C’est avec émotion que nous avons appris le décès de Monsieur René Lévêque (Chevalier de la Légion d’honneur, Chevalier de l’ordre national du Mérite et Officier des Palmes académiques) survenu le 24 juin dernier. Nous publions ici un texte rédigé par Henri Griffon pour lui rendre hommage.

« René Lévêque, PDG de la société ORDO, nous a quittés ce dimanche 24 juin.
Né le 28 janvier 1925, fils d’agriculteurs du Périgord, en dehors de sa famille, il a consacré sa vie à ses trois passions : les Compagnons du Devoir, la formation des hommes au sein des AFPIA, ainsi que son entreprise ORDO.
Dès l’âge de 7 ans, René manifeste le désir de travailler de ses mains. Il avait comme modèle son oncle très bon carrossier mais pour lui, ce sera le bois. En 1945, il entre chez les Compagnons du Devoir où, selon ses dires, il rencontre « les plus beaux personnages de sa vie ». Il apprend la technique, la fidélité au travail et aux hommes. Son tour de France, son chef d’œuvre terminé en 1946, vient ensuite la construction du siège provincial de Nantes en 1957 où il fit deux mandats de cinq ans comme provincial.
Les Compagnons lui ont donné une dimension et une connaissance nationale des métiers du Bois. Ils lui ont transmis les valeurs fondamentales qui furent siennes tout au long de sa vie : l’exigence du devoir, la qualité du travail, la fidélité aux hommes. Parmi ses belles rencontres : Jean-Bernard, créateur de la « Fonderie de Coubertin » fut un compagnon cultivé et inspiré, fils du célèbre sculpteur Joseph Bernard, ami et collaborateur de Ruhlmann. Jean-Bernard, ou « La Fidélité d’Argenteuil », tailleur de pierres et riche de tous les dons, fut une référence de tous les instants dans la vie de « René le Périgord ». On comprend alors le sens de l’engagement du Compagnon : transmettre les valeurs du Compagnonnage à la jeunesse.
Dès l’achat des établissements ORDO en 1957, René Lévêque pense, en effet, à la formation de ses équipes. Il participe à la fondation de l’AFPIA avant même la création de notre Union des Industries Françaises de l’Ameublement. Il ouvre les ateliers d’ORDO pour recevoir les apprentis de ses confrères, pour apprendre à les former. Il est dans l’Ouest, avec Patrice Gautier, l’homme qui porte le dossier de la formation comme un objectif d’intérêt général… Les industriels de l’Ameublement de l’Ouest lui doivent l’AFPIA de Montaigu : il fera acheter les terrains par l’UNIFA, construire les bâtiments, inaugurés en 1978 par Madame Giscard d’Estaing, pour en faire l’outil performant que l’on connait aujourd’hui. Pour le Compagnon du Devoir, la confraternité est une valeur obligatoire.
Parallèlement à son engagement syndical et professionnel, René Lévêque applique toutes les règles du compagnonnage au développement et à la croissance de l’œuvre de sa vie : ORDO. Il aimait citer Charles Péguy : « Je ne casse pas des cailloux, je construis une cathédrale ». En 1956, René le Périgord arrive en Vendée et, début 1957, rachète donc l’atelier ORDO, réunissant quinze personnes faisant du mobilier pour le clergé, les paquebots et les bureaux : 33 ans plus tard, ORDO était la première référence de mobilier de bureaux en bois…
Fin 1987, il eut la gentillesse de m’accorder l’amitié qu’il avait pour mon père. En 1989, je fus dans la confidence du passage de témoin de ce qu’était devenu le groupe ORDO et son réseau intégré BURAC, soit 380 personnes en production – 530 avec la distribution – et environ 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Cinq repreneurs s’y intéressaient : Vinco, Strafor, Seribo, Taittinger et Pinault. J’ai le souvenir de longues discussions au téléphone et d’un déjeuner rue de la Pépinière : « Ce n’est pas une question d’argent, mais de poursuite du développement industriel ». Pinault l’emporta.
En janvier 1990, j’étais présent à la fête : la quille, la retraite et le sentiment du devoir accompli.
Les 28 dernières années furent consacrées à la famille et aux souvenirs ; après un premier livre en 2011 – « Au compagnon fidèle, histoire d’un chef d’œuvre du compagnonnage » – vinrent ensuite trois tomes de mémoires sous un terme générique : « Quand vient l’automne. Elle est belle la vie … ! ». Le reste du temps fut consacré aux projets familiaux, au bricolage dans son atelier de menuiserie et aux arbres de sa propriété.
Toute sa vie, il est resté attentif et fidèle à ses amis. René Lévêque fut un retraité HEUREUX.
A ses enfants Bertrand, Catherine, Isabelle, Richard et Florence, la profession de l’Ameublement Français reconnaissante transmet ses sincères et profondes condoléances.
Henri Griffon
Le Courrier du Meuble et de l’Habitat se joint à Henri Griffon, à l’Ameublement Français ainsi qu’à la profession pour adresser à la famille, ainsi qu’aux proches de René Lévêque, ses pensées émues.