Le dépôt des offres définitives pour le rachat de Dunlopillo a été clôturé le 4 mars : parmi les candidats repreneurs, l’Allemand Emma – qui s’inscrit ainsi dans la course aux côtés de Finadorm et Jacquart – déjà propriétaire de la marque outre-Rhin, qu’elle a redressée en quelques années. Thibault François, co-fondateur d’Emma Matelas France et directeur, livre son analyse de la situation et détaille les différents enjeux d’une telle reprise.
Le Courrier du Meuble et de l’Habitat : Pouvez-vous nous préciser les contours de l’offre déposée par Emma ?
Thibault François : C’est, très précisément, une offre conjointe que nous avons émise avec le groupe britannique Vita, fournisseur de mousse pour literies et équipements, avec lequel nous travaillons déjà. C’est ainsi la meilleure des synergies : d’un côté, Emma est très performant dans la R&D, le développement d’une marque et, de l’autre, Vita se spécialise dans la production – une production de très belle qualité, c’est important de le souligner. L’idée, concernant tous les produits Emma et Dunlopillo qui seront vendus sur le territoire, est de faire du 100 % fabriqué en France, sur un site où la production sera entièrement intégrée : autrement dit, on y fabriquera à la fois la mousse et les matelas. Ce site sera celui de Limay, déjà très vaste, ou bien un autre, situé à proximité : nous ne le savons pas encore ; en revanche, la reprise de celui de Mantes, trop vétuste, ne fait pas partie de notre offre. L’idée, dans un premier temps, est de sortir de ce site 200 000 matelas chaque année, qu’ils soient estampillés Emma ou Dunlopillo, ce qui assurera donc un certain rythme aux salariés maintenus dans leurs postes.

Le Britannique Vita, partenaire d’Emma dans ce projet, a le projet de mettre en place un site industriel ultra-moderne dans les Yvelines.
Justement, vous disiez, à l’époque du dépôt de l’offre préliminaire, que vous chercheriez à « sauvegarder, de manière pérenne, le plus grand nombre d’emplois possible ». Pourtant, votre offre définitive est celle qui maintient le moins d’emplois…
Effectivement, mais nous restons pourtant sur notre promesse initiale : il s’agit de sauvegarder un maximum d’emplois de manière pérenne. Uniquement grâce à Emma, le carnet de commandes est assuré pour les trois prochaines années, et ce même si nous échouons à relancer Dunlopillo. Relancer une marque prend du temps, et c’est une aventure périlleuse… L’associer à une usine, c’est garder ce risque une fois de plus. Les entreprises Emma et Vita sont profitables, tout y est financé en fonds propres, nous n’avons pas la pression de créanciers à rembourser… ce qui prouve que les stratégies sont bonnes. Comme je le disais, Vita a le projet de mettre en place un site industriel ultra-moderne dans les Yvelines, donc à la pointe, notamment, en termes d’automatisation : c’est cela qui rend les entreprises de notre secteur particulièrement compétitives. Nous évaluons donc à cinquante le nombre d’emplois conservés, mais ils le seront durablement. Et, dans un second temps – sur la première année – de nouvelles embauches seront faites.
En 2016, Emma a racheté et redressé la marque Dunlopillo en Allemagne. Y a-t-il des différences avec la situation actuelle de la marque – et les enjeux futurs – en France ? Si oui, quelles sont-elles ?
Il y a quelques similitudes. Lorsque nous avons repris Dunlopillo outre-Rhin, l’opération ne concernait que la marque, car la production n’existait plus ; il y avait, en outre, un véritable traumatisme chez les fournisseurs, et il était également très compliqué, au début, de travailler de nouveau avec les distributeurs… En fait, Dunlopillo avait un très gros problème de positionnement, la valeur ajoutée et l’identité de la marque avaient été complètement diluées. Marque que, depuis, nous avons solidement repositionnée, avec des produits d’entrée affichés à 800 – 900 euros, pour aller jusqu’à 1 500 euros, tous très technologiques : une vingtaine de personnes travaillent sur la recherche et le développement pour mettre au point les collections. Ainsi, en France – où il existe également ce problème de positionnement très « flou » – tout l’enjeu est là : nous devons prendre notre temps, regagner la confiance des distributeurs de manière sereine, sans faire forcément, toutefois, un « copier / coller » de ce qui a été réalisé en Allemagne.

« Uniquement grâce à Emma, le carnet de commandes est assuré pour les trois prochaines années, et ce même si nous échouons à relancer Dunlopillo » avance Thibault François, insistant ainsi sur la pérennité des cinquante emplois appelés à être sauvegardés dans l’offre.
Quels sont alors, plus précisément, vos projets pour la marque ?
Je le redis, il s’agit de prendre notre temps pour le repositionnement de Dunlopillo. Cela peut prendre deux ans, par exemple, sachant que, comme je le disais en préambule, les volumes de fabrication seront assurés, de toutes manières, avec les matelas Emma…
Entretien complet dans Le Courrier daté du vendredi 13 mars 2020
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