Comme pressenti, le meuble aura accusé un repli significatif sur l’année 2018, avec une évolution de – 2,7 % qui vient mettre fin à la courbe ascendante entamée en 2015. Le marché perd ainsi plus de 250 millions d’euros sur la période, ce qui le ramène à une valeur inférieure à celle de 2016. La cuisine demeure positive en 2018… mais est la seule, puisque la literie s’affiche tout juste stable. Du côté des circuits, on note la forte baisse de la grande distribution ameublement (près de – 4 %), mais aussi celles de l’ameublement milieu et haut de gamme (aux alentours de – 5 % pour chacun) : la cuisine demeure, là encore, grande gagnante puisque ses vendeurs spécialistes sont les seuls à générer une progression.

Evidemment, un tel bilan était largement envisagé au vu des ressentis de chaque distributeur, chaque industriel au cours des derniers mois, mais on pouvait également le prévoir en considérant la courbe du marché (en valeur) dressée depuis 1988 par l’IPEA : l’évolution en dents de scie est flagrante depuis 30 ans, et l’on constate ainsi que ce marché a toujours fonctionné sur un rythme de croissance courts. La dernière courbe ascendante avait démarré en 2015, et après 3 années consécutives de progression, cet exercice 2018 marque la fin du mouvement, en accusant un repli de – 2,7 %, pour atteindre 9,50 milliards d’euros : en perdant plus de 250 millions d’euros, le marché du meuble revient à une valeur inférieure à celle de 2016… effaçant, par cette occasion, celle de 2017, dont les 9,76 Mds€ avaient été le second total le plus important depuis ces 30 dernières années.
Un second semestre… noir
L’IPEA, l’Ameublement Français et la FNAEM, qui ont livré ces résultats et analyses à la presse ce jeudi 7 février, rapportent « une fréquentation en berne tout au long de l’année » ; année au cours de laquelle une activité en recul sur le marché de l’immobilier neuf aura constitué « un obstacle supplémentaire » à la bonne tenue du marché…Toutefois, le premier semestre avait débuté à l’image de ce qui avait été l’exercice 2017 : une évolution très irrégulière, qui a, somme toute, permis de maintenir une relative stabilité sur la période (- 0,6 %). C’est, en revanche, sur la deuxième partie de l’année que s’est creusé le repli, d’autant que l’historique était particulièrement lourd avec, souvenons-nous, un troisième trimestre 2017 « hors norme » à + 8,5 %… Le marché du meuble, en 2018, a ainsi connu 6 mois de recul consécutifs pour afficher, sur cette période, – 4,6 % en valeur.

La cuisine en vert, le meublant grand perdant
Un repli global de cette teneur est le résultat, comme l’on peut s’en douter, de baisses plus ou moins marquées de la majorité des familles de produits… Sur les traditionnelles « locomotives » du marché que sont la cuisine et la literie, seule la première, en effet, sort du lot avec un exercice positif à + 1,1 % (toutefois très ralenti par rapport à 2017), car la seconde se montre tout juste étale (contre + 5,5 en 2016 et + 3 % en 2017). « pour la cuisine, le marché parvient à se soustraire de sa dépendance des mises en chantier de logements neufs, analysent l’IPEA, l’AF et la FNAEM. Pour la literie, qui a affiché une croissance quasiment ininterrompue pendant plus de 15 ans, rien d’étonnant à ce que le marché se tendent lorsque la conjoncture est un peu moins favorable […] Notons, par ailleurs, que les opérations promotionnelles se seront encore multipliées chez les acteurs de la grande distribution ameublement, ce qui peut aussi expliquer ce déficit de résultat en valeur ».
Concernant les autres familles, une fois n’est pas coutume, le meuble de salle de bains arrive en troisième position, avec un repli « limité » à – 3,9 % (certes beaucoup plus marqué qu’en 2017, mais contenu par rapport à d’autres catégories) : le segment a toujours été le plus dépendant du rythme des mises en chantier de logements neufs, donc le ralentissement observé dans l’immobilier se répercute inévitablement dessus… Avec – 4,1 %, le meuble de jardin arrive à la suite, vraisemblablement à cause d’un mauvais – en termes métérologiques – début de saison… Avant-dernier du classement, le meuble rembourré (canapés, fauteuils et banquettes) affiche – 4,7 %, après avoir enregistré + 2,3 % lors du précédent exercice : un repli important, victime, logiquement, de la forte baisse de fréquentation des magasins milieu, haut-de-gamme et spécialistes salons ; à noter, comme chaque année désormais, que la banquette souffre encore plus que les canapés et fauteuils… Enfin, au bas du tableau, figure le meublant qui, après avoir été globalement étale en 2017, affiche, sur 2018, une lourde chute de – 5,2 %… « Il demeure le premier marché du meuble en valeur, mais pour combien de temps, encore ? » s’interrogent les acteurs, constatant que sur cet exercice, cette famille de produits est passée, pour la première fois, sous la barre des 3 Mds€, diminuant l’écart avec la cuisine (2,60 Mds€, 27,4 % du marché). « Le meuble meublant constitue, avec le rembourré, le marché principal des enseignes de l’ameublement milieu haut-de-gamme et leurs difficultés de l’année se répercutent fortement sur les résultats du segment, analysent-ils par ailleurs. Les résultats sont également contrastés en ce qui concerne la grande distribution, si certaines enseignes parviennent à faire progresser leurs ventes, d’autres rencontrent beaucoup de difficultés sur ce rayon. »

La GDA sous la barre des 50 %
Du côté des circuits, on note, encore une fois, la « singularité » des spécialistes cuisine, en ce sens où ils se démarquent fortement des autres acteurs… en étant, cette année, les seuls dans le vert (+ 3,2 %, avec une part de marché à 14,1 %). Cet exercice 2018 aura également été exceptionnel pour la Grande Distribution Ameublement, en ce sens où sa pdm passe sous le seuil des 50 % (évaluée à 49,7 % très exactement), puisque ayant beaucoup souffert sur cet exercice avec des ventes en baisse de – 3,9 %… « Les difficultés et la cessation d’activité d’un des acteurs historiques du circuit [Fly, ndlr] constituent bien sûr une part de l’explication à cette contre-performance, commentent les acteurs. Le circuit apparait en pleine restructuration. La bataille fait rage pour continuer à conquérir des parts de marché et, dans cette optique, chacun adapte sa stratégie via, par exemple, le redéploiement de magasins discounts ou l’adjonction d’une offre décoration à l’offre déjà existante… La recomposition des formats semble aussi être une des clefs du succès pour les mois à venir : en plus de vouloir investir les centres-villes, ce qui demande le développement de formats nouveaux, les très grandes surfaces de certains magasins apparaissent, pour certains acteurs, difficiles à rentabiliser, mais surtout, semblent ne plus répondre aux attentes et aux problématiques du consommateur. Aussi, les mouvements sur ce circuit devraient donc encore être nombreux pour les mois à venir ».
Les circuits de l’ameublement milieu et haut de gamme observent des baisses encore plus fortes, avec respectivement – 5,1 % et – 5,5 % : « Si les premières victimes ont encore une fois été les magasins indépendants, les grandes enseignes nationales ont également eu de grandes difficultés à maintenir la fréquentation sur l’ensemble de l’exercice, explique l’IPEA. La baisse de trafic aura néanmoins été compensée en partie, dans certains magasins, par une hausse du panier moyen grâce à une meilleure formation des vendeurs et à l’utilisation de configurateurs. On notera, toutefois, que la rénovation des points de vente ne suffit plus pour attirer le consommateur, et que les enseignes qui enregistrent les meilleurs résultats sont celles qui ont joué pleinement la carte de la communication grand public. » Il semblerait, également, que sur cette année 2018, le commerce électronique affiche une évolution mitigée : les difficultés du meuble de jardin (traditionellement vendu via ce circuit) et des complications dans la montée en gamme de certains acteurs – sur un circuit aux prix traditionnellement cassés – en seraient les principales causes… Les spécialistes salons, eux, ont donc aussi dû faire face à des turbulences, quelque peu limitées chez ceux qui ont joué la carte d’une communication musclée… Turbulences également pour les GSB, au sein desquelles le meuble (incluant la cuisine) n’offre pas toujours les retours sur investissement souhaités. Enfin, évoquons les spécialistes literie : si, au cours de l’exercice 2017, les enseignes de la grande distribution avaient repris la main sur les spécialistes en termes de croissance sur le produit literie, en 2018, le rapport de force s’est à nouveau inversé et les litiers enregistrent les meilleures performances, malgré un ralentissement du nombre de leurs ouvertures de magasins… Les CA progressent toutefois encore faiblement : « Le développement des ventes de literie de plus grande taille – avec des matelas de 160 cm et plus, qui constituent maintenant un tiers des ventes en valeur de matelas – ou d’offres commerciales alternatives avec, par exemple, le développement de l’offre de LOA entretiennent le potentiel de croissance du circuit » résume l’IPEA.