Entretien croisé avec Alain Boussuge et François Duparc, associés à l’offre de reprise totale du groupe Cauval présentée par la société d’investissement Perceva, ici représentée par Franck Kelif, associé.
Pouvez-vous rappeler les grandes lignes de l’offre Perceva ?
Franck Kelif :
Elle consiste à reprendre l’intégralité des sites de literie du groupe, et de pérenniser l’activité de chacun au niveau opérationnel. Une équipe de 38 personnes y travaille aux côtés de François Duparc et Alain Boussuge ; entre 50 et 70 millions € doivent être consacrés à ce projet.
Parmi les repreneurs potentiels, figurent des acteurs de l’ameublement, et donc Perceva, fonds d’investissement actionnaire, notamment, de Dalloyau ou Monceau Fleurs. Comment expliquer son intérêt pour le litier Cauval ?
F. K. :
Je répondrai à cette question en présentant Perceva. Perceva est une société d’investissement française qui gère des fonds institutionnels, sur des horizons très longs (au moins 10 ans, j’insiste sur ce point). Notre métier, depuis près de 20 ans, consiste à consacrer des moyens financiers de 10 à plus de 60 millions €, à long terme, au bénéfice sociétés exclusivement françaises, leaders ou acteurs de référence sur leur marché, et qui ont besoin de 7 à 10 ans pour se redéployer sereinement… Nous apportons à un projet du capital et surtout de la lisibilité : tant aux dirigeants, qui peuvent redéployer une stratégie, qu’aux personnes de l’entreprise qui doivent avoir une parfaite compréhension de la situation… L’idée est de fédérer toutes ces parties. Enfin, nous apportons aussi des ressources opérationnelles : Perceva travaille avec 90 experts (anciens dirigeants, directeurs d’outils industriels…) que nous mettons à disposition des entreprises, à la manière de « coaches ». Les PME ou ETI ne peuvent pas accéder à ce type d’expertises par elles-mêmes !
Perceva souhaite également apporter de la lisibilité sur le process aux dirigeants et aux différents intervenants du dossier Cauval : nous savons ce qu’est une entreprise en difficulté, et qu’il faut du temps pour reconstruire des fondamentaux ; nous connaissons parfaitement, en outre, ce type de procédure de reprise. Nous sommes cependant très sélectifs : sur les 150 dossiers que reçoit Perceva chaque année, 2, seulement, sont retenus. Nous avons choisi de nous positionner sur la reprise de Cauval car le groupe, incontestablement, a des atouts fondamentaux, soutenus par une équipe de management compétente. Et nous pouvons aller vite : Perceva, avec François et Alain, seront présents le 17 mai prochain [date fixée à ce jour pour la remise des offres précisées et définitives, ndlr] avec un dossier complet, solide financièrement. Les fonds nécessaires pour réaliser l’opération sont en effet à disposition du projet… ce qui est là un atout majeur de Perceva : la société ne doit pas aller chercher des fonds auprès de banques ou autres, puisqu’elle gère des capitaux institutionnels qui lui sont confiés.

Perceva s’intéresse donc à des entreprises aux domaines d’action divers : l’ameublement serait une première ?
F. K. :
Nous connaissons le secteur du meuble en y avant notamment déjà étudié des dossiers et donc les problématiques spécifiques qui y sont liées : collections, distribution, gestion logistique, importance des relations fournisseurs… et, surtout, nous sommes parfaitement au fait des de ces enjeux cruciaux que sont la connaissance, la compréhension et l’accompagnement des clients, et la capitalisation sur les savoir-faire de l’entreprise. Il est essentiel d’avoir des équipes motivées, aux compétences spécifiques, pour éviter de tomber dans le produit de « commodité », où l’on entrerait dans une pure guerre de prix, sans fournir de valeur ajoutée.
L’offre repose par ailleurs sur l’appui de 2 anciens cadres dirigeants de Cauval…
F. K. :
Le rôle d’un actionnaire est d’apporter des moyens et de s’assurer qu’il travaille avec les bons dirigeants. Ici, le consensus est primordial : il s’agit de faire adhérer fortement les équipes de l’entreprise à un projet, or personne ne comprend mieux qu’elles les problématiques liées aux difficultés de trésorerie… C’est pour cette raison que François et Alain, qui ont tous 2 eu des missions importantes au sein du groupe Cauval ont cette mission cruciale de susciter une adhésion forte nécessaire pour relancer les marques.
François Duparc :
C’est une totale complémentarité. Perceva veut s’entourer des dirigeants pour garantir la pertinence de son offre, et de notre côté, nous n’aurions jamais envisagé, Alain et moi, de nous lancer dans l’aventure sans avoir à nos côtés des gens capables d’apporter des moyens financiers, et de comprendre les problématiques opérationnelles !
Quel regard apportez-vous sur les difficultés rencontrées par Cauval ?
F. K. :
Les compétences, les savoir-faire et la valeur ajoutée des produits des différentes marques n’ont a priori pas été suffisamment animés et développés. Peut-être que le groupe Cauval a manqué de moyens capitalistiques pour le faire… Il est vital, aussi, de faire émerger des talents capables d’incarner le développement de chaque marque. Or c’est là que réside toute la culture de Perceva : nos équipes dirigent de manière collégiale, afin que chaque sensibilité, particularité, savoir-faire soit représenté, tout comme doivent l’être chacune des marques : si les compétences ne sont pas fédérées, une entreprise est beaucoup plus facilement victime des aléas de la conjoncture, des dynamiques commerciales agressives de ses concurrents, de difficultés avec ses fournisseurs ou distributeurs…

Alain Boussuge :
Cauval possède un savoir-faire incontestable, qui n’a pas disparu. Seulement, aujourd’hui, celui-ci n’a pas les moyens de s’exploiter réellement… Il faut le réveiller, l’accompagner : c’est ce que veulent les salariés ! Il est aussi encore un peu tôt pour analyser les erreurs stratégiques commises, mais une chose est certaine : les marques de Cauval ont une très belle image auprès de la distribution et du consommateur, mais sont noyées dans la masse, et ne parviennent pas à se repositionner telles qu’elles l’étaient il n’y a pas si longtemps.
Quelles sont, alors, les premières solutions envisagées pour redresser le groupe ?
F. K. :
Partant d’un tel diagnostic, nous pensons qu’aujourd’hui, il faut procurer de nouveau au groupe les moyens de se développer, cela en investissant dans outil industriel c’est très important afin qu’il soit de qualité et motivant pour les personnes des sites, mais aussi en mettant au point une politique commerciale avec des marques lisibles et, enfin, une qualité de services et de produits reconnues.
A. B. :
Le groupe intègre 3 marques fortes, puissantes, ayant pour volonté de reconquérir leurs marchés… La clientèle et les fournisseurs ont besoin d’être rassurés, tout comme les commerciaux (et toute la partie opérationnelle) : il faut redonner confiance.
F. D. :
Le marché de la literie est favorable, nous le savons tous. Si celui-ci est retenu, et que nous faisons bien les choses, nous réussirons forcément ! Il y a plusieurs nécessités à court terme :
– Effectivement, rassurer les clients, dont la confiance a été ébranlée durant les 2 dernières années. Il faut donc ré-instaurer la sérénité, montrer notre implication sur le moyen / long terme, et communiquer avec les acteurs de la distribution… cela afin d’assurer, le plus vite possible, l’essentiel (prendre une commande, la livrer dans un délai qui corresponde aux attentes du marché…). Du bon sens, en somme, mais tout cela avait été un peu perdu à cause de ces perturbations.
– L’urgence est aussi de préparer la très forte saisonnalité du marché de la literie qui débute en juin avec la grande distribution ameublement : autrement dit, optimiser les ressources pour y faire face.
– Recentrer toutes les équipes Alain et moi connaissons la plupart des personnes aux commandes de l’opérationnel et étudier les projets qui étaient déjà en cours pour relancer l’entreprise. Cela, notamment, en ayant à l’esprit la perspective d’EspritMeuble, où Cauval devra arriver avec un niveau de services au moins très avancé : l’enjeu sera de montrer à la distribution qu’il est dans une dynamique positive concernant l’avancée des collections !
Quid du cas particulier de Dunlopillo ?
F. D. :
C’est là une autre phase, celle de la refonte, qui doit permettre de bâtir des éléments de moyen ou long terme. Dunlopillo est la marque qui a le plus souffert dans cette tourmente : elle a profondément besoin d’être repensée, retravaillée (en terme d’offre, de contenu de marque, de charte graphique…)

Rendez-vous donc le 17 mai…
F. K. :
… avec un projet solide et exhaustif. Nous nous inscrivons dans la logique de l’historique du groupe Cauval, en ce sens où nous voulons apporter les moyens pour développer les projets qui avaient déjà été lancés. Cela avec l’aide de François et Alain, qui doivent reconstruire les équipes, afin de développer le savoir-faire de chaque site. Car nous réfléchissons en termes de savoir-faire, et après il est facile de faire le lien avec les emplois… une démarche vraiment différente de celle des purs financiers.
Bios express
François Duparc
– 57 ans
– 1990 : entre chez Dunlopillo, en tant que directeur commercial, puis directeur général adjoint
– 2002 : prend la responsabilité (marketing / commerce) de Dunlopillo et Treca au sein de la holding Oniris
– 2007 : départ du groupe Cauval (qui avait racheté les 2 marques un an plus tôt) suite à une divergence de point de vue stratégique
– Actuellement : importateur exclusif (pour la France, le Benelux et la Suisse) du produit américain Pure Talalay Bliss (anciennement Pure Latex Bliss)
Alain Boussuge
– 64 ans
– 1987 : entre dans le groupe Epéda Bertrand Faure en tant que directeur régional, puis directeur grands comptes
– 1998 : entre chez Simmons (groupe Dumeste) au poste de directeur commercial pour contribuer au repositionnement et à la remontée de la marque
2008 : est nommé Directeur général de Simmons
– Départ du groupe Cauval fin 2012 pour une retraite « active » : la marque a alors retrouvé une position de leader.