Le Portugais Aquinos, fabricant de canapés et matelas, nous a ouvert les portes de ses usines : l’occasion de mettre en avant son outil industriel performant, mais aussi de détailler ses projets pour Cauval si son dossier venait à être retenu dans le cadre de la reprise. Reportage.

Aquinos possède 4 sites de productions situés à 130 kilomètres de Porto. Ici, l’entrée de l’unité principale, à Tábua
Visite de l’usine Aquinos
Si le nom d’Aquinos, pour beaucoup d’acteurs de notre profession, était plus ou moins méconnu il y a quelques mois encore, l’ « affaire » Cauval le rend désormais omniprésent dans l’actualité du secteur.

Aquinos intègre la fabrication / préparation des composants (ici, la coupe / couture) sur ses sites, qui contribue à l’optimisation de sa production.
Mais outre son statut de candidat potentiel pour la reprise totale du groupe français, que sait-on sur cet acteur portugais aux usines impressionnantes, aux méthodes de travail rigoureusement ajustées, à la production ultra-dynamique ? Le Courrier a pu visiter son principal site, qui se veut la meilleure des vitrines pour démontrer non seulement la solidité du groupe, mais aussi sa profonde connaissance des enjeux du marché du meuble… Autant d’arguments sur lesquels insiste son président Carlos Aquino pour appuyer sa candidature dans le dossier Cauval.

Carlos Aquino, président du groupe.
Optimiser, continuellement
Depuis le premier canapé fabriqué dans un garage, en 1985, jusqu’aux 4 sites de production s’étendant, au total, sur 144 000 m² et employant 2 500 personnes, l’entreprise a fait du chemin. Aujourd’hui, Aquinos fabrique des canapés et matelas positionnés sur l’entrée et le milieu du marché (avec un coeur d’activité sur les 2 premiers segments), qu’il livre en Europe, mais aussi sur les continents africain et américain (Brésil, Canada…) avec pour objectif d’attaquer le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est.

Le tout suivant un process industriel ajusté au millimètre, qui apparaît de manière flagrante lorsque l’on visite les différents sites : la méthode de gestion de la qualité « Kaizen » est mise en place sur chaque chaîne de travail et omniprésente dans la vie du groupe, qui a d’ailleurs obtenu le certificat de l’Institut éponyme, aux côtés des ISO 9001 et 14 001, OHSAS 18 001 et FSC. Mais c’est aussi l’intégration de la fabrication / préparation des composants (menuiserie, mousses, ressorts bonnell et ensachés, fibres, coupe / couture…) sur ses sites, qui contribue à l’optimisation de sa production.

Un stock impressionnant, entièrement automatisé, de 250 000 pièces – ce qui équivaut à environ 3 semaines de production – enfin, lui permet d’assurer une livraison en 5 jours « partout ». Et aujourd’hui, Aquinos approvisionne des clients de choix : Ikea, depuis une quinzaine d’années (le Suédois représente aujourd’hui 38 % de son CA), mais aussi Alinéa, Maisons du Monde, Conforama, El Corte Inglés… pour des ventes en progression de plus de 37 % sur 2015 (113 M€) : une croissance qui devrait être du même ordre, voire un peu supérieure, en 2016.

Aperçu d’une partie de la chaîne de production d’un siège rembourré.
Pour atteindre de telles progressions, Aquinos s’est toujours donné les moyens de ses ambitions : une politique qui lui a permis de devenir un fabricant majeur d’ameublement européen, ce qui pouvait, au début, apparaître comme un pari fou étant donné sa localisation au cœur de la campagne portugaise, éloigné de toutes les grandes villes… Ainsi, sur les 4 dernières années, 80 M€ ont été investis, au total ; les 30 000 m² du quatrième site, implanté à Carregal do Sal, sont notamment en cours de finalisation pour cet été.

Les sites disposent de stocks entièrement automatisés ; 250 000 produits y sont gardés, pour une livraison en 5 jours quel que soit l’endroit.
Pour autant, le groupe, aujourd’hui dirigé par les 3 frères Aquino avec Carlos à sa tête, conserve son caractère familial : sur les 5 000 habitants de Tábua, village à proximité duquel est implanté le principal site de production (situé à 150 kilomètres au Sud-Est de Porto), la moitié travaille chez Aquinos. Une proximité que le président du groupe – qui vit aussi dans le village – entretient avec vigueur, et qu’il s’est plu à retrouver dans l’Hexagone, à Bar-sur-Aube, où 4 sites majeurs de Cauval sont installés…

Aquinos intègre la fabrication / préparation des composants (ici, la mousserie) sur ses sites, qui contribue à l’optimisation de sa production
« Des délocalisations n’auraient aucun sens ! »
Car aujourd’hui, le groupe Portugais nourrit un projet d’envergure : celui de reprendre la quasi-totalité des activités et sites du groupe Cauval. Un objectif qu’il a, en réalité, depuis plusieurs mois – autrement dit avant que le Français n’ait été déclaré en redressement judiciaire – puisque les 2 protagonistes avaient annoncé, fin octobre dernier, qu’Aquinos devait augmenter le capital du litier à hauteur de 25 millions d’euros et, à terme, bénéficier d’une option pour prendre son entier contrôle. Mais un coup de théâtre, survenu 4 mois après (fin février dernier), a fait échouer l’opération : Aquinos se retirait, et Cauval était contraint de demander son placement en redressement. Alors que le Français évoquait une décision « unilatérale » de la part du Portugais, Aquinos, de son côté, explique clairement les choses : « Nous étions supposés – cela faisait partie des conditions suspensives – avoir l’accord des banques fin 2015, avance Carlos Aquino. Mais le manque de transparence – et même la franche opacité – de certains éléments, à commencer par le montant exact de la dette, nous ont empêchés de l’obtenir, et donc de mener cette opération à bien ».

Aujourd’hui procédure oblige la dette n’existe plus, et, même si le déploiement du groupe Cauval, certains éléments ont été éclaircis, bien que subsistent encore de nombreux points noirs (notamment concernant les sites de fabrication situés à l’étranger) ; reste aussi la question de la licence Simmons, dont l’Américain éponyme voudrait vraisemblablement redéfinir les conditions d’exploitation en Europe : « Cela pouvait être prévisible, estime Dominique Declerck, consultant pour Aquinos, qui accompagne le groupe dans le développement de ce projet. Il y a un changement de contrat, donc Simmons en profite pour renégocier. Nous sommes donc en discussion active avec lui ». Mais sur le reste, Aquinos présente aujourd’hui une offre détaillée – les derniers ajustements ayant été dévoilés le 4 mai – qui peut encore être complétée d’ici quelques jours, puisque les dossiers doivent être remis définitivement ce 11 mai, pour une décision fixée au 17 mai.

Aquinos dévoile donc une offre quasi-globale, puisque impliquant la sauvegarde de 74 % des effectifs globaux, à travers 8 sites (Bar-sur-Aube, Mer, Saint-Amand, Limay, Fougères, Reichshoffen, Le Coteau et Thizy-les-Bourgs / voir encadré). Mantes serait également repris au début, puis libéré en 2017 : « Les machines sont vétustes, justifie Dominique Declerck. Aussi, nous pourrions transférer ses activités ailleurs, mais nous sommes encore en phase de réflexion sur ce point… Nous savons que la mousse supporte mal le transport, il faudrait donc installer sa fabrication au plus près des sites qui l’utilisent ensuite… Cela est aussi valable pour les sommiers ».

Aquinos intègre la fabrication des composants sur ses sites – ici, les ressorts – qui contribue à l’optimisation de sa production.
Dunlopillo resterait à Limay, où seraient également transférées les activités des pôles administratifs, disséminées jusqu’alors sur 3 sites (Torcy, Clichy…) Il serait donc totalement exclu, pour Aquinos, de transférer des sites de production au Portugal « Cela, nous avons souvent pu le lire ou l’entendre, avance Carlos Aquino. Mais pour nous, c’est impensable ! Nous sommes bons, ici pour fabriquer des produits d’entrée de gamme ou intermédiaires. En France, la main-d’œuvre est plus chère, certes, mais la fabrication de produits plus hauts en gamme peut totalement supporter ce coût ». Car l’enjeu est bien là : faire de l’entité Aquinos / Cauval, qui pourrait voir le jour, l’un des 5 leaders européens de la literie, le premier groupe européen de canapés et convertibles (le Portugais bénéficierait, sur ce point, du savoir-faire de Diva puisque ne produisant pas lui-même ce type de produits), et ce sur tous les segments de marché… dont le haut de gamme, qui s’exporte.

« Il existe par ailleurs un savoir-faire incontestable sur les sites de fabrication de Cauval, poursuit Carlos Aquino, et nous ne voulons absolument pas nous en priver ». En revanche, le président du groupe portugais est conscient de la vétusté de plusieurs de ces usines, qui nécessitera d’importants investissements sur plusieurs années…

Dans l’immédiat, de manière plus concrète, le besoin de financement atteindrait 50 M€ sur les 6 premiers mois, avec des besoins sporadiques « pouvant aller jusqu’à 70 M€ ». Si son projet venait à être retenu, Aquinos table sur une forte croissance dès la première année, déjà avec l’effet de saisonnalité du deuxième semestre 2016 : « C’est une période cruciale de l’année qui, si elle est ratée, contraindra le repreneur à repartir de zéro l’année prochaine. De notre côté, nous sommes en capacité de fournir à Cauval les matières premières qui lui manqueraient, pour aborder cette forte période dans les meilleures conditions possibles » souligne Dominique Declerck. Cette progression reposerait aussi sur un apport progressif de projets export, dont des transferts du Portugal : le groupe Aquinos souhaiterait en effet appuyer le développement les ventes à l’international des produits Cauval, l’une des meilleures voies de croissance encore trop peu inexploitée… L’un des premiers chantiers, enfin, serait de définir avec les équipes les investissements urgents en matière de machines et publicité.

L’offre de reprise de Cauval
Au 4 mai :
- 1 227 salariés repris (dont 359 à Bar-sur-Aube), soit 73,9 % des effectifs totaux
- 9 sites repris jusqu’en 2017, puis 8 sites (après la libération de Mantes)
- Plan d’affaires : 237 M€ année 1 / 260 M€ année 2 / 285 M€ année 3
- Apport progressif de projets « export » : literie + 10 M€ sur 12 mois / canapés et convertibles + 15 M€ sur 24 mois
- Besoin moyen de financement sur les 6 premiers mois de 50 M€, avec des besoins sporadiques pouvant aller jusqu’à 70 M€
Les chiffres clés du groupe portugais
- Création en 1985
- 113 M€ de CA 2015, 160 M€ prévus en 2016
- 144 000 m² d’usines, répartis en 4 sites
- 2 500 employés
- 3 500 canapés et 6 000 matelas de capacité installée / jour (2015)
- 250 000 produits stockés
- 75 M€ investis en 2015
- 91 % des ventes à l’exportation (sur 3 continents, 15 pays)