Nous rendons hommage au président de la chambre de Provence – qui cumula tant d’autres fonctions – disparu il y a quelques jours, à l’âge de 83 ans.

Jean-Pierre Tricoire
Une fois n’est pas coutume, je fais le choix d’écrire à la première personne, en tant que rédactrice en chef du Courrier, pour me souvenir de l’une des plus gentilles personnes qu’il m’ait été donné de rencontrer jusqu’alors, depuis que je fréquente ce beau milieu du meuble. Ce beau milieu dont Jean-Pierre était à l’image : tout simplement attachant.
Attachant, par les étoiles dans les yeux que l’on pouvait franchement déceler lorsqu’il évoquait sa carrière – dont, je dois bien l’avouer, j’ai eu maintes et maintes fois le récit lors d’agréables déjeuners au soleil sur le parc Chanot durant la Foire de Marseille, sans toutefois jamais m’en lasser – et la passion qui l’animait. Cette carrière, il en était fier – et avait assurément de quoi l’être ! – en sachant se satisfaire, humblement, de ce qu’il avait pu réaliser et apporter au monde du meuble, mais aussi plus largement de la formation, l’entreprenariat et du commerce. Cette « humble fierté », qui rendait Jean-Pierre si attendrissant, j’avais pu symboliquement en prendre la mesure lorsque durant un temps libre au moment du salon de Marseille, il m’avait précautionneusement extirpé de sa serviette, telle une relique – et cela en était bel et bien une ! – un catalogue Décorateurs et Ebénistes de France originel… ce qui me faisait dire qu’il avait très souvent l’un de ces précieux exemplaires sur lui, comme pour ne jamais oublier cette époque de sa vie qui l’avait particulièrement animé. Attachant, également, en maître de cérémonie lors des fameuses « Nuits du Meuble » organisées chaque année le premier mardi de la Foire, pour fédérer ses exposants autour de moments toujours très conviviaux… Evidemment, j’ai connu Jean-Pierre beaucoup moins longtemps que n’a pu le fréquenter, par exemple, mon ancien patron François Prévot, fils du fondateur du Courrier, avec lequel j’ai cru comprendre qu’il y avait eu – entre autres ! – de belles parties de « rigolade » (que l’un et l’autre s’amusaient à me raconter avec malice). Mais ces quelques années passées à observer ce rituel, fin septembre, de la visite de ce beau salon Meuble & Déco de Marseille, ou à assister aux AG de la chambre de Provence qui parvenaient toujours à fédérer beaucoup de monde, je les garderai en mémoire, toujours. Et, Jean-Pierre, je vous fais solennellement la promesse d’aller enfin manger cette fameuse bouillabaisse dont nous avons tant parlé : « Une vraie, une bonne ! Pas celle des endroits à touristes ! » – vous me l’avez tellement répété… Je conserve précieusement vos adresses. Merci pour tous ces beaux moments.
[E. B.]
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Didier Baumgarten, président de la CNEF
« J’étais très intimidé, à 28 ans, lorsque, benjamin des présidents de chambres syndicales, je suis arrivé à Paris à l’AG de la FNA : je crois que c’était en 1983. Jean-Pierre s’est tout de suite chargé de moi, et je me souviens de ce : « Viens, petit, on va te montrer comment ça marche, la FNA ! »
Vingt ans plus tard, devenu président de la FNA, j’entamais la construction de la FNAEM, avec Jean-Pierre toujours à mes côtés dans cette refondation. Sa grande réalisation a été la convention collective dont il est le père spirituel, ainsi que celle de l’électroménager, très proche, qui nous permet aujourd’hui de fusionner avec la CNEF.
Il n’était jamais absent : on pouvait toujours compter sur lui, et moi sur son soutien indéfectible et sa fidélité sans faille. Son éloquence et sa verve très marseillaise nous comblaient tous. Je le revois sortir du bureau de la rue Saint-Lazare avec Christophe Cuvillier – alors président de Conforama – en pleine crise de libération de dimanche dire « Ca y est, on a trouvé la solution ! » L’accord griffonné sur un papier entre les deux hommes est toujours la base de notre tranquillité sur ce sujet sensible dans notre profession.
J’aimais beaucoup Jean-Pierre, un homme d’une grande gentillesse tourné vers les autres.
Il nous manquera. »
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Gérard Tugas, président de la chambre Languedoc / Roussillon, vice-président FNAEM
« Avec Jean-Pierre, nous nous connaissions et apprécions très bien. Nous avons partagé plusieurs causes, notamment la défense des chambres syndicales… J’ai beaucoup de souvenirs des deux comités des présidents organisés à Marseille, à dix ans d’intervalle, mais aussi de quelques années de présence commune lors des conseils d’administration de la fédération. Je garde dans mon bureau une belle photo où nous sommes sur un bateau à Marseille avec Didier [Baumgarten, ndlr] et lui : que de grands moments ! Un des derniers souvenirs est la soirée que nous avons passée à Nice avant le premier confinement, où la chambre locale avait organisé un très bel événement, convivial à souhait.
Jean-Pierre était également un homme très réactif et intelligent qui – contrairement à ce que l’on aurait sans doute pu penser sans le connaître, au vu de toutes ces décennies passées dans la profession avec une telle implication – avait su évoluer et faire évoluer son opinion avec le temps. »
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Jacques Kotler, ancien président CNAEM Côte-d’Azur
« Au même titre que la profession se voit privée, désormais, de l’une de ses grandes figures, je perds un grand Ami, avec énormément d’émotion. Nous étions d’abord liés par le travail – j’ai été adhérent Décorateurs et Ebénistes de France, et président de la chambre d’ameublement voisine de la sienne – mais au fil des années – je connaissais ainsi Jean-Pierre depuis près de trente ans – cette relation a évolué, si bien que je peux dire que nous étions devenus comme les deux doigts de la main ! De lui, je retiens sa profonde honnêteté, sa grande humanité, son dévouement pour la profession : il s’investissait entièrement pour tirer le meuble vers le haut, car le meuble était, tout bonnement, sa vie. Il était facile de discuter avec lui, car il était toujours dans le dialogue, n’ayant jamais un mot plus haut que l’autre : les solutions se trouvaient ensemble, il n’avait pas son pareil pour faire face aux difficultés ! Nous avons souvent travaillé main dans la main, d’autant que nous avions également en commun des fonctions qui dépassaient celles du meuble, à la CPME par exemple. Je retiens également ces fabuleux moments que nous avons vécus à l’occasion de congrès Décorateurs et Ebénistes de France, un réseau sous lequel il avait réussi à fédérer de bons et fidèles adhérents, dont il était très proche : je ne l’ai jamais connu prendre l’avion ou le train, car même s’il devait monter à Paris, par exemple, prendre sa voiture était l’occasion de rendre visite à ses franchisés qui se trouvaient sur le chemin ! Pour ce réseau, il avait également sorti de très beaux catalogues, qui auront marqué beaucoup de monde. La grande humanité de Jean-Pierre s’exprimait également à travers son implication envers plusieurs associations : il faisait beaucoup de bénévolat pour les bonnes causes. Enfin, je ne pourrai m’empêcher d’évoquer nos (gentilles) chamailleries lorsqu’il s’agissait de football : lui supportant l’OM et moi l’OGC Nice, nous plaisantions souvent, en toute amitié. Oui, je perds un grand Ami, et me faire à cette idée me prendra beaucoup de temps ».
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« Toute mon admiration, mon affection et ma reconnaissance au Président avec lequel je viens de passer presque 30 ans de collaboration »
Cet hommage à Jean-Pierre Tricoire ne saurait être légitime sans évoquer la fabuleuse collaboration – le terme ne semble pas excessif – que le président de la Chambre de Provence avait construite avec sa secrétaire générale, Michèle Dortet d’Arnaud. Les adhérents de la CSA et, plus largement, la profession du meuble, doivent beaucoup à ce binôme, qui fut aussi gentil et complice que dévoué à la profession. « Au nom du conseil d’administration, des adhérents et de la nouvelle secrétaire de la chambre syndicale de l’ameublement, je viens adresser un dernier adieu à Jean-Pierre Tricoire, et apporter toute mon admiration, mon affection et ma reconnaissance au Président avec lequel je viens de passer presque 30 ans de collaboration, mais surtout à l’homme attaché à la famille, à l’amitié » a déclaré Michèle Dortet d’Arnaud lors de la cérémonie d’adieu du 20 septembre. Celle qui était devenue « son amie, et quelquefois sa confidente » est, comme on peut l’imaginer, riche d’anecdotes qui nous dessinent un « Monsieur Tricoire » – ainsi qu’elle l’appelait encore au bout de toutes ces années ! – si attachant… mais également exigeant ! Humain, droit, bavard, bouillonnant d’idées, parfois très (trop) long à prendre une décision, mais sachant tout de même se montrer déterminé… et parfois trop, ce qui a donné lieu à de nombreuses situations amusantes : « Je me rappelle notamment de ce déplacement où il s’était mis en tête de passer un col enneigé, alors que – j’étais dans la voiture à ses côtés – je l’en dissuadais. Et bien, évidemment, nous avons eu des problèmes, et la redescente a été particulièrement épique » nous confie, sans un certain amusement, celle qui avoue, par ailleurs, avoir plusieurs fois appréhendé de monter dans les « voitures incertaines » de son président. Malgré tout, Michèle Dortet d’Arnaud retient énormément de beaux souvenirs de ces virées, pour la chambre syndicale ou la Fédération, à travers la France, que Jean-Pierre connaissait parfaitement, même si un attachement viscéral le liait à sa chère région marseillaise qui l’avait vu naître. A côté de cela, le travail au sein de la CSA était dense – avec des périodes très intenses, notamment lors des foires chaque année – et le président exigeant : cette chambre, qu’il avait intégrée en 1966 en tant que secrétaire général, et qu’il a ensuite considérablement renforcée durant sa présidence pour en faire l’une des plus représentatives de France – elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui en 1993, lorsqu’il a souhaité réunir les chambres de sept départements – doit tout son dynamisme à cet emblématique duo profondément travailleur et véritablement complémentaire. Mais si Jean-Pierre, aujourd’hui, nous a quittés, et cela quelques mois après le départ en retraite de Michèle, cette dernière est néanmoins convaincue du bel avenir de la CSA Provence : « Ses successeurs sauront faire survivre son bébé qu’était la chambre syndicale, et défendre les valeurs du Président Tricoire » a-t-elle conclu dans son discours d’hommage.