Fondée sur une association des technologies numériques et des procédés de fabrication additifs de matières, l’impression 3D laisse augurer une révolution à venir dans la manière de produire.
En quoi consistent ces technologies ? Quelles sont leurs applications possibles dans l’ameublement ?
C’est une technologie dont on parle de plus en plus, mais de quoi s’agit-il exactement ? L’impression 3D recouvre un ensemble de technologies qui permettent de fabriquer physiquement des objets réels, à partir d’un fichier CAO (Conception Assistée par Ordinateur), sans outillage, avec un temps de fabrication beaucoup plus court que les techniques traditionnelles. Le fichier CAO, qui permet de dessiner et de concevoir l’objet, est relié à une machine – l’imprimante 3D – qui exécute le dessin du fichier informatique, selon les cas, soit par apport de matière (on parle alors de procédés de fabrication « additifs »), soit par enlèvement de matière (on parle alors de procédés « soustractifs »). Aujourd’hui, ces technologies – qu’on réunit aussi sous le vocable de « prototypage rapide » – sont essentiellement utilisées dans les industries très innovantes, comme l’automobile, l’aéronautique, l’aérospatiale, ou encore la médical pour la fabrication de prothèses. Les technologies 3D permettent en effet de fabriquer des objets avec une grande précision ; les progrès constants des machines et matières offrent la possibilité de produire des formes de plus en plus complexes, sans être limité par les contraintes de la fabrication traditionnelle. Ces avancées, ainsi que la baisse du coût de ces machines, élargissent leur champ d’application : l’impression 3D est de plus en plus utilisée dans l’art contemporain, l’architecture, le design.
L’impression 3D voit le jour dans les années 1980, avec le rapprochement du rayon laser et des outils informatiques. L’invention de la stéréolithographie, le premier procédé permettant d’imprimer des objets 3D à partir de données numériques apparu historiquement, est attribuée à l’américain Charles Hull en 1984 ; la première imprimante 3D, utilisant ce procédé, est commercialisée par la société 3D Systems en 1986… Un implant réalisé en impression 3D est greffé sur un patient par l’institut Wake Forest pour la médecine régénérative en 1999 : plus près de nous, une personne marche pour la première fois avec une prothèse de jambe entièrement réalisée avec ce procédé en 2008… Les premières imprimantes grand public sont arrivées sur le marché à partir de 2009.
Un ensemble de technologies
Ces technologies ne sont pourtant pas si simples à utiliser : avant d’être « imprimés » les objets doivent avant tout être modélisés par un logiciel de modélisation 3D. Il faut donc maîtriser un métier : la Conception Assistée par Ordinateur (CAO). Cette modélisation peut se faire par un dessin réalisé à l’écran, avec un bras à retour de force 3D, où à l’aide d’un scanner 3D, qui enregistre l’objet à imprimer dans l’espace sous forme de fichier numérique. Des solutions plus conviviales ont été mises au point récemment, comme des applications pour tablettes, qui permettent de transformer, en quelques clics, un simple dessin 2D en fichier 3D imprimable.
On recense aujourd’hui huit technologies principales d’impression 3D ou « prototypage rapide », qui ont été successivement mises au point ; elles permettent de fabriquer, selon les cas, des maquettes, des prototypes fonctionnels, des modèles pour la réalisation de moules, ou des pièces directes, avec des possibilités et des caractéristiques différentes en fonction des différents matériaux et technologies :
– La stéréolithographie (1986) utilise des résines époxy photosensibles : l’objet est obtenu par polymérisation de la résine liquide, dans un bac, à l’aide d’un rayon laser. La fabrication se fait par couches successives, en commençant par le haut de la pièce. Après solidification de chaque couche, un plateau mobile supportant la pièce descend de l’équivalent de la couche suivante, jusqu’à impression de la pièce complète. Bien maîtrisée car la plus ancienne, cette technologie permet de faire des pièces de grande taille, avec un bon état de surface, et une grande variété de résines. En revanche, la géométrie des pièces est limitée par le support, et les objets sont sensibles à la lumière.
– Le modelage par dépôt de fil fondu (1991) emploie des matériaux thermoplastiques de type nylon, ABS, polycarbonates… L’objet est obtenu par dépôt du matériau fondu, section par section, au moyen d’une buse chauffante : le fil déposé se refroidit rapidement au contact de la section précédente. Ce procédé permet la coloration du matériau dans la masse : il est rapide et peu encombrant, mais se heurte aux limites des matériaux utilisés et à un volume de production limité.
– Le frittage de poudre (1995) se sert de poudres thermoplastiques, polyamides ou polystyrène. La poudre est préchauffée juste en-dessous de son point de fusion, puis fondue avec un rayon laser, de façon à ce que les grains s’agglomèrent entre eux pour former la pièce ; le plateau supportant la pièce descend au fur et à mesure de l’équivalent de la couche suivante. Ce procédé a l’avantage de se prêter aux pièces à géométrie complexe, avec fonctions intégrées (par exemple des articulations), avec possibilité de personnalisation ; en revanche, les pièces ainsi fabriquées sont poreuses, avec un état de surface granuleux.
– L’impression 3D couleur (1997) utilise des poudres cellulose ou du plâtre. Le procédé consiste à agglomérer la poudre, étalée par couches successives sur un plateau, à l’aide d’un liant projeté par une tête d’impression à jet multiple ; une fois finie, la pièce doit être frittée ou traitée avec une résine qui lui donnera ses propriétés définitives… Cette technologie a l’avantage d’offrir un large choix de matériaux et couleurs.
– L’impression 3D par polymérisation de résines (2000) est à base de résines époxy, acrylate et élastomères photosensibles. La résine liquide est déposée de manière sélective au moyen d’une tête d’impression ; on procède par couches successives, qui sont polymérisées par un flash UV durcissant le matériau. Cette technologie permet une impression bi-matériau, et associe facilité d’emploi et rapidité de fabrication ; l’inconvénient, néanmoins, est la sensibilité des matériaux à la chaleur et à la lumière.
– L’impression 3D métal (2001) utilise de l’acier inoxydable ou du bronze : la pièce est obtenue par projection d’un liant liquide sur de la poudre métallique, qui est chauffée à l’aide d’une lampe pour le durcir. Utilisé surtout pour l’outillage ou des empreintes de moules, ce procédé est plus rapide que les autres technologies de fabrication additive métallique, mais son inconvénient est de produire des objets à 40 % poreux.
– La fusion laser (2004) emploie des métaux (alliages d’acier, de titane, d’aluminium…). Ce procédé consiste à chauffer les grains de poudre métallique avec un rayon laser ou un faisceau d’électrons, jusqu’à leur température de fusion ; la densité des pièces obtenues est équivalente à 99 % de celle du métal correspondant… Cette technologie permet la fabrication de pièces avec fonction intégrées, mais exigeant un post traitement de finition.
– Enfin, le système CLAD (Construction Laser Additive Directe, 2008) est un procédé de fabrication directe par dépôt fusion de poudre métallique et sans support. Expérimenté dans le cadre des Aides à Projet du Via, il a permis de définir la structure triangulée d’un tabouret puis de fabriquer l’objet en respectant les contraintes du CLAD, à savoir les limites d’inclinaison du procédé et l’emploi d’un minimum de matériau.
Malgré toutes ces prouesses techniques, l’impression 3D n’en est certainement qu’à sa préhistoire, et laisse entrevoir à l’horizon une révolution dans la manière de produire. Ceci en gardant bien à l’esprit que cette nouvelle technologie pourrait susciter une problématique majeure, telle que celle qu’à connue la musique en ligne, et qui a d’ailleurs fait l’objet d’une médiatisation importante : dans la mesure où les modèles des produits destinés à être imprimés en 3D, élaborés par des créateurs et mis en ligne sur le Web, sont accessibles librement au plus grand nombre, comment se gèreront les droits de ces créateurs ? Une question qui devrait bientôt être soulevée… En tous les cas, pour les acteurs de l’aménagement des espaces de vie, il n’est pas trop tôt pour s’intéresser à l’impression 3D, et réfléchir dès aujourd’hui à la valeur ajoutée qu’elle pourrait apporter à leurs produits.