La Ligna 2019, qui a fermé ses portes le 31 mai dernier à Hanovre (Allemagne), a tenu toutes ses promesses. Le grand rendez-vous biennal des technologies pour le bois a donné lieu au lancement de nombreuses avancées dans les techniques d’usinage, et plus encore dans le développement des plateformes numériques pour gérer une production en réseau, automatisée et intégrant une interface homme – machine, qui sont les clés de la productivité de demain. Un pas supplémentaire et significatif vers l’usine du futur.
Les visiteurs qui se sont rendus à la Ligna de Hanovre, du 27 au 31 mai dernier, ont eu droit à une vision, plus réaliste que jamais, de ce que sera demain l’usine du futur dans la filière bois. Il faut dire que les leaders du marché des technologies pour le bois, presque tous présents sur le salon, avaient mis les petits plats dans les grands, en présentant sur des stands géants – 4000 m² pour le groupe SCM, 5000 m² pour Homag ou Weinig, 6000 m² pour le groupe Biesse… – des chaînes complètes de fabrication. Non seulement automatisées, avec des machines connectées entre elles grâce aux plateformes numériques de gestion de la production, mais aussi robotisées, avec des tâches répétitives comme alimenter une machine ou déplacer des piles de panneaux, désormais effectuées par des robots de manutention ou de transport. Une véritable révolution, même si elle se déroule sur plusieurs décennies : de fabricant de machines dédiées à une opération de transformation du bois – sciage, usinage, plaquage de chants, etc. – les grands groupes industriels du secteur dont devenus des intégrateurs de technologies au sein de systèmes productifs composés de machines reliées entre elles par des logiciels de gestion qui optimisent les process et les cadences, contrôlent la qualité, le tout étant supervisé par une plateforme numérique qui est « l’intelligence » du système : grâce aux services qu’elle propose, il devient possible de gérer les données stockées sur le cloud, d’assister à distance les techniciens qui interviennent sur les machines, et même de détecter les pannes à venir dans le cadre d’une maintenance préventive qui sera demain indispensable à tout acteur qui veut être compétitif. Le secteur du bois devient donc un univers de techniciens et d’ingénieurs, à mesure que les fabricants de machines passent des accords de partenariats avec des sociétés spécialisées dans l’ingénierie informatique voire l’intelligence artificielle.
« La Ligna a clairement prouvé qu’il s’agissait de la plus importante plateforme au monde pour l’industrie de l’usinage et de la transformation du bois sur laquelle les innovations du secteur sont présentées en premier. 1 500 exposants de 50 pays ont exposé des solutions impressionnantes pour le futur. Ils ont permis de toucher du doigt des innovations pour tout un secteur qui sont uniques au monde dans leur diversité. Avec la numérisation et l’automatisation, l’intervention de la robotique ainsi que des applications révolutionnaires pour les technologies modernes de traitement des surfaces, ils ont donné des impulsions fortes au progrès technique. Ce qui n’était encore qu’une vision sur le plan technologique lors de la précédente Ligna est devenu réalité en 2019 », a déclaré le Dr Andreas Gruchow, membre du directoire de Deutsche Messe à l’occasion de la conférence de presse de clôture du salon. « Nous avons fait un grand pas vers la transformation numérique du bois sur la Ligna 2019. L’intérêt porté à cette technologie moderne ne se dément pas dans le monde entier, a déclaré Pekka Paasivaara, président du groupement VDMA Machines à bois, Francfort-sur-le-Main, et président du directoire de Homag Group AG ainsi que membre du directoire de Dürr AG. C’est tout simplement impressionnant de rencontrer autant de clients venant des quatre coins du monde qui se penchent de façon très ciblée sur des projets d’investissement concrets. Les nouvelles solutions parlent aussi bien aux petites entreprises qu’aux transformateurs industriels. C’est un bon signe pour nous tous. »
SCM expose son concept de « Smart & Human Factory »
Parmi les exposants phares de cette édition, le groupe italien SCM a fêté 60 années de présence sur la Ligna, en recevant des milliers de visiteurs sur son stand de 4000 m², où il a exprimé son concept de « Smart & Human Factory », à savoir une association entre des cellules automatisées flexibles et modulaires, alimentées par des robots collaboratifs et des navettes autonomes, reliés par des logiciels et services digitaux de dernière génération, tout en donnant des ensembles qui restent à taille humaine et pilotés par l’homme. Pour le groupe italien, le salon se solde par des chiffres élevés en termes de commandes, de négociations et de contacts, dans le prolongement d’une année 2018 qui a été florissante, puisque la barre des 700 millions d’euros de chiffre d’affaires a été dépassée – réalisés à hauteur de 70 % par la division bois du groupe – ce qui représente une croissance de 15 % par rapport à l’année précédente. Le premier trimestre 2019 se solde par une nouvelle augmentation des ventes, aussi bien en Europe que sur les autres continents, avec une consolidation sur le marché européen grâce à l’ouverture d’une filiale en Autriche et d’un nouveau siège en Suisse, et aux bonnes performances de la filiale SCM Allemagne, en croissance de + 24 % sur l’exercice 2018.
Sur son stand, le fabricant a exposé sa vision de l’usine du futur avec une ligne complète de fabrication de meubles composée de cellules flexibles et modulaires, adaptable aux souhaits précis du client et à ses exigences d’usinage les plus variées. Cette ligne se composait de Flexstore hp, le magasin automatique à hautes performances pour les panneaux à la mesure, pour alimenter le nouveau centre d’usinage nesting Morbidelli x400, la nouvelle cellule de placage pour le « lot 1 » Stefani cell, et le nouveau centre de perçage à commande numérique Morbidelli ux200d. Le groupe SCM a exposé des solutions innovantes pour toutes les phases de processus d’usinage du bois. Dans l’îlot consacré au traitement des surfaces, les visiteurs ont assisté à des démonstrations de la technologie de ponçage DMC System intégrée avec les systèmes Superfici de vernissage par pulvérisation, et des systèmes robotisés pour l’application de colle, sans oublier la nouvelle presse Sergiani 3d form. Pour ce qui est de l’usinage du bois massif, le fabricant a mis en avant les nouveaux centres d’usinage à commande numérique Hypsos et Balestrini Power, et le modèle destiné à la charpente bois Oikos x, avec son groupe opérateur à 6 axes exclusif. Enfin, il faut mentionner les derniers développements des logiciels Maestro office (programmation, gestion, optimisation des données), et Maestro active (gestion de l’interface homme-machine), gérés par la plateforme IoT Maestro Connect, qui centralise toutes les données, et donne accès à de multiples services, comme le support technique à distance avec les lunettes à réalité augmentée, l’achat de pièces détachées en ligne, ou encore la maintenance prédictive.
Biesse fête 50 ans de succès avec le concept « automaction »
Le groupe italien a exposé sa vision de l’usine du futur, à travers trois solutions de process de fabrication totalement automatisées, et une cinquantaine de technologies en action. Avec cette présentation, il a exprimé sa volonté de réunir le meilleur de la création de l’esprit humain et les avantages liés à la numérisation et à la robotisation, dans le concept de « automaction ». Concrètement, toutes les technologies du groupe – machines opératrices de coupe, perçage, plaquage de chants, ponçage… – sont connectées entre elles et alimentées par 7 ROS (Robotically Operated Systems), insérés dans le flux de production avec une extrême flexibilité, pour une optimisation des cycles d’usinage, en offrant un rendement et un retour sur investissement élevés. L’intérêt majeur de ces solutions, est qu’elles sont configurables à volonté, et donc adaptables aussi bien aux grandes entreprises industrielles qui font de la grande série, qu’aux acteurs en quête de personnalisation, et même aux petites entreprises, qui peuvent grâce à elles devenir de véritables usines « intelligentes ». Les solutions mises en œuvre concernent toutes les nouveautés machines du groupe, des dernières versions des centres d’usinage à commande numérique Rover, plus performants grâce aux plans de travail FPS (Feedback Positionning System), facteurs de vitesse, de productivité et de sécurité, jusqu’aux nouvelles plaqueuses de chants, Stream A destinée aux grandes organisations, et Akron 1100 pour les entreprises artisanales. Pour la construction bois, la nouveauté se trouve du côté du centre de découpe Uniteam RC, pour le façonnage de poutres et de cloisons, et la réalisation de panneaux préfabriqués et de structures à châssis.
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Pour connecter toutes ces technologies dans des ensembles numériques, le groupe Biesse a mis en œuvre un Digital hub, situé au coeur du stand, qui est le vrai centre névralgique du système, afin de montrer au client comment s’effectuent les différentes phases de construction d’une usine 4.0, grâce à la simulation des processus et des façonnages, à la configuration des logiciels de conception et d’optimisation des lignes de production, jusqu’au choix des services retenus sur la plateforme IoT du groupe Sophia, qui permet de piloter l’ensemble du système. Cette plateforme, conçue avec la société d’ingénierie informatique Accenture, et développée sur Microsoft Azure, propose aux utilisateurs un ensemble de services pour optimiser la gestion de la production, du recueil de données relatives à la productivité, à la gestion des pièces détaches, de la réparation à distance à la maintenance prédictive. Moins de deux ans après son lancement, le groupe annonce la connexion à Sophia de la millième machine dans le monde. Sur le salon, le groupe Biesse a fait état du meilleur chiffre d’affaires réalisé de son histoire en 2018, soit 740 millions d’euros, et de ses nombreux projets récents ou en cours, comme l’ouverture de l’Ulm Campus, un show-room et centre de formation de 1600 m2 au siège de Biesse Allemagne, précédé par l’ouverture d’un Sydney Campus similaire en Australie, qui seront suivis cet automne par l’ouverture d’un Moscow Campus qui permettra à la marque de renforcer sa présence sur le marché russe. Le 50e anniversaire du groupe a été fêté sur la Ligna de manière créative, avec la diffusion de Le Son caché, une composition symphonique dont les instruments de musique sont tout simplement… les machines Biesse, dont les sons ont été remixés pour donner un ensemble harmonieux.
Les leaders allemands au rendez-vous
Le vif intérêt des visiteurs pour l’usine du futur a été confirmé sur le stand du groupe allemand Homag, qui a présenté sur 5000 m2 des concepts intégrés et complets d’ateliers de fabrication intégrés, dont un concept entièrement mis en réseau, automatisé et totalement autonome destiné aux PME, et une solution pour la production de meubles industrielle, haute performance à grande vitesse, connectée grâce à la plateforme numérique du groupe, Tapio, et les nombreux services quelle propose comme ServiceBoard et MachineBoard. Sur son stand, le fabricant organisé des « TEQTours », à savoir des visites pour présenter en direct les nouveaux concepts intégrés et en quoi elles constituent des solutions pour les acteurs de la filière bois, auxquels ont pris part environ 1500 professionnels. Pour permettre à tous les profils d’entreprise d’intégrer progressivement le numérique à leur activité, Homag a proposé trois concepts correspondant à trois étapes d’avancement. Tout d’abord une « solution pour l’entrée numérique », comprenant des solutions d’entrée de gamme simples, qui permettent à l’utilisateur de gagner en transparence dans sa production, d’identifier les potentiels d’optimisation, et d’améliorer les processus de production existants. Ensuite, une « solution pour un atelier numérique en réseau », dans laquelle la préparation de l’usinage et le travail des machines sont séparés les uns des autres, mais où les données de commandes sont partiellement disponibles sous forme numérique, pour que l’utilisateur puisse ajuster les processus de travail étape par étape. Enfin, une « solution pour des cellules individuelles en réseau », où les cellules d’usinage individuelles sont mises en réseau par des véhicules guidés automatisés (transbot), tandis que le contrôle de production ControllerMES prend en charge l’ensemble du réseau. Ce système automatisé de la découpe à l’emballage complet des meubles s’adresse à l’entreprise de taille intermédiaire, et peut être adapté de manière variable aux besoins du client.
Sur le salon, le fabricant austro-germanique IMA Schelling a exposé plusieurs ensembles automatisés, à commencer par une cellule de fabrication entièrement intégrée et automatisée pour la fabrication de façades d’armoires en lots unitaires. Cet équipement se compose d’un centre d’usinage Performance.cut pour la découpe des panneaux, alimenté par un robot 4 axes en entrée et en sortie de machine, et d’une plaqueuse de chants Combima équipée d’une unité de collage IMA PU et d’une unité de pré-fusion Nordson, pour pouvoir produire plusieurs milliers de pièces par équipe. Pour la Ligna, cette cellule de production avait été complétée par un centre de tri haute performance composé d’un robot ABB à 6 axes, capable de manipuler des pièces jusqu’à 3200 mm X 1300 mm et 50 kilos, pour les stocker sur des rayonnages d’une capacité d’environ 1200 pièces. Le fabricant a également mis en évidence la fraiseuse à portique BIMA Px80 pour la fabrication de panneaux de bureaux et autres composants, qui combine toutes les opérations de perçage, de fraisage et d’usinage de chants techniquement réalisables par un seul centre d’usinage. Cette machine était équipée d’un robot 6 axes utilisé pour calibrer les pièces, ainsi que l’alimentation de la machine, le retournement et l’empilage des pièces, pour les rendre disponible au contrôle qualité effectué par l’opérateur. Cette machine peut être connectée à la nouvelle plateforme IoT et de services du groupe IMA Schelling, Zimba : grâce à des puces électroniques utilisées pour enregistrer les données machines, la plateforme est capable d’offrir une analyse de la production, pour en optimiser les performances, contrôler l’usure des pièces, ou encore assurer la télémaintenance des équipements. Un exemple supplémentaire qui montre à quel point les plateformes IoT sont devenues un outil majeur dans la quête de productivité.
François Salanne
[Zoom]
Weinig : numérique et innovations au service de l’usinage du bois massif
Fabricant spécialisé dans l’usinage du bois massif, le groupe allemand Weinig a présenté sur son stand de plus de 5000 m2 une cinquantaine de machines en démonstration à destination de l’industrie et de l’artisanat. Au cœur de la présentation, une ligne de production complexe composée de huit machines et technologies en réseau, prenant en charge une production du matériau brut au produit fini, y compris une fonction robotisation de la production, avec utilisation de sa technologie exclusive de scanner. Cette mise en réseau est désormais possible grâce à la plateforme logicielle Weinig Control Suite, développée par la nouvelle unité « Automation et digital business » du groupe, qui répond aux besoins individuels des clients, en s’appuyant sur une structure modulaire, et la communication de données sécurisées via le cloud Weinig, ou la plateforme SiemensMindsphere, basée sur le cloud.
Cette innovation numérique s’accompagne de nombreuses innovations techniques en matière de machines, à l’image de la nouvelle Powermat 3000, une moulurière conçue pour des applications industrielles hautes performances, pouvant atteindre une vitesse de rotation de 12 000 tr/min, ou de la Powermat 2400 3D, conçue pour des applications innovantes, et équipée dans ce but du logiciel Alphacam pour la conception de pièces en trois dimensions et la création de programmes à commande numérique. Parmi de nombreuses nouveautés lancées sur le salon, citons aussi la nouvelle Hydromat 4300, conçue pour les opérations de rabotage et profilage jusqu’à une vitesse d’avancement de 300 m/min, la tronçonneuse Opticut 550 Quantum, encore plus rapide grâce à une vitesse d’avancement de la scie jusqu’à 550 m/min, ou encore le nouveau CombiScan Sense, un scanner qui détecte les défauts du bois sur les 4 faces, et qui permet d’optimiser considérablement l’utilisation du matériau.