-Unis, 90 % des acteurs de l’e-commerce sont des marques qui existent également à travers des réseaux de points de vente, les pure-players ne représentant donc que 10 % (une fois écartés les « géants » Amazon, VistaPrint, etc.) « Gardons à l’esprit que les marges dans l’e-commerce ne sont pas énormes pour couvrir les frais incompressibles générés par la production, la logistique, le marketing, etc., ajoute Catherine Barba. Il est donc très difficile de générer de la rentabilité, et donc d’être pérenne sur le Web… ce qui pourrait poser souci aux pure-players ».
Internet ne doit donc pas être considéré comme un ennemi… mais comme une opportunité pour se réinventer.

Internet… un aspirateur à clients
« L’innovation ne tue que ceux qui n’innovent pas, résume Catherine Barba. Je crois vraiment à la complémentarité des canaux : utilisez Internet comme un « aspirateur » à clients dans les magasins, et pour apporter de la valeur ajoutée à vos produits ! » Dans cette optique, dix points « à creuser » représentent autant d’enjeux pour les points de vente physiques :
– Le magasin commence sur le Web (rappelons que plus de 80 % des clients se rendent sur Internet avant de se déplacer), d’où l’intérêt de mettre au point un site mobile avec catalogue complet, descriptifs utiles, avis clients, photos (produits et équipes !), vidéos, store locator, rubrique contact, affichage des prix (semblables à ceux du magasin) ;
– Les enjeux de Google (mots-clés, adresses, etc.) ;
– Le parcours « Web to store » : le client qui décide de se déplacer jusqu’au magasin physique veut que cela soit simple (des enseignes comme Cyrillus ou Boulanger, par exemple, ont su mettre en place des signalétiques claires facilitant considérablement le click and collect) ;
– L’importance de l’accueil en magasin : sans aller jusqu’à l’extravagante bienvenue à l’américaine, le vendeur doit se montrer avenant, souriant : « C’est le moment du retour au réel, à l’humain, donc cette chaleur est primordiale » martèle Catherine Barba ;
– Le point de vente doit être un lieu de vie pour les clients connectés… autrement dit, doté d’un réseau wifi performant, etc. afin que chaque visiteur puisse retrouver à tout moment sa communauté !
– Les vendeurs ont tout intérêt à posséder les mêmes armes, les mêmes outils que leurs clients : ces derniers recherchent en effet des experts pointus en sachant plus qu’eux… Une bonne base : équiper les vendeurs de tablettes !
– La connaissance du client : l’enseigne Sephora se révèle particulièrement performante sur ce point, avec son système d’enrichissement données clients (chaque visite en point de vente est une occasion de compléter le profil de chacun) ; or dans le secteur du meuble, comme le souligne Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA, beaucoup de choses restent encore à faire sur ce point…
– L’expérience magasin doit se poursuivre après le magasin : confirmation de commande, facture, remerciements par emails, auxquels peuvent éventuellement s’ajouter des offres promotionnelles invitant le client à revenir… l’idée étant, avant tout, de maintenir le contact ! « Il n’y a pas que les interactions transactionnelles qui ont de la valeur aujourd’hui, approfondit Catherine Barba. Il n’y a qu’à constater la manière dont les gens utilisent aujourd’hui Facebook comme un SAV ! »
– Pratiquer les petites attentions qui entretiennent la fidélité : le client, désormais, veut être accueilli, considéré, écouté et reconnu ; de la même façon que nous parlons de « réalité augmentée », le terme « magasin augmenté » symbolise parfaitement cette idée : l’expérience en point de vente physique commence avant d’avoir franchit le seuil de la porte, et se prolonge après ;
– Enfin, les équipes doivent plus que jamais être mises en avant, et briller à travers leur sympathie et leur expertise : « Ne laissez personne venir à vous et repartir sans être plus heureux » a ainsi conclu Catherine Barba, citant Mère Teresa.
Etienne Epitalon, directeur du développement de l’équipement de la maison chez Sofinco, a de son côté résumé ainsi les enjeux de ces mutations pour le secteur de l’équipement de la maison : « Le digital n’est pas un monde à part, il est maintenant complètement intégré dans nos vies quotidiennes. Mais lorsqu’on innove, le marché est devant nous… » A bon entendeur !