La journée annuelle IPEA Perspectives Meuble & Maison 2016 a permis à la fois d’annoncer une progression d’ « au moins » 2 % pour le meuble sur les 12
derniers mois, mais aussi d’apporter une réflexion sur ce qui sera un enjeu important, cette année, pour le secteur : jouer sur les bonnes motivations d’achat afin d’inciter les classes moyennes à passer à l’acte.
Un évènement toujours particulièrement intéressant que cette journée annuelle organisée par l’IPEA : se déroulant à ma mi-décembre, elle livre non seulement un avant-goût du bilan de l’année achevée en ce qui concerne le marché du meuble, mais aussi les perspectives pour les douze mois à venir… Une ouverture qui ne se limite pas seulement à notre secteur, puisque systématiquement, des intervenants extérieurs renommés offrent aux participants des réflexions plus appuyées sur des faits de société, ou macroéconomiques : cette année, Franck Lehuédé (CREDOC) et Jean-Michel Boussemart (Rexecode) ont complété les exposés de Stéphane Larue et Christophe Gazel (IPEA).
Un marché du meuble « dynamique »
Le directeur des études IPEA, Stéphane Larue, a donc été en charge d’introduire les travaux en donnant une prévision du bilan 2015 pour le marché du meuble, à partir de la tendance observée sur les 10 premiers mois de l’année (les données globales de l’année passée seront livrées début février au cours de la traditionnelle conférence de presse IPEA / UNIFA / FNAEM).

Comme les résultats du premier semestre l’avaient laissé supposer, 2015 devrait s’inscrire dans le vert, avec une croissance d’ « au moins » 2 % ; un résultat à ajuster car il n’inclut donc pas les mois de novembre et décembre, généralement mitigés pour le meuble et qui, cette année, ont par ailleurs été entachés par les attentats… Un taux d’épargne des ménages et des mises en chantier stabilisés, une bonne place du meuble dans les dépenses des Français en matière de logement ainsi qu’une envie, pour ces derniers, de se faire plaisir, auront contribué à cette inversion de tendance. Concernant les familles de produits, selon Stéphane Larue, la cuisine devrait « redevenir le moteur du marché », avec une progression entre 3 et 5 % en cumul sur l’ensemble de l’année ; la literie, dont la croissance est régulière depuis une dizaine d’années, afficherait également un résultat de cet ordre. Les sièges rembourrés – surtout les canapés et fauteuils – augmenteraient eux aussi, entre 1 et 3 %. En revanche, les résultats seront, a priori, plus mitigés pour le meublant, avec une évolution qui devrait se situer entre – 1 et + 1 %. Enfin, le meuble de salle de bains sera franchement en retrait, avec un résultat de – 3 à – 5 %.
Sur 2015, quels circuits auront tiré leur épingle du jeu ? Comme en 2014, les spécialistes cuisine, réalisant « un vrai travail de proximité », seront l’un des seuls à observer une croissance marquée (de + 3 à + 6 %). Mêmes conditions pour les spécialistes literie avec, toutefois, une différence entre les grandes enseignes nationales et les indépendants : les premières s’en sortent mieux. « Avec de tels résultats, les cuisinistes et litiers prouvent qu’il n’y a aucune fatalité, a tenu à souligner le DG de l’IPEA, Christophe Gazel. Ils vont chercher le consommateur, et pas uniquement avec de la promotion ; ils se sont créé leurs marchés respectifs, parvenant ainsi, dans le cas de la cuisine, à limiter leur dépendance à la construction ». Bel exercice aussi pour la grande distribution ameublement, qui devrait dégager une progression de 2 à 3 %. Enfin, la distribution ameublement milieu / haut de gamme pourrait, après des années de recul, connaître une certaine stabilité, voire une légère hausse, grâce à une stratégie mettant le client au cœur.
Amélioration du niveau de vie et perspectives
Franck Lehuédé, chef de projet senior au sein du pôle consommation du CREDOC, a ensuite passé au crible le comportement d’achat des classes moyennes françaises concernant l’aménagement de la maison, et ses probables évolutions.

Nous savons que depuis 2008, l’évolution du pouvoir d’achat – toutes catégories de population confondues – connaît un net ralentissement : les dépenses de consommation des ménages français ont connu 6 années de baisse. Dans ce contexte général, les dépenses par ménage en ameublement / décoration ont été durement impactées avec, chaque année, des replis compris entre – 3,7 % et – 4,9 %, excepté en 2010 et 2011, où ces évolutions ont été respectivement de + 1,3 % et 0 %.
Une fois ce panorama posé, il est intéressant de se focaliser sur les classes moyennes (inférieures et supérieures) qui représentent la moitié de la population française, autrement dit les ménages « dont le revenu brut disponible n’appartient ni aux 30 % les plus modestes, ni aux 20 % les plus aisés ». Cette catégorie affiche un niveau de vie stable ou en très faible croissance depuis 2008. Les tensions existant sur le pouvoir d’achat sont donc fortement perçues, en particulier chez les classes moyennes inférieures : 2/3 des ménages de cette catégorie estiment régulièrement s’imposer des restrictions, comme la moitié des classes moyennes supérieures… Ainsi, les écarts se creusent, au fil des années, entre classes moyennes et classes aisées, et ce fait se vérifie, notamment, au niveau du montant des dépenses en meubles et articles de décoration : en 2011, les classes aisées dépensaient 1,6 fois plus que les classes moyennes supérieures pour ce type de produits, qui elles-mêmes y consacraient un budget 1,6 fois plus élevé que les classes moyennes inférieures. Sur l’ensemble de la population française, la part d’acheteurs de meubles et déco d’occasion est importante ; les pratiques collaboratives sont également très présentes chez les classes moyennes.

Pour les mois à venir, il est à noter qu’avec la très faible inflation de ces deux dernières années, les classes moyennes perçoivent une amélioration de leur niveau de vie… mais leurs arbitrages sont favorables aux loisirs, aux vacances et à l’épargne : seul 1/5 des ménages de cette catégorie envisagent des achats conséquents (automobile, téléviseur, etc.) dans les 6 prochains mois. En revanche, les classes moyennes supérieures font partie, avec les ménages aisés, des catégories les plus susceptibles de réaliser des achats d’impulsion. Enfin, si l’on évoque les motivations d’achat, l’ensemble des classes moyennes est particulièrement représentatif de la population française puisque la sécurité, le prix et l’origine sont leurs critères principaux.
« Gagner 1 M€ d’ici 2020 »
Avec ce contexte en toile de fond, quels enjeux et perspectives pour le meuble ? « Le marché sera ce que ses acteurs en feront, estime Christophe Gazel, mais il est possible de gagner un milliard d’euros d’ici 2020 ! » Intentions d’achat 2016 franchement meilleures pour le meublant, la literie et la salle de bains, légèrement plus basses pour les sièges et la cuisine, reprise de + 5,5 % pour le logement neuf (en volume) selon la FFB… Plusieurs facteurs laissent entrevoir une note d’optimisme. Parallèlement, de grands enjeux s’imposent aux acteurs du meuble : redonner sa vraie valeur eu produit pour rassurer un consommateur perdu à cause des prix, améliorer le taux de transformation, jouer sur l’ambiance des points de vente, fidéliser le client, améliorer le taux de renouvellement des meubles (en facilitant le recyclage des anciennes pièces, comme le fait Eco-Mobilier, et en donnant envie d’en acheter de nouvelles, au moyen de campagnes de communication à l’image de la Meublothérapie ou de celle menée par la CSA Ile-de-France). Les réalités du marché sont là – le circuit de distribution d’ameublement milieu / haut de gamme peine parfois à mettre en avant son offre auprès du consommateur car doit faire face à une destruction de mètres carrés, tandis que les GSB, par exemple, qui ont pour ambition de prendre des parts sur l’aménagement de la maison, « arrivent à toute vitesse sur le meublant » – mais il appartient à chacun de mettre en avant son expertise, et de trouver des voies de croissance… qui, parfois, pourraient être plus à portée qu’on ne le pense : « Il est très étonnant, par exemple, que la plupart des distributeurs délaissent la chambre de bébé et d’adolescent, alors que le taux de natalité est particulièrement élevé en France ! » fait remarquer le DG de l’IPEA.
Cette journée s’est conclue avec l’exposé de l’économiste Jean-Michel Boussemart, qui a livré à l’assemblée un tableau des perspectives macroéconomiques pour la France et l’international.