Etude sur l’avenir des métiers de la fabrication, création de nouveaux Certificats de Qualification Professionnels Ameublement (CQPA), réforme du management dans la branche, accord sur les salaires… L’Ameublement Français multiplie les initiatives, notamment sur le front de la formation, pour permettre aux fabricants de meubles de s’adapter aux défis du marché. Rencontre avec Anne Midavaine, présidente de la commission sociale et formation de l’organisme.
Vous avez présenté le 22 juin dernier, lors des Journées Nationales de l’Ameublement Français, une étude réalisée avec le cabinet Kyu portant sur l’évolution des métiers de l’Ameublement d’ici à 2020. En quoi consiste-t-elle et quel est son but ?
Le point de départ a été les éléments mis à jour par l’étude réalisée en 2015, à la demande de l’Ameublement Français, par le cabinet Deloitte, sur les perspectives et les opportunités de notre marché dans les années à venir. Cette étude a notamment montré que nous allons vers une concentration des entreprises dans des groupes, qui devront moderniser leurs process de production pour répondre aux besoins de personnalisation des produits, sans oublier qu’ils devront aussi s’orienter vers l’export et vers les marchés de projets. Il en résulte une question simple : quels sont les métiers dont nous aurons besoin demain pour réaliser ces mutations ? Pour le déterminer, nous avons demandé au cabinet Kyu, en accord avec les organisations syndicales partie prenante et avec le soutien de l’OPCA, d’interviewer 200 entreprises de l’Ameublement, pour connaître les métiers qu’elles maîtrisent ou ne maîtrisent pas, et de quelles formations elles ont besoin pour pouvoir s’adapter au marché.
Quels sont les enseignements de cette étude ?
Elle nous a permis d’obtenir une radiographie des salariés affectés à la fabrication au niveau national, avec une pyramide des âges, la répartition entre hommes et femmes, les qualifications, les niveaux de formation, quelle utilisation est faite des outils logiciels, etc. Avec toutes les données recueillies, nous avons développé un algorithme qui permet déjà à chaque entreprise d’évaluer, en fonction de son profil, son niveau de formation, ainsi que ses forces et faiblesses par rapport au panorama général. L’étude a aussi livré un diagnostic global, qui confirme que 15 % des salariés de notre branche vont partir en retraite d’ici à 2020. Il faut donc se soucier de renouveler tous ces emplois et profiter de ce renouvellement pour les remplacer par des nouveaux profils, qui apporteront les compétences nouvelles dont les entreprises ont besoin.
Précisément, quels sont les outils à la disposition des entreprises pour former ces nouvelles embauches ?
Pour accompagner la modernisation de l’outil de production, via les technologies numériques, et la montée en compétence des salariés, trois Certificats de Qualification Professionnelle Ameublement (CQPA) – qui s’adressent aussi bien aux hommes qu’aux femmes – ont été créés en 2015 : Conduite de Machine Automatisée, Pilote de Machine Numérique et Pilote de Ligne Automatique. D’autres CQPA sont en préparation en 2016, notamment pour intégrer aux entreprises les compétences qui relèvent de l’économie circulaire. Autrement dit, nous proposons que les fabricants de meubles intègrent à leur activité le recyclage des meubles en fin de vie, afin de réutiliser une partie des composants dans la fabrication de meubles neufs et de se positionner sur ce nouveau marché. En plus d’élaborer ces nouvelles formations, nous avons aussi décidé de les soutenir financièrement : c’est dans ce but que nous avons fait voter pour une nouvelle période de deux ans, une contribution exceptionnelle de 0,5 % pour la formation, qui sera orientée vers les formations qui sont les plus prometteuses pour développer l’activité des entreprises.
Notre secteur a donc besoin d’une montée en compétence, depuis les opérateurs jusqu’au management. Comment comptez-vous la favoriser ?
Les nouveaux CQPA que nous avons créés vont permettre de former à grande échelle les opérateurs qui sont déjà en poste, ainsi que les jeunes qui seront embauchés, aux technologies numériques, qui sont la clé du succès de demain. Ils permettront aussi de changer l’image de notre profession, souvent jugée vieillotte, et de la rendre plus apte à attirer les talents. En ce qui concerne le management, un autre défi se présente : les entreprises ont besoin d’un encadrement mieux formé, capable de piloter les équipes et les projets. Pour encadrer leur formation, nous avons lancé la création de nouveaux CQPA Animateur d’équipe et Chef d’atelier, qui permettront d’aller au-delà des formations maison, en fixant un référentiel des compétences requises dans toute la branche. Nous allons aussi mettre en place des formations spécifiques pour nos salariés chargés de l’export et des secteurs marketing et vente, ce qui permettra, en plus du numérique, de répondre aux trois axes stratégiques mis en évidence par l’étude du cabinet Deloitte.
Ces initiatives s’accompagnent aussi d’une nouvelle politique salariale ?
En effet. Nous avons signé, le 24 mai dernier, un accord sur les salaires professionnels catégoriels dans la fabrication de l’ameublement, qui fixe les rémunérations minimales en tenant compte du contexte économique difficile, avec parmi ses principes l’égalité de salaires à poste équivalent entre hommes et femmes, ce qui est un pré-requis pour attirer les jeunes générations. Je me réjouis que cet accord ait été signé par quatre organisations syndicales, ce qui traduit la qualité du dialogue social dans notre branche. Nous devons non seulement continuer dans ce même esprit constructif, mais aller plus loin en nous attaquant à la question de la rémunération de l’encadrement : la création des CQPA à venir entraînera de fait une rémunération correspondante pour les salariés qui en seront titulaires. Il faudra que celle-ci soit attractive non seulement pour attirer les jeunes talents, mais aussi pour motiver les salariés qui aspirent à prendre plus de responsabilités par voie de promotion interne.
Plus que jamais, le dialogue social semble un levier de modernisation de l’Ameublement Français.
L’année 2015 a permis à l’UNIFA de changer de cap, en opérant un rapprochement avec les partenaires sociaux, sur le constat que nous avons un intérêt commun à moderniser notre branche. Suite au rapport Deloitte et à l’étude du cabinet Kyu, 2016 nous a permis de dégager les objectifs prioritaires en matière de formation, et de mettre en place les premiers outils qui vont permettre d’y répondre. L’enjeu du dialogue social est aujourd’hui essentiel, il s’agit de faire évoluer nos métiers pour donner un avenir aux salariés de notre branche, et assurer la pérennité de nos entreprises en attirant des nouveaux talents porteurs des compétences dont nous avons besoin.