Organisée le 4 décembre à Paris, la journée annuelle du Groupement Contract de l’Ameublement français avait pour thème « Le sport, dynamique et influence sur les espaces de l’hôtellerie et de la restauration ». A cinq ans de l’ouverture des JO 2024, environ 80 acteurs de l’aménagement des espaces de vie ont répondu à l’appel, pour prendre la mesure des besoins suscités par cet événement pour le secteur hôtelier et les espaces de restauration, et pouvoir y répondre avec une offre orientée notamment vers la fonctionnalité, la flexibilité, l’accessibilité et le recyclage.
Première destination touristique du monde – avec plus de 86 millions de touristes en 2017 – la France a un besoin important d’infrastructures, notamment hôtelières mais pas seulement, pour les accueillir. A ce flot ininterrompu de visiteurs étrangers, qui séjournent dans l’Hexagone pour un week-end ou des vacances prolongées, s’ajoutent ceux qui viennent pour assister à des événements planétaires, notamment les grands événements sportifs, en tête desquels figurent, à moyen terme, les Jeux Olympiques de 2024. Dans les cinq ans à venir, il ne fait pas de doute que les projets de réhabilitation d’hôtels, de restaurants, et de sites d’accueil et d’hébergement vont se multiplier, pour les professionnels du secteur qui voudront profiter au mieux de cette manne internationale. Comment les entreprises spécialisées dans les aménagements intérieurs et le contract peuvent-elles, elles aussi, tirer leur épingle du jeu ? En comprenant quelles sont les tendances du secteur, et les attentes des donneurs d’ordre qui vont investir sur ce marché. C’est le thème qui a été retenu par Philippe Jarniat, chef de marché à l’Ameublement français, pour organiser la rencontre annuelle du groupement Contract, le 4 décembre dernier à Paris.

Le tourisme sportif : un volume d’affaires important
Pour ouvrir cette journée, la parole a été donnée à un grand sportif, et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agissait de Michael Jérémiasz, champion de tennis handisport. Ce quadruple médaillé aux Jeux Paralympiques entre 2004 et 2012, vainqueur de l’Open d’Australie et de l’US Open de tennis fauteuil, s’est depuis reconverti comme consultant pour accompagner les personnes handicapées suite à un accident de la vie, conseiller les entreprises pour intégrer les salariés handicapés, et changer le regard sur le handicap. Son discours à l’attention des décideurs du monde hôtelier tient en quelques mots : « L’enjeu principal, c’est le regard des autres, ce qui prend une importance particulière dans les métiers de l’accueil. Tous handicaps confondus, environ une personne sur six est concernée, la solution de bon sens consiste donc banaliser le handicap, pour donner aux personnes handicapées un droit à l’indifférence. » Conséquences pour un événement comme les JO de 2024 ? Tout doit être fait pour faciliter le parcours non seulement des athlètes handisports, mais aussi de tous les visiteurs handicapés, en concevant des aménagements non pas à leur attention –notamment la chambre d’hôtel – mais des équipements communs qui sont à la fois utilisables par eux, et utilisables par tous.

Sous-directeur Hébergement et Filières Touristiques de Atout France (www.france.fr), l’agence de développement touristique nationale, Christophe de Chassey a expliqué que cet organisme a deux fonctions : promouvoir la destination France pour attirer davantage de touristes, et accompagner les porteurs de projets dans leurs investissements. Avant de donner quelques chiffres significatifs : les 86,2 millions de touristes venus en 2017 font de la France la première destination mondiale, la consommation touristique intérieure (étrangers + Français) atteint 160 milliards d’euros (2016), ce qui en fait le premier secteur économique en France, avec plus d’1,3 million de salariés. Autre indicateur, les recettes du tourisme international en France s’élèvent à 50 milliards d’euros, en hausse de 33 % entre 2000 et 2016, avec des investissements de l’ordre de 13 milliards d’euros par an (2017). L’intervenant a attiré l’attention sur l’opportunité représentée par les JO 2024, « une vitrine extraordinaire pour mettre en avant les atouts, et l’art de vivre français, en gastronomie, en innovations, en savoir-faire, notamment en agencement, ergonomie et confort, et ainsi profiter de cet événement pour faire avancer les grands travaux structurants, la rénovation de nos équipements, et leur accessibilité. »
En effet, ce rendez-vous planétaire génère différentes retombées : les impacts directs liés aux dépenses générées par l’événement, les impacts indirects issus des échanges le long de la chaîne de valeur (sous-traitants et fournisseurs), et les impacts induits issus de la consommation des ménages générée par les revenus liés aux impacts directs et indirects. Il en résulte un impact très important des grands événements sportifs sur l’hôtellerie. Par exemple, la Coupe du Monde de Football 2018 en Russie a généré une hausse de 83 % du taux d’occupation des chambres, une croissance de 303 % de leur prix moyen, et une hausse de 338 % du RevPAR (revenu par chambre). Des estimations sont déjà avancées pour les JO 2024 à Paris, qui devraient générer la vente de 12 millions de billets, 3,5 milliards de téléspectateurs, 500 000 spectateurs, 15 à 20 millions de visiteurs étrangers, 10,7 milliards de retombées économiques (dont 1,8 milliard lié à la construction et des bénéfices de 300 à 600 millions d’euros sur 18 ans, selon un scénario positif) et 247 000 emplois créés. « 15 000 chambres d’hôtel seront construites ou rénovées en Ile-de-France d’ici 2025, sans oublier la préparation des sites en lien direct ou indirects avec la compétition, zones d’accueil, espaces publics, fan zones, VIP rooms, autant d’opportunités de mettre en avant des styles, des savoir-faire et une fabrication made in France » a conclu l’intervenant.

Accompagner les tendances de la restauration
Les grands événements sportifs, ce sont aussi des milliers de sites de restauration, qui sont en pleine métamorphose, pour accueillir les visiteurs. « Des investissements très importants seront réalisés sur ce marché en vue des JO 2024, avec des nouvelles typologies de lieux de restauration, qui tournent le dos à la restauration traditionnelle, comme on le voit déjà à Paris avec des lieux d’avant-garde comme la Station F (pépinière d’entreprises et lieu de restauration), ou l’ancienne friche industrielle Grand Control, où a eu lieu la Paris Design Week », explique Sarah Jafarshad-Rajaei, directrice du cabinet d’architecture et ingénierie en restauration Bleu Vert Concepts. Les lieux de restauration de demain seront notamment des lieux de transit – gares, aéroports, musées, marchés… – où on profite d’un laps de temps libre pour se restaurer. Ils seront aussi des lieux qui ont une personnalité, une âme, une marque qui les distingue du tout-venant. Ainsi, la consultante prédit un bel avenir aux petits espaces, à la déco soignée, où on se sent un peu chez soi, voire à des lieux qui proposent une « immersion » dans un autre univers, une cuisine et un décor japonais, ou indien, ou renvoyant dans le passé… Les lieux à succès pourront aussi proposer une expertise dans un domaine précis, par exemple la production de bière sur place, ou la préparation de cocktails maison dans les règles de l’art. Autres possibilités, surfer sur le digital, en proposant des repas à commander et retirer en click and collect, ou à se faire livrer en express, ou encore surfer sur le « naturel », en cuisinant les légumes cultivés sur place dans son propre potager urbain. « L’essentiel est de créer des vrais lieux de vie, ajoute la consultante, où on peut aussi pourquoi pas travailler ou se réunir, avec une plage horaire étendue pour s’adapter aux emplois du temps les plus diversifiés des clients. »
Une tendance qui se concrétise notamment dans les gares françaises. Sur un marché du « retail travel » estimé à 5 milliards d’euros, répartis aux 2/3 dans les aéroports et pour 1/3 dans les gares, la SNCF entend profiter des 10 millions de voyageurs quotidiens dans ses quelques 3000 gares pour capter cette nouvelle tendance de consommation. « 400 de nos gares possèdent au moins un commerce, pour un total de 1500 points de vente gérés avec 256 enseignes différentes, explique Antoine Nougarède, directeur général de SNCF Gares et Connexions. 34 % de notre chiffre d’affaires est réalisé avec la presse et les combistores, 25 % avec la restauration et l’alimentation à emporter, 18 % avec les services commerciaux (loueurs, bureaux de change…) et 15 % avec les boutiques. » Pour séduire la clientèle touristique et événementielle, SNCF Gare et Connexions met l’accent sur la gastronomie, en proposant un programme de 38 gares accueillant un buffet associé à un chef étoilé – Eric Fréchon à Paris Saint-Lazare, Michel Roth à Metz, Thierry Marx à Paris Nord… – qui traduit une montée en gamme et des aménagements à venir. Les gares parisiennes et franciliennes, qui accueilleront les spectateurs des JO 2024, feront l’objet de nombreux programmes de travaux.

Directeur Design et Technique Services France au sein du groupe Accor, Pascal Guéméné a confirmé les besoins existants du secteur hôtelier pour des concepts à la fois innovants, modulables, et adaptable en fonction des typologies d’hôtels, qui présentent en même temps une capacité au recyclage, qui devient un enjeu majeur pour les grands acteurs du secteur, tout en indiquant avoir une réflexion en cours pour intégrer la problématique des PMR (personnes à mobilité réduite). « A l’horizon des JO 2024, les besoins exprimés en rénovation par le secteur hôtelier, et par la restauration dans les espaces publics comme les gares et aéroports, doivent nous renforcer dans l’idée de travailler ensemble avec nos entreprises de fabrication, nos agenceurs, et les architectes d’intérieurs et aménageurs, a conclu Philippe Denavit, le président du groupement Contract de l’Ameublement français. Nous pouvons y répondre avec nos capacités de production, nos savoir-faire, notre culture du sur mesure et notre volonté d’accueillir tous les publics. » Cinq ans avant la cérémonie d’ouverture, la course de fond des acteurs du contract est lancée.
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ZECAMP, un concept conçu par et pour les sportifs
Il arrive que les mondes du sport de haut niveau et du contract se rejoignent, comme c’est le cas avec le concept Zecamp, un établissement hôtelier pour les sportifs, créé à Corrençon-en-Vercors (Isère) par la championne olympique de biathlon Marie Dorin et son compagnon Loïs Habert, en partenariat avec le groupe hôtelier lyonnais SCSP. « Nous avons utilisé notre expérience de sportifs pour créer des aménagements adaptés, des espaces pour ranger le matériel à la salle de fitness, de la restauration diététique au coaching personnalisé », explique la biathlète. En plus de l’hébergement, Zecamp propose un ensemble d’activités sportives, dont le vélo et des stages de biathlon. Un bel exemple d’établissement innovant, avec des aménagements et fonctionnalités sur mesure, pour aller au-devant d’une nouvelle clientèle.
