Confinement oblige, le French Design by Via a mis en place un cycle de webinaires pour continuer de donner du grain à moudre, à distance, à toute la communauté des acteurs du design, fabricants, éditeurs, designers, développeurs marketing et communication… Le 22 avril dernier, des experts du développement par le numérique ont pris la parole, pour exposer leur méthodologie et l’utilisation qu’ils préconisent des outils numériques, pour notamment augmenter le trafic et le taux de conversion de son site internet. Par où commencer, qu’est-ce que l’UX design, pourquoi utiliser Google Alerts et Google Analytics, font partie des questions soulevées, pour éclairer le chemin dans le labyrinthe du net.
La période de confinement que nous venons de traverser fera sans doute un grand gagnant : le e-commerce. La fermeture des magasins a en effet favorisé un transfert massif des achats vers le web, comme le montre l’explosion de l’activité dont ont bénéficié certains leaders du secteur. La presse s’est fait l’écho d’un enrichissement personnel de Jeff Bezos, le propriétaire d’Amazon, de 24 milliards de dollars pendant la crise, tandis qu’en France, l’e-commerce alimentaire a augmenté de 50 % au mois de mars, et 68 % des boomers déclarent avoir passé leur première commande en ligne au moment de la crise (1). Même si les ventes vont se rééquilibrer en faveur des magasins depuis leur réouverture, on peut penser que certaines habitudes d’achat ont été prises pendant le confinement qui vont perdurer bien au-delà. Dans ce contexte, le webinaire organisé par le French Design by Via le 22 avril dernier, sur le thème « Développer son activité par le digital » gagne une acuité particulière : en donnant la parole à deux experts qui accompagnent les entreprises dans leur développement digital de leur marque, ce webinaire apporte aux fabricants, éditeurs, distributeurs, mais aussi à toute la communauté du design un cadre pour progresser, quel que soit le degré d’avancement de leur présence sur le web.
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Toutes les fonctions impactées
Président de l’agence Else & Bang, Hervé Kabla est intervenu sur le thème « La stratégie digitale au service de l’activité commerciale. » Tout est affaire de définition : en quoi consiste la stratégie digitale ? « Tirer parti des avantages que présentent la mise en œuvre des technologies numériques. » Pour l’intervenant, le digital est aujourd’hui omniprésent : dans le sport avec les montres connectées qui enregistrent les performances des coureurs, dans la culture puisque le streaming de musique a « tué » le compact disque, faisant vaciller tout un secteur économique, dans la gastronomie, puisqu’on peut se faire livrer des plats à domicile, qu’on ne pouvait déguster qu’au restaurant, dans l’éducation avec les cours interactifs à distance, qui suppriment le face à face avec l’enseignent, la salle de classe…
Dans l’entreprise, toutes les fonctions sont impactées par le numérique, comme le montre le « roadmap » – feuille de route – en quatre piliers qui a été établi par Microsoft à l’attention de celles qui font leurs premiers pas dans le monde numérique. Le premier pilier, le produit, est aujourd’hui conçu en recherche et développement, par des outils numériques, qui ont remplacé la planche à dessin. Les process de fabrication, la gestion de projet – deuxième pilier – sont aussi devenu largement numérisés, et le sont même de plus en plus. Troisièmement, les équipes de l’entreprise utilisent aussi des outils numériques, en communicant par mail, et depuis la crise du Covid-19, en utilisant les outils de visioconférence. Enfin, et c’est le quatrième pilier, toute la relation client s’opère avec des outils numériques dédiés, par lesquels le client final peut interagir avec la marque, à laquelle on peut rajouter les fonctions support comme les ressources humaines, le recrutement, la facturation, qui se font aussi désormais en ligne. Pour commencer, , le consultant suggère de commencer par interroger ses clients, pour orienter sa démarche : quelles sont leurs attentes relatives à la digitalisation de votre offre, de vos produits et services ? Des outils – digitaux, bien entendu – existent pour cela, comme Survey Monkey, mais aussi les réseaux sociaux, les blogs… On peut aussi effectuer une veille concurrentielle, pour s’inspirer de ce que font ses concurrents, en utilisant Google Alerts, un outil gratuit qui récapitule toutes les recherches effectuées sur un sujet ou une marque.

Une boîte à outils du numérique
Deuxième temps fort de son intervention, Hervé Kabla a passé en revue un ensemble d’outils et ressources qui permettent d’avancer dans sa stratégie numérique.
-L’outil CRM (Custommer Relashionship Management) est absolument indispensable et se situe au cœur du dispositif numérique. Il doit être mis à jour régulièrement, et connecté aux autres outils – facturation, SAV… – et a pour fonction de suivre ses clients, pour pouvoir leur faire des propositions pertinentes en fonction de leur comportement.
-Le site web est tout aussi indispensable, pour lequel il faut se poser la question du « user expérience » (UX design), c’est-à-dire de l’optimisation du parcours pour l’internaute, auquel il faut offrir la meilleure satisfaction possible en le moins de clics possibles (ce thème est développé plus loin par l’intervenant suivant).
-Les réseaux sociaux, qui sont la grande révolution de ces 15 dernières années, mais sont souvent mal utilisés et mal compris. Les entreprises ont longtemps communiqué de façon verticale vers leurs clients, tandis que l’information est aujourd’hui partagée de façon horizontale par l’ensemble des internautes, qui peuvent du coup remonter au vu et au su de tous les éventuels problèmes rencontrés avec une marque. « Devenir une marque aimée est un travail en profondeur et sur le long terme », ajoute-t-il.
-Les newsletters, qui sont un bon outil, à condition de ne pas être invasives et de ne pas être perçues comme indésirables. La règle à respecter est d’envoyer le message au bon moment, avec le bon contenu, à ceux qui sont susceptibles de s’y intéresser. Il vaut donc mieux viser une audience qualifiée que de vouloir toucher tout le monde.
-Le support client, un outil très important, notamment pour pouvoir répondre, avec le bon ton et dans des délais très courts, aux critiques des internautes et pouvoir ainsi soigner sa e-réputation.
Enfin, le consultant a conclu sur le e-commerce, souvent perçu par les entreprises qui vendent des biens physiques comme un mal pour un bien, à savoir un concurrent de la vente physique, ce qui ne devrait pas être le cas. « La bonne formule à rechercher est celle où l’achat en boutique et l’achat en ligne participent de la même expérience. » Attention aussi aux places de marché sur les géants du e-commerce comme Amazon, qui gèrent les questions logistiques, mais en profitent pour récupérer toutes les données de votre activité et de vos clients, ce qui leur permet aussi de promouvoir, voire de lancer une offre concurrente à la vôtre.
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UX design : optimiser l’expérience utilisateur
Second intervenant expert du webinaire, Kim Levrel, l’un des fondateurs de Lune Bleue, une société coopérative d’intérêt collectif qui accompagne les entreprises dans la définition de leur stratégie numérique, a centré son intervention sur un thème actuellement très en vue : l’UX design, qui s’applique à l’expérience utilisateur du site internet marchand. Après l’ergonomie logicielle dans les années 1990, puis l’UI design ou design d’interface dans les années 2000, qui se consacraient à la présentation des informations sur la partie visible du site internet, voici venu le temps de l’UX designer, dont la tâche est d’optimiser le site internet ou l’application mobile, ou les deux, pour offrir la meilleure expérience utilisateur possible, pour favoriser l’achat en ligne. « L’UX design est un axe de développement, en particulier pour les entreprises qui constatent une baisse de fréquentation de leur site marchand, ou un taux de conversion insuffisant », déclare l’intervenant.
Contrairement aux générations précédentes de designers informatiques, l’UX designer ne se contente plus d’organiser les informations sur le site, mais effectue un travail en amont et en profondeur pour comprendre les attentes de l’utilisateur et ses comportements, en vue de construire le « produit numérique » – site internet, application mobile – le plus adapté au produit ou service à vendre. Il doit pour cela suivre un chemin méthodique, en répondant à plusieurs questions – à qui s’adresse-t-on, à quel besoin répond mon produit ou service… – et en structurant et hiérarchisant les informations pour aboutir à la structure du site et à l’organisation des interfaces entre les différentes fonctions de l’entreprise. C’est seulement après qu’il pourra passer à la dernière étape, le choix des codes couleurs, des images, de la typographie, à savoir l’habillage du produit numérique. L’UX designer aide l’entreprise à répondre à trois questions clés : l’utilité (est-ce que mon produit répond à un besoin ?) ; la technologie (les moyens techniques sont-ils disponibles pour proposer mon produit ou service ?) ; la désirabilité (qu’est-ce qui fait que l’utilisateur va désirer mon produit, et le mien plutôt qu’un autre ?). Enfin, il faut nécessairement passer par une phase de test, qui va permettre d’identifier les points bloquants pendant la navigation sur le site, et de valider son architecture.

Les outils de l’UX designer
Pour effectuer ce travail, l’UX designer a besoin d’un certain nombre d’outils – numériques bien entendu – pour faire évoluer le site internet, en tête desquels l’intervenant place Google Analytics (gratuit). « Cet outil est une base de travail indispensable, qui permet d’obtenir toutes sortes de données quantitatives sur la fréquentation du site, explique-t-il. On peut savoir combien de pages ont été vues, là où les visiteurs ont cliqué, combien de temps ils sont restés sur chaque page, le « taux de rebond », à savoir quel pourcentage sont repartis prématurément. On peut ainsi identifier les « zones chaudes du site » pour être guidés dans la transformation. » Pour faire évoluer le site, on peut aussi procéder par sondage, pour savoir ce que les utilisateurs en pensent, analyser les retours utilisateurs si le site possède cette fonction, et s’intéresser de près au taux de conversion, à savoir le pourcentage et le profil des visiteurs qui vont jusqu’à l’achat en ligne.
Enfin, il existe aussi de nombreux outils pour les collaborateurs de l’entreprise, pour travailler en ligne avec l’UX designer et recommandés par l’intervenant – pour le suivi et la gestion de projets Trello, Slack, pour l’idéation Miro et Klaxoon, pour le prototypage Balsamiq, pour le design d’interface Figma, pour l’animation d’interfaces Invision… – dans lesquels chaque entreprise doit trouver ceux qui lui conviennent, ainsi que des plateformes web CMS comme WordPress, dotés d’une bibliothèque d’outils, qui permettent de lancer un site internet en limitant le coût de développement. On peut à ce stade fixer comme objectif ultime le site marchand avec la possibilité d’achat en un seul clic, d’une redoutable efficacité, mais qui reste l’exclusivité d’Amazon, détenteur d’un brevet sur ce procédé. Quoi qu’il en soit, l’intervenant a conclu en indiquant que le design numérique se divise aujourd’hui en plusieurs métiers, qu’il est difficile de trouver toutes les compétences requises dans un seul intervenant, d’où l’intérêt de s’adresser à un studio spécialisé en UX design. Il est essentiel, en tout cas, de ne pas mettre la charrue avant les bœufs : le travail d’analyse de l’UX designer doit être fait avant celui de l’UI designer chargé de la réalisation des interfaces.
(1) Source : Échangeur BNP Paribas Personal Finance.
[François Salanne]
[Zoom]
Pinterest, comment ça marche ?
Les réseaux sociaux font partie de la panoplie d’une stratégie numérique de développement. Mais sait-on bien les utiliser ? Stéphanie Caumont, créatrice du blog de déco Dkomag, a clôturé le webinaire en donnant des clés d’utilisation de Pinterest, l’un des réseaux sociaux montant, qui revendique 50 % de visiteurs hors USA, 80 % de visiteurs via leur mobile, et 300 millions d’utilisateurs par mois dans le monde, dont 13 millions en France (source Médiamétrie). « Pinterest fonctionne un peu comme un moteur de recherche, explique l’intervenante. Les contenus sont amenés par les marques, les magazines, les blogs… tandis que les visiteurs font leur recherche en entrant des mots clés en fonction des catégories – cuisine, déco, mode, beauté, voyage. » Le réseau social fonctionne selon un principe de tableaux et d’épingles virtuels : les visiteurs peuvent ainsi « épingler » les contenus qui les intéressent sur leur tableau, en un clic qui les redirige vers le site web du fournisseur de contenus. Parmi les particularités intéressantes, il faut noter la durée de vie des images postées : en moyenne de 18 mn sur Twitter, 30 minutes sur Facebook, 19 h sur Instagram, et jusqu’à 3 mois et demi et plus sur Pinterest, ce qui semble plus adapté au rythme de lancement des collections de mobilier.
Pour rejoindre ce réseau social, l’intervenante invite les marques à utiliser le moteur de recherche pour savoir si on a déjà une présence, ou une audience principale, puis à se poser les bonnes questions : quel est mon objectif (augmenter le trafic de mon site web, créer une communauté autour de la marque) ? Quels sont les contenus que je vais poster (images, vidéos, blog…) ? Il est ensuite possible de créer – gratuitement – un compte professionnel, qui donnera accès à de nombreuses statistiques de fréquentation, pour pouvoir créer des tableaux, ou une communauté de gens ayant les mêmes centres d’intérêt, ou encore de partager des contenus présents sur d’autres comptes.
Sortir du lot
Tout le jeu consiste ensuite à faire ne sorte que son « tableau » soit vu par le plus grand nombre possible de visiteurs – en intégrant les « tableaux du moment » sélectionnés par le site – pour accroître son exposition, et les flux vers son site marchand pour générer des ventes. De nombreux procédés peuvent permettre d’y arriver, comme rattacher son tableau à un grand événement médiatique, sportif ou culturel, ou à un sujet saisonnier – les « marronniers » – comme les fêtes religieuses, les Saint-Valentin et autres, ou encore en créant des tableaux collaboratifs entre un architecte et son client, ou une marque avec un influenceur qui peut multiplier les audiences. On peut aussi organiser des concours comme Maison du monde l’a fait avec le thème « Ma chambre cosy parfaite », avec Pinterest, cinq influenceurs et un média déco. Son principe ? Les visiteurs du réseau social étaient invités à imaginer leur chambre idéale, à partir des tableaux créés par les influenceurs dans différents styles – bohème, nature, industriel, etc – avec les produits du distributeur. Trois gagnants ont été désignés, dont un lauréat qui a remporté sa chambre idéale en cadeau, et cette dernière a été en prime réalisée physiquement en magasin. Un bel exemple d’opération cross canal, qui a généré + 72,5 % de trafic vers le site, et la création de 100 000 « épingles ». La présence sur Pinterest, quoi qu’il en soit, exige de manière permanente la création de nouveaux contenus et de nouveaux tableaux.