Compétitivité, innovation, distribution, international, situation de Steinhoff / Conforama… Luis Flaquer, directeur général de Cofel – marques Epéda, Bultex et Mérinos –, livre un point sur la stratégie et les ambitions du groupe, au sein d’un marché de la literie et de la distribution d’ameublement chahuté.
Comment se porte le groupe Cofel ?
Le Groupe se porte bien. À fin octobre, nous terminerons l’année 2019 avec un chiffre d’affaires en hausse de 10 %, à environ 236 millions d’euros contre 215 millions l’année dernière ; ceci nous permet de retrouver nos niveaux records de CA de 2015 et 2016. En outre, le Groupe est toujours profitable – et avec une profitabilité croissante – bien que nos marges soient encore inférieures à nos meilleures années que j’ai citées ci-dessus.
Toutes les marques contribuent-elles à ces résultats ?
Absolument. Nos trois marques sont en croissance, et il est également important de souligner que cette évolution positive s’observe aussi chez l’ensemble de nos circuits (spécialistes, grande distribution, etc.)
En février dernier, votre groupe a fermé l’un de ses cinq sites de production, à Mazeyrat-d’Allier en Haute-Loire, afin de préserver sa compétitivité. Pouvez-vous dire qu’aujourd’hui, le processus de restructuration est terminé ?
Oui. Il était nécessaire de réduire nos coûts fixes pour effectivement préserver notre compétitivité. Nous n’étions pas en sous-activité, nous n’avions pas trop de collaborateurs directs, mais nous avions trop de coûts fixes. Notre usine de Mazeyrat était louée et, étant par ailleurs la plus petite, son ratio frais fixes / chiffre d’affaires était le plus élevé… Cette usine est aujourd’hui revenue à son propriétaire. La fabrication des produits Bultex, dont elle était en charge, a été répartie sur deux des autres usines du groupe, à savoir Noyen-sur-Sarthe et Limoges; pour compenser, la production de Epeda faite à Limoges a été elle-même été transférée vers notre usine spécialisée sur Epeda à Criquebeuf-sur-Seine, en Normandie [site inauguré il y a tout juste trois ans, ndlr]. Aujourd’hui, cette restructuration est donc terminée, et permet à Cofel, comme je le disais, de voir son chiffre d’affaires, ses marges et son niveau de profitabilité augmenter.
L’export, aussi, génère une partie de la croissance du groupe…
Tout-à-fait. Nous avons mis en place une stratégie export avec la marque Epéda, et cela porte ses fruits : ce sont plus de dix millions d’euros qui auront été réalisés à l’international en 2019, ce qui représente une croissance, très satisfaisante, de plus de 10 %. Notre volonté étant de dépasser les frontières de l’Europe pour aller vers des horizons beaucoup plus lointains, nous avons participé au salon de Shanghai, en septembre dernier : ceci nous a permis de nouer plusieurs contacts très qualitatifs, et notamment de conclure un partenariat pour l’Arabie Saoudite – le premier magasin a ouvert à Riyad – mais aussi pour la Corée du Sud. Nous avons également bon espoir de déboucher sur de tels contrats au Vietnam, en Chine et au Japon, au cours de l’année prochaine… L’idée est de trouver un partenaire de référence par pays, pour y exporter un échantillon adapté de l’offre Epéda. Pour nous aider à l’exportation, l’hôtellerie sera une belle vitrine et un sérieux catalyseur, nous en avons déjà eu la preuve.
Le groupe Steinhoff, maison-mère de Conforama – qui détient toujours la moitié du capital de Cofel – devait vous aider à exploiter cette voie de l’export… Quid de la situation, aujourd’hui ?
En effet, l’entrée au capital de Cofel du groupe Steinhoff [en 2016, ndlr], à hauteur de 50 %, devait notamment être un moyen d’accélérer notre stratégie à l’international. Cela n’a pas fonctionné [rappelons que Steinhoff est plongé dans un vaste scandale financier depuis décembre 2017, ndlr]. Nous avançons donc sur cette voie par nos propres moyens : cela va demander du temps, mais le lancement à l’export était nécessaire. Aujourd’hui, nous avons mis en place une structure dédiée, nous misons sur les salons à l’étranger, et, surtout, nous avons la chance de profiter d’un outil de production performant – l’usine de Criquebeuf-sur-Seine, en Normandie, inaugurée il y a tout juste trois ans – dont l’emplacement est complètement stratégique pour exporter facilement nos produits, que ce soit par voie fluviale ou routière…
Ceci nous amène à vous interroger, plus généralement, sur l’influence que peuvent avoir les graves difficultés que connaissent actuellement Steinhoff et Conforama sur le fonctionnement de Cofel. Vous affirmiez, entre autres, être aussi en croissance, actuellement, sur le secteur de la grande distribution, malgré les turbulences dont il peut faire l’objet ?
Steinhoff détient effectivement toujours la moitié du capital de Cofel, l’autre moitié étant dans le giron du groupe Pikolin. A l’époque, en décembre 2017, alors que les difficultés de Steinhoff sortaient au grand jour, nous avions réagi assez vite en rappelant que la gestion opérationnelle de Cofel était toujours menée de manière indépendante, et n’était donc aucunement impactée par les turbulences que connaissait le groupe sud-africain. C’est – logiquement – toujours le cas aujourd’hui. En revanche, il est vrai que les difficultés de Steinhoff nous ont empêchés, comme je le disais, de bénéficier de leur soutien pour notre déploiement international… Concernant Conforama – qui génère environ 25 % du chiffre de Cofel, comme But – je tiens à dire qu’il a toujours tenu ses engagements, que ce soient en termes de commandes ou de paiements. C’est un client qui a toujours été très exigeant pour notre groupe, mais également très fiable. Maintenant, si l’on veut évoquer la suite des événements, chez Cofel nous sommes convaincus que des solutions pérennes vont être trouvées, et travaillons en ce sens. La seule chose, c’est que nous pourrions gagner encore des parts de marché chez Conforama – en proposant des produits qui plaisent, valorisés par une communication percutante, etc. – et dans ce cas, cela compenserait l’éventuelle diminution d’activité entraînée par la fermeture annoncée de magasins [toujours officiellement portée à une trentaine, ndlr]. Mais il est sûr que Conforama continuera d’être l’un de nos deux clients principaux, parmi les 900 que nous avons, au total, en France. En tous les cas, actuellement, Cofel est en croissance de chiffre aussi bien chez lui que chez But.
Attachons-nous, maintenant, aux autres clients de Cofel, à savoir les généralistes ameublement et spécialistes literie. Des évolutions stratégiques ont été menées récemment à l’attention de ce circuit ; pouvez-vous faire un point sur ce qui a été fait, et sur les ambitions du groupe en la matière ?
Notre ambition est que, pour ces clients – comme pour ceux de la grande distribution d’ailleurs – il soit toujours plus facile de travailler avec Cofel. En d’autres termes, notre ambition est de devenir le partenaire naturel de l’ensemble de nos clients distributeurs, leur « one stop shop » [littéralement « guichet unique » – lieu commercial regroupant la plupart des services offerts à la clientèle, ndlr], cela grâce à plusieurs atouts. D’une part, une offre de gammes de produits les plus larges (matelas, sommiers, lits-coffres, roulés, compléments, etc.), avec toutes les technologies et tous les niveaux de prix. Il s’agit aussi, d’autre part, d’être le partenaire le plus fiable, avec lequel il est le plus facile de travailler : chaque distributeur a un unique interlocuteur chez Cofel, le service clients est centralisé avec un centre de contacts ultra moderne, il y a la possibilité de travailler avec nous uniquement par voie numérique – dès l’année prochaine, avec un outil dédié – si cela est souhaité… Enfin, nous devons être un fournisseur toujours plus compétitif, et à la recherche constante d’amélioration industrielle et logistique : sur ce point, je peux notamment vous dire que nous travaillons pour réduire encore nos délais, à compter de 2020. Ainsi, aujourd’hui, grâce à toutes ces actions, je crois que les distributeurs spécialisés nous font davantage confiance, et nous enregistrons, chez eux aussi, en 2019 une croissance plus importante que celle du marché.
Comment, concrètement, Cofel contribue à soutenir la profession ?
Nous soutenons la profession, avant tout, en étant moteur pour la recherche et l’innovation dans le monde de la literie. Nous investissons beaucoup dans la connaissance du sommeil : la création du « SommeilLab » Bultex, il y a quelques années, nous a permis le lancement notre E-Bed, le premier matelas connecté en France… Le SommeilLab Bultex a aussi établi des partenariats pour la recherche et le développement des produits du futur, à l’image de celui noué avec l’INSEP [Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance, ndlr], ou avec l’European Sleep Center. Nous participons à divers événements à l’image du Congrès du Sommeil, qui s’est tenu à Lille la semaine dernière… C’est en cela que nous soutenons la profession, par l’ensemble de ces partenariats, mais aussi par la démarche d’aller porter les couleurs de l’industrie française du meuble à Shanghai par exemple, comme nous avons pu le faire il y a deux mois avec le GEM [le Groupement des Exportateurs de Meubles, intégré à l’Ameublement français, ndlr].
Vous n’avez toujours pas renouvelé votre participation à EspritMeuble…
En effet. La participation aux salons de l’étranger nous semble plus appropriée, étant donné nos ambitions à l’international ; en outre, nos showrooms de la région parisienne et de Criquebeuf nous permettent de recevoir, de manière privilégiée, chacun de nos clients tout au long de l’année.
Pour conclure, quel cap le groupe Cofel doit-il conserver pour les mois à venir ?
Plus que jamais, comme je l’évoquais précédemment, notre ambition première est que Cofel cultive sa proximité avec les distributeurs et devienne leur partenaire de leur choix, leur réflexe naturel… et donc même leur « one stop shop » ! Si l’on remonte en arrière, on peut se rendre compte que Cofel s’est sans cesse amélioré, et je vous garantis que nous allons continuer de le faire. Je suis convaincu que nos trois marques, créées et toujours fabriquées en France – ce qui est quasiment exclusif sur notre marché – sont promises à un bel avenir !