A l’heure du cocooning et des logements de plus en plus exigus, notamment en centre-ville, la problématique du rangement devient de plus en prégnante pour les ménages français. Des solutions existent pourtant, dans les rangements « intelligents », c’est que montre l’étude commandée par l’ameublement français à l’institut Sociovision et dévoilée le récemment, tout en dévoilant un important marché potentiel.
L’étude commandée par l’Ameublement français à l’institut Sociovision (1) sur le thème du rangement, qui a été divulguée le 21 novembre, semble mettre à jour un paradoxe : d’une part les Français ont de plus en plus besoin de ranger, et d’autre part la famille de meubles qui souffre le plus, qui accuse la baisse la plus importante de ses ventes, est le meuble « meublant » – buffets, meubles d’entrée, bibliothèques, armoires… – c’est-à-dire celui sert principalement à ranger… Il faut toutefois mettre à part le meuble de cuisine, un marché qui reste dynamique, en partie sans doute parce que les fabricants et leurs fournisseurs apportent des réponses aux problématiques de rangement. Quoi qu’il en soit, le premier enseignement de l’étude est de mettre en évidence que « le rangement est un problème » pour les Français. Il est un fait qu’ils ont tendance à passer de plus en plus de temps chez eux – le fameux cocooning : on sort moins, en raison des difficultés économiques, en raison d’un sentiment diffus d’insécurité né des attentats de 2015, et du fait que le « monde vient à nous » grâce à Internet. 74 % d’entre eux déclarent qu’ils préfèrent passer du temps chez eux que de sortir. En conséquence, des enjeux nouveaux se cristallisent sur le foyer, on y fait de plus en plus de choses… et on entasse !

Table ronde, de gauche à droite : Jean-Claude Kaufman (sociologue), Christilla Pelle-Douel, experte en bien-être et mode de vie, Jean-Marc Barbier (FCBA), Elodie Boulard (coach en rangement) et Remy Oudghiri (directeur général de Sociovision).
Conséquence de ce surinvestissement du logement ? C’est l’accumulation : 57 % des français interrogés déclarent avoir tendance « à tout garder, à accumuler beaucoup de choses », ils manquent de place pour 49 % d’entre eux, et ils se sentent de plus en plus à l’étroit pour 31 %. Ils sont même 69 % à avoir envie de « désencombrer leur maison, leur appartement, de faire de l’espace », et 38 % reconnaissent avoir trop de choses chez eux, et que « cela leur pèse ».
Étant donné la densification des centres-villes, la hausse du coût de l’immobilier, et la quasi-stagnation du niveau de vie, on peut raisonnablement penser que cette tendance à la raréfaction de l’espace va s’installer de façon durable, et même modifier l’organisation de l’habitat. Comme le disait de façon prémonitoire une célèbre campagne d’un constructeur automobile, « Le vrai luxe, c’est l’Espace ». C’est là tout l’enjeux du rangement : quand on ne peut pas pousser les murs, on peut en revanche optimiser l’espace disponible pour ranger de la manière la plus rationnelle possible.
Le rangement, un facteur de bien-être
C’est peut-être l’aspect le plus inattendu de l’étude : la moitié des Français s’épanouissent en rangeant, et le fait que leur habitat soit bien rangé est une source de soulagement et de satisfaction. Ils sont en effet 46 % à dire qu’ils « ont besoin que leur logement soit bien rangé pour se sentir bien », et 45 % à juger un logement bien rangé « préférable, même si ce n’est pas essentiel pour eux », ce qui donne 91 % des personnes interrogées pour qui ranger contribue à leur bien-être. 87 % des Français déclarent « se sentir beaucoup mieux après avoir rangé », 48 % disent que « c’est plus beau après avoir rangé », 43 % considèrent « qu’ils ont gagné de la place », tandis que 33 % se sentent « propres ». 30 % des sondés voient dans le rangement un bénéfice psychologique – « Ça met de l’ordre dans leur vie » – ce qui amène les auteurs de l’étude à avancer l’hypothèse que « un logement bien rangé est le reflet d’un esprit bien rangé », en ajoutant que les hommes sont plus tolérants au désordre (46 %) que les femmes (35 %). Quand range-t-on, à quel rythme et pourquoi ? L’étude montre que 54 % des Français font du rangement au moins une fois par semaine, tandis que 22 % font du tri au moins une fois par semaine, majoritairement quand ils reçoivent des invités (40 %), et quand ils se sentent envahis par les objets (35 %). Quelle définition ont-ils du tri ? Trier c’est mettre les choses à leur place (pour 68 % d’entre eux), nettoyer (pour 64 %), trier pour jeter, vendre ou donner (pour 53 %), faire de la place (pour 46 %), ou encore définir un classement, organiser (pour 40 %).
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Attention cependant, le fait de ranger – et son corollaire trier – n’est pas une opération si simple pour les Français : 41 % d’entre eux déclarent que trier pour jeter, vendre ou donner est la première action parmi celles qu’ils ont tendance à remettre au lendemain, parce qu’ils « ont du mal à s’y mettre ». Le fait de nettoyer (27 %) de faire de la place (23 %), et de définir un classement, organiser arrivent en suivant. En fait, les personnes interrogées se trouvent souvent en position de « blocage » vis-à-vis du rangement, bien que ce ne soit pas l’envie qui leur manque. « Plus on a une grande maison, et plus on garde de choses, ce qui est une erreur, car il y a plein de choses qui ne serviront pas et qui ne serviront jamais », déclare un retraité. « Dans les espaces tels que le grenier ou le cabanon, on entasse, et il y a des choses qui sont au fond. Pour accéder aux choses qui sont au fond, il faut vider tout le grenier, donc on ne fait pas », ajoute un quadra. « Je suis surtout gênée par le manque d’espace, j’ai envie de tourner les meubles, ce que je ne peux pas faire car ils sont encastrés dans le mur », témoigne une mère de famille cinquantenaire.
Une grande absente : l’ergonomie
Dans ses conclusions, l’étude indique que 25 % des Français sont prêts à revoir leur façon de ranger chez eux – et même 33 % en Ile-de-France – tandis que 50 % l’ont déjà fait (57 % des cadres, et même 59 % des 25-34 ans). Il s’agit d’une tendance de fond, qui se traduit notamment par la présence de ce thème sur les réseaux sociaux, dans les programmes audiovisuels et même dans des livres à succès sur le sujet. Autre élément allant dans le même sens, le développement du coaching dans le domaine du rangement, en faisant appel à des conseillers en organisation, pour lequel 8 % des sondés ont déjà franchi le pas, et 12 % se déclarent intéressés, donc un marché potentiel de 20 % des Français, notamment les hommes, les jeunes et les familles nombreuses.
Autre perspective intéressante, notamment pour les fabricants, 27 % des personnes interrogées envisagent d’acheter des rangements supplémentaires, et 32 % de rénover ou aménager leur logement ou une pièce de leur logement. On reste perplexe néanmoins, quand les sondés indiquent les caractéristiques qu’ils souhaitent pour des meubles de rangement qui les aident à mieux ranger : ils citent en premier des « matériaux naturels » (34 %), éco-conçus (21 %), puis des câblages et branchements intégrés (24 %), de la sécurité pour les enfants (16 %), des meubles connectés (10 %)… Ils évoquent aussi l’importance des services, comme la livraison à domicile (36 %), la disponibilité rapide (35 %), la fabrication en France (34 %), qui sont toutes des caractéristiques intéressantes, mais dont on voit mal comment elles peuvent les aider à mieux ranger ! Seul l’éclairage intégré, cité par 27 % d’entre eux, peut apporter un « plus » à l’action de ranger. Voilà pourquoi la grande absente de cette étude est peut-être l’ergonomie, c’est-à-dire l’adaptation du meuble à la fonction recherchée, en y intégrant des mouvements qui aident à optimiser l’espace disponible. A titre d’exemple, le consommateur final ne semble pas savoir qu’il vaut mieux mettre des tiroirs dans les meubles bas, car en s’ouvrant ils rendent accessibles le fond du meuble, qu’il existe des systèmes de portes relevantes pour accéder au contenu des rangements hauts, et exploiter les espaces situés sous le plafond, à condition de pouvoir être surélevé pour les atteindre, ou que les portes coulissantes ou escamotables ne consomment pas d’espace en position ouverte. Il existe aussi des systèmes articulés qui amènent à hauteur d’homme le contenu des meubles hauts, pouvant être simplement mécaniques ou motorisés, pour les personnes qui n’ont pas toute leur autonomie de mouvement. En résumé, il existe de nombreux concepts innovants, émanant le plus souvent des fournisseurs de ferrures pour le meuble et l’agencement et déjà présentes dans la cuisine, voire dans le dressing, qui apporteraient autant de solutions pour le reste de l’habitat. De plus en plus de fabricants – y compris de nouveaux concepts proposés en e-commerce – proposent aussi du modulaire voir du sur mesure pour faire la chasse au moindre espace disponible perdu. Voilà un territoire où notamment les vendeurs en magasin ont un rôle essentiel à jouer pour sensibiliser le consommateur final et lui redonner l’envie de renouveler son mobilier de rangement.
(1)La méthodologie de cette étude se base sur 6 entretiens ethnographiques réalisés auprès de foyers français ayant des profils différents, 7 interviews d’experts, et le sondage d’un échantillon de 1514 individus représentatif de la population française âgée de 18 à 70 ans.
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Les objets les plus difficiles à ranger
Pour les personnes interrogées, les premiers objets pour les lesquels ils n’ont pas de solution de rangement sont les ustensiles de cuisine (pour 35 % d’entre eux). La batterie de cuisine est concernée, mais aussi le petit-électroménager (33 %), des objets volumineux, qu’on n’utilise pas tous les jours, qui ont du mal à trouver leur place, comme le montre l’exemple d’un particulier qui range son four à raclette… dans la partie basse de son meuble de salle de bains ! En première position ex-aequo : les chaussures (pour 35 % des sondés). Il y a souvent chez eux un placard à chaussures, mais sous-dimensionné et vite plein, dont le contenu bouge d’autant plus qu’on change de chaussures, ce qui fait que le plus souvent on les laisse traîner au pied de l’escalier, devant le placard voire au milieu de la pièce… Troisièmement, les objets des enfants, surtout les cartables qu’ils posent par terre en rentrant de l’école, qui font désordre et gênent le passage, et plus encore les jouets qui s’accumulent sur le sol s’ils ne sont pas rangés tous les jours. Les sondés citent aussi les vêtements, problématiques pour 30 % d’entre eux, et les produits d’hygiène et de soin et le linge de maison (à égalité à 28 %).