Dans son panorama des tendances de consommation en Europe, l’Observatoire Cetelem 2016 souligne notamment une amélioration du moral des ménages et des intensions de consommation et d’épargne en nette hausse.
Cette nouvelle mouture fait un gros plan sur les seniors, une génération aux revenus supérieurs à la moyenne, au comportement solidaire, et aux modes d’achat qui continuent de privilégier le magasin par rapport à Internet, considéré d’abord comme une source d’information.

En ouverture de la présentation de la nouvelle mouture de l’Observatoire Cetelem 2016, le 2 février dernier, le directeur général de BNP Paribas Personal Finance – la maison mère de Cetelem – Laurent David a dressé le portrait d’un marché européen qui ne va ni bien ni mal, qu’il a qualifié de « à géométrie variable » : « La consommation a fortement baissé en Europe du Sud, mais elle repart, l’Europe du Nord a mieux traversé les années de crise, et connaît une évolution favorable du pouvoir d’achat, tandis que l’Europe de l’Est a des difficultés, mais présente un important potentiel de développement. Enfin, l’Europe du centre, dans laquelle se trouve la France, connaît un regain de confiance mais une reprise de la consommation qui reste faible. » Evoquant la situation du crédit en France, le dirigeant a déclaré que le recours au crédit rebondit, puisque le taux de ménages ayant un crédit en cours, qui a longtemps été autour de 33 %, était descendu à 25 % en 2014, et amorce une reprise timide en remontant à 26 % en 2015. Attention toutefois, les nouveaux crédit sont souvent des crédits recyclés en vue de profiter des taux en baisse, et sont donc peu créateurs de valeur, ce qui ne doit, selon lui, pas empêcher d’avoir un optimisme mesuré pour 2016.
Une embellie économique qui se poursuit
Prenant la parole à son tour, le responsable de l’Observatoire Cetelem Flavien Neuvy est entré plus avant dans l’analyse en décrivant un contexte économique européen – dans les 13 pays pris en compte par l’organisme – qui continue à s’améliorer (1). Il a tout d’abord pointé des écarts qui se resserrent dans la croissance des PIB : s’ils sont encore conséquents – avec par exemple + 0,9 % seulement pour l’Italie et jusqu’à 4,3 % pour la République Tchèque en 2015 – l’Observatoire prévoit, avec son partenaire la société d‘études et de conseil PIBE, un resserrement des taux de croissance pour tous les pays entre 1,4 % et 3,5 % en 2017. Avec + 1 ,1 %, la France enregistre en 2015 un taux conforme aux prévisions (1,4 % sont prévus en 2016, et 1,7 % en 2017), mais reste plombée par un chômage à 10,4 % en 2015, à peine plus bas que la moyenne de la zone euro (11 %), qui devrait se maintenir à 10,4 % en 2016, et légèrement régresser en 2017 à 10,2 % (contre 10,6 % en 2016 et 10,3 % en 2017 pour la zone euro). Outre les prévisions de croissance, l’embellie se manifeste également dans la perception des personnes interrogées sur la situation générale de leur pays. La moyenne de la note attribuée sur 10 passe de 4,6 en 2015 à 4,7 en 2016, avec une amélioration notoire pour la France, dont la note passe de 4 à 4,4, tandis que la note donné par les Anglais se maintient à 5,4 et que celle les Allemands est en baisse (de 6,4 à 5,7). La situation personnelle des personnes interrogées est elle aussi en légère amélioration – la note moyenne passe de 5,5 à 5,6 – même si les Français expriment une vision contraire en abaissant leur note de 5,6 à 5,5.
Pouvoir d’achat : un ressenti stable voire négatif
Entre 2015 et 2016, les consommateurs européens estiment que leur pouvoir d’achat est resté stable pour 47 % d’entre eux, qu’il a baissé pour 37 % et qu’il a augmenté pour 16 % d’entre eux. Dans cet ensemble, les Français se distinguent par un ressenti très négatif, puisqu’ils estiment à 58 % que leur pouvoir d’achat a baissé, ce qui les place en tête des mécontents européens, seulement talonnés par les Portugais (57 %). « Il s’agit d’une expression paradoxale, puisque l’INSEE établit un pouvoir d’achat en légère hausse pour 2015, commente Flavien Neuvy. Ce ressenti pourrait être lié à l’augmentation des dépenses mensuelles contraintes – abonnements audiovisuels, téléphonie, mensualisation des impôts, mutuelles… – qui réduit mécaniquement le revenu disponible. » Autre enseignement de l’Observatoire, les intentions d’achat et d’épargne sont en hausse pour les 12 prochains mois : 42 % des consommateurs européens entendent accroître leur épargne, un chiffre en hausse de 7 % par rapport à 2015 (28 % des Français, + 3 %), mais ils sont aussi 40 % à vouloir accroître leurs dépenses, une hausse de 5 % par rapport à 2015, même si les Français ne sont que 28 % dans ce cas (- 2 %). Il est à noter que les Français ont consommé un peu plus en 2015 par rapport en 2014, en raison surtout des marges dégagées par la baisse du carburant, mais ils ont aussi épargné nettement plus, ce qui montre que la confiance n’est pas encore revenue. Enfin, en ce qui concerne les intentions d’achat par produit, les voyages et loisirs se maintiennent en tête (en baisse de 53 % en 2015 à 47 % en 2016 en France), suivis des produits électroménagers (en hausse de 24 à 29 %), puis des meubles (en hausse de 23 à 26 %), ces deux derniers indicateurs montrant un intérêt croissant pour les dépenses liées à l’habitat.
Seniors : une génération solidaire
Après avoir décrit le contexte européen général, l’Obervatoire 2016 fait un gros plan sur le senior, en s’intéressant aux 50 – 75 ans. Une population déjà conséquente : dans les 13 pays étudiés, les tranches d’âge 50-59 ans et 60-74 ans représentent respectivement 59 millions de personnes (13,8 %), et 67 millions de personnes (15,7 %). Mais leur poids démographique va s’alourdir : de 38,5 % aujourd’hui, les plus de 50 ans passeront à 44,1 % de la population en 2030, et 45,9 % en 2050 (source Eurostat). L’une des caractéristiques majeures de cette génération est de cohabiter avec celle qui suit (les enfants), et avec celle qui précède (les parents). En effet, 79 % d’entre eux ont au moins un enfant, qui vit encore au foyer dans 32 % des cas. D’autre part, 46 % de ces seniors ont encore au moins un parent vivant, vivant au foyer dans 5 % des cas. Cette cohabitation générationnelle est cependant très inégale en fonction des pays européens, du Sud au Nord. Par exemple, les Espagnols sont les champions de la cohabitation, avec au moins un enfant au foyer pour 57 % d’entre eux et un parent au foyer pour 7 % d’entre eux. A l’autre extrémité, seulement 12 % des seniors danois ont un enfant au foyer et seulement 2 % ont un parent à domicile.
Autre trait saillant, les seniors sont une génération inquiète : par exemple, l’avenir professionnel et personnel des enfants inquiète beaucoup ou assez 64 % des personnes interrogées. Mais c’est aussi une génération solidaire, car ils déclarent aider financièrement leurs enfants, habitant ou non au foyer, pour leurs dépenses courantes (63 %), l’achat de leurs biens d’équipement (56 %), leur épargne (52 %), ou leur logement (38 %), ce qui donne au final 78 % de seniors qui participent à au moins un de ces postes. De même, ils soutiennent dans une moindre mesure leurs parents, pour les dépenses courantes (33 %), l’achat de leurs biens d’équipement (24 %), leur logement (14 %) ou leur épargne (13 %), 39 % participant à au moins un de ces postes. « Les 50 – 75 ans ont des revenus supérieurs de 17 % au reste de la population, mais l’étude montre que ces revenus sont largement utilisés de façon solidaire », commente Flavien Neuvy. Enfin, la santé est au cœur de leurs préoccupations, considérée comme la première condition pour bien vieillir à 70 % pour les Hongrois (le pourcentage le plus faible) jusqu’à 94 % pour les Belges (le plus élevé).
Un attachement aux achats « classiques »
Le dernier grand volet de l’Observatoire, consacré aux modes de consommation des seniors, nous apprend qu’ils sont très connectés, puisqu’ils passent 13 h 15 par semaine sur Internet – soit 2 heures par jour – ce qui est plus que les moins de 35 ans (12 h 15). Ils regardent aussi plus la télévision (13 h 45 par semaine contre 9 h 15). Ils sont en revanche plus réticents vis à-vis de la consommation collaborative : 61 % en moyenne, dans les 13 pays, en ont une bonne opinion (76 % en France), contre 73 % du reste de la population (84 % en France). Ils sont par exemple en retrait sur le covoiturage (8 % des seniors l’utilisent, contre 15 % pour les non seniors), sur le partage d’appartements (3 % des seniors l’utilisent, contre 9 % pour les non seniors), et sur le partage de services entre particuliers (4 % des seniors l’utilisent, contre 10 % pour les non seniors). Cette génération se montre ainsi plus attachée à la notion de propriété qu’à celle de mutualisation.
En ce qui concerne leurs achats, les seniors plébiscitent Internet pour les loisirs (livres, disques, spectacles… 41 % de leurs achats) mais pour les autres produits, ce sont les magasins qui recueillent leurs suffrages. Pour ce qui est des meubles, ils achètent le plus souvent en grande surface spécialisée (53 %), en magasins de centre-ville (26 %), et dans les centres commerciaux (16 %). S’ils préfèrent le magasin à l’achat sur Internet, les seniors le justifient en premier lieu par le souhait de voir et de toucher le produit avant l’achat (65 %), et en second lieu par le plaisir de sortir et d’aller dans les magasins (41 %). Sur le même thème, il est à noter qu’ils sont 26 % à ne pas avoir confiance dans les moyens de paiement en ligne, et qu’ils sont 20 % à avoir besoin d’être conseillés par un vendeurs, deux items qui plaident fortement en faveur du magasin. Internet affirme en revanche toute sa légitimité dans la recherche d’informations. Dans les 13 pays confondus, les seniors sont 53 % à regarder les commentaires laissés sur Internet (49 % en France), 61 % à utiliser des comparateurs de prix (50 % en France), et 74 % à rechercher des informations sur les sites spécialisés ou les médias (69 % en France). Quand on les interroge sur leurs critères d’achat privilégiés, les seniors mettent en avant le prix et la qualité (respectivement pour 82 % et 71 %, 5 points devant les non seniors), et montrent une sensibilité nettement supérieure à l’environnement, cité par 31 % d’entre eux, contre 21 % des non seniors (10 points devant). Ils sont en revanche beaucoup moins sensibles à l’apparence des produits (- 8 points), et aux avis des autres consommateurs (- 10 %). Pour conclure ce tableau d’une génération clé de consommateurs, l’Observatoire met en évidence leur moindre réceptivité à la publicité (43 % y prêtent attention, contre 56 % pour les non seniors), mais leur plus grande sensibilité aux publicités qui véhiculent des émotions.
[F.S.]
(1) L’enquête a été réalisée via Internet en novembre 2015 par TNS-Sofres sur un échantillon représentatif de la population, et selon la méthode des quotas. 10600 interviews ont été réalisés, soit 800 par pays (1000 pour la France), dans 13 pays européens, Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Roumanie.