Au moment où on parle de plus en plus de silver économie, la Fédération du Services aux Particuliers (FESP), et ses partenaires Saint-Gobain, Malakoff-Médéric/Humanis et IRSAP ont commandé aux instituts Sociovision et Ifop une étude sur le thème « Séniors : Marché et habitat inclusif, quelles offres de services ? », pour mieux cerner les attentes des principaux intéressés. Dans un climat économique morose, elle confirme la volonté massive des seniors de vieillir à domicile, ce qui entraînera la réalisation de travaux et la création d’un mobilier adapté, porteurs d’un important volume d’activité.
Le vieillissement de la population est un sujet qui ne fait plus débat. Notre espérance de vie progresse de trois mois chaque année, et de 18 % en 1968, les Français âgés de plus de 60 ans ont passé la barre des 25 % en 2019, une tendance qui devrait se confirmer au cours des prochaines années. Selon de nombreuses études convergentes, les besoins de la population vieillissante iront croissant, en termes d’accompagnement, de soins, de services à la personne, un nouveau secteur d’activité qui pourrait devenir l’un des premiers pourvoyeurs d’emplois. Prenant en compte ce phénomène, les pouvoirs publics ont fait en 2013 de la silver économie un axe de développement stratégique. En octobre 2018, le ministère des Solidarités et de la Santé a lancé une vaste consultation citoyenne, sur le thème de l’autonomie et du grand âge, en invitant tous les Français à formuler des propositions concrètes sur le sujet, un chantier qui rassemble toutes les parties prenantes aux niveaux régional et national. C’est dans ce contexte que la Fédération du Service aux Particuliers (FESP) et ses partenaires ont commandé une enquête auprès des français âgés de 50 ans et plus, pour connaître leur état d’esprit, leurs attentes en matière de services à la personne, et dans quel habitat ils envisagent de vieillir.
Un moral en baisse et des services qui peinent à séduire
L’enquête – réalisée en novembre dernier auprès d’un échantillon de 1507 personnes représentatif de la population française de 50 ans et plus – révèle tout d’abord un moral en baisse : seuls 41 % témoignent d’un état d’esprit positif quand ils pensent à leur propre avenir, et ils ne sont plus que 25 % à se déclarer optimistes pour l’avenir de la France. Ce pessimisme est sans doute le résultat d’une situation économique qui se tend : moins de 4 seniors sur 10 (37 %) disent pouvoir épargner à la fin du mois, alors qu’ils étaient près de 6 sur 10 (56 %) à pouvoir le faire en décembre 2010, soit un recul de 19 %. Ils sont 46 % à boucler leurs fins de mois facilement, mais 54 % à le faire difficilement. Attention, ces chiffres cachent de grandes disparités en fonction du niveau socio-économique, depuis ceux « qui décrochent » à ceux qui sont « aisés et heureux », en passant par ceux qui sont tentés par le repli et ceux qui inventent des modes de vie et de consommation alternatifs. Tout le monde est d’accord en revanche sur les deux priorités pour bien vieillir : être en bonne santé (pour 90 %), et sans soucis financiers (49 %). En ce qui concerne les services à la personne, seuls une petite minorité des sondés déclarent y avoir recours (29 %), tandis que 64 % n’y ont jamais recouru et n’envisagent pas de le faire. Au sein de l’échantillon global, les retraités et les aidants sont respectivement 34 et 35 % à déclarer utiliser des services à la personne, ce qui laisse une grande marge de progression pour les acteurs de ce secteur, à condition de changer d’image : 93 % des sondés estiment en effet que ces services s’adressent aux personnes âgées, autrement dit ils sont spontanément associés à la notion de dépendance, de vieillesse, de maladie, de handicap. Les services les plus communément utilisés sont relatifs au domicile, entretien de la maison et travaux ménagers (33 %), jardinage (27 %) et dans une moindre mesure bricolage (15 %), mais aussi au maintien à domicile auprès de personnes dépendantes (12 %).
Vieillir à domicile en faisant des aménagements
S’ils en parlent fréquemment, les seniors sont paradoxalement peu nombreux à préparer leurs vieux jours par des actions concrètes. Ils sont 50 % à le faire en épargnant, 39 % à se renseigner sur les solutions existantes, et 36 % à aborder ce sujet avec leurs enfants. Ils sont très clairs en revanche sur leur volonté de vieillir à domicile : 85 % d’entre eux envisagent, dans une projection à 10 – 15 ans, de vieillir au sein de leur logement actuel. Parmi les obstacles au maintien à domicile, les seniors évoquent d’abord la présence d’un escalier, un frein qui est de plus en plus significatif à mesure que l’âge augmente, qui plaide en faveur des logements de plain-pied, et ensuite le fait d’être locataire, qui peut signifier la nécessité de devoir déménager un jour. Les autres obstacles cités sont un logement devenu trop grand pour eux (21 %) et la volonté de vieillir dans une autre région (19 %). Le fait que le logement actuel nécessiterait financièrement trop de travaux est une raison pour seulement 11 % des sondés.
Parmi les mesures à prendre à court terme pour pouvoir vieillir à domicile, les seniors sont 44 % à envisager des travaux d’aménagement dans certaines pièces, ils sont 28 % à vouloir installer des équipements spécifiques, et 27 % à vouloir installer des volets roulants automatisés ou d’autres automatismes dans leur logement. Ils sont aussi 21 % à vouloir adapter les éclairages, pour éviter les risques de chutes, ou installer des éclairages automatiques, et 18 % à vouloir repenser et adapter leur cuisine. L’installation d’équipements spécifiques, comme un siège de douche mural, ou un fauteuil monte-escalier, est davantage envisagée par les retraités (30 %), que par les actifs (24 %). Ils sont en revanche moins intéressés par un changement du revêtement de sol (12 %), par la réalisation d’un diagnostic de leur logement par un professionnel (12 %), ou par le recours à un assistant numérique de vie quotidienne (7 %).
Enfin, l’enquête s’est aussi penchée sur les aides fiscales dont peuvent bénéficier les seniors pour réaliser ces travaux d’adaptation de l’habitat, pour constater que les dispositifs existants sont connus « au moins de nom », mais que souvent, les seniors ne savent pas comment faire pour les obtenir. Ainsi, 75 % d’entre eux connaissent l’existence des aides financières allouées à la perte d’autonomie, mais 27 % seulement voient précisément de quoi il s’agit. De même, 76 % savent que des aides fiscales existent pour les travaux d’aménagement de leur logement, sans les connaître en détail. Il reste donc un gros travail de communication à faire pour que les séniors prennent conscience de l’intérêt qu’ils ont à adapter leur logement, notamment pour en améliorer le confort en faisant reculer les pathologies liées au vieillissement articulaire, et pour éviter une chute, qui peut générer des soins lourds pour la personne et coûteux pour la société, et qu’ils maîtrisent tous les canaux de financement existant pour les réaliser.
[Zoom]
Trois questions à Jean-Philippe Arnoux, Directeur Silver Economie et Accessibilité de Saint-Gobain
Pourquoi avoir créé ce département Silver Economie chez Saint-Gobain ?
En tant que distributeur leader sur le marché du bâtiment, nous avons souhaité développer une offre spécifique pour répondre aux besoins des seniors, et accompagner les professionnels chargés des aménagements de l’habitat. Nous prenons donc en charge la conception de certains de ces produits, que nous faisons fabriquer par des partenaires, et distribuons la totalité de la gamme via nos réseaux de points de vente Point P (bâtiment) et Cédéo (sanitaires et salle de bains).
Pouvez-vous donner un ou deux exemples de cette gamme de produits ?
On peut citer le meuble New Age par Goman, qui est une réinterprétation de la coiffeuse, qui permet de faire sa toilette en position assise, y compris pour une personne en fauteuil roulant, grâce à une vasque équipée d’un siphon déporté. Ce meuble est également adapté pour les aidants familiaux ou professionnels, pour la toilette d’une personne dépendante. Autre exemple, la cuisinette évolutive Urban par Moderna est un mobilier conçu pour un usage en position assise, avec un évier à siphon déporté, et un plan de travail avec caissons réglable en hauteur. Autres éléments techniques, des tiroirs et portes avec des prises de mains ergonomiques, la suppression des portes aux meubles bas pour éviter les contorsions inutiles, ou le réfrigérateur surélevé pour éviter de se baisser, le tout conçu et proposé pour un prix accessible.
Comment rendre ces produits désirables ?
Il faut tout d’abord qu’ils aient une esthétique avantageuse, qu’on a tout intérêt à confier à un designer. Il faut surtout qu’ils n’aient pas un aspect stigmatisant qui renvoie au médical, et qu’ils soient accompagnés d’un discours qui valorise les fonctionnalités et les bénéfices qu’ils apportent pour des utilisateurs bien portants, en termes de confort, dans la prévention par exemple des problèmes de dos ou encore de réponse aux problèmes d’arthrose. Enfin, pour éviter tout risque de rejet, ils doivent être distribués sur les mêmes points de vente que les produits conventionnels, et intégrés par exemple aux catalogues généraux qui traitent de l’ergonomie ou de l’accessibilité.