Conjoncture, mutations du marché, enjeux… Le directeur des ventes de la société belge Meubar / Evan livre sa vision des choses et expose les défis qui se présentent aux industriels du pays.
Pour commencer, pouvez-vous nous dresser un historique de la société ?
L’entreprise familiale Meubar a été créée en 1958 par Marcel Verraes ; le dirigeant actuel, Steven Verraes, a rejoint la société en 1986. A l’origine, Meubar, comme quasiment la totalité des fabricants belges, était spécialisé dans les meubles rustiques en chêne ; mais très vite, l’entreprise s’est lancée dans la fabrication de meubles plus modernes, proposés à des prix très abordables… ce qui lui a valu une très belle expansion sur les marchés belge et néerlandais. Depuis cette époque, il y a eu une montée en gamme, avec des programmes en séjours et en chambre à coucher avec des mélaminés et des produits de plus haute qualité, qui sont maintenus à des prix raisonnables. En 2005, Meubar a repris l’entreprise Vandermeeren, positionnée haut de gamme… mais en grande difficulté à l’époque. Dans cette usine, nous avons développé des collections encore plus contemporaines, essentiellement composées de meubles montés, placés sur des prix supérieurs à Meubar. Ainsi, aujourd’hui, la société développe deux offres complémentaires : l’assortiment kit, signé Meubar, et les meubles pré-montés, pour Evan. Tout ceci nous a permis d’observer une croissance importante sur les dernières décennies :
alors que nous avions un chiffre d’affaires équivalent à 9 millions d’euros en 1986, il s’établit aujourd’hui, pour les deux marques confondues, à 50 millions !
Quel est le paysage du marché du meuble belge ?
Sur notre marché national, comme dans d’autres pays, nous observons une concentration de la distribution, avec, aujourd’hui, beaucoup moins de petits magasins traditionnels. Aujourd’hui – et ce point diffère avec la France –
les entreprises familiales, de taille assez importante, prédominent, possédant de nombreux magasins aux surfaces importantes : à l’intérieur de ces surfaces, tous types de produits sont exposés, positionnés sur plusieurs niveaux de gamme. Ce sont des concepts totaux. Autre point divergeant avec l’Hexagone : le marché belge ne fonctionne pas avec de grandes centrales. Des catalogues sont parfois réalisés en commun avec les marques, mais il n’y a pas d’obligations d’achat, sous quelque forme que ce soit… Ainsi, les fabricants et distributeurs belges demeurent, somme toute, de petites structures, ce qui les rend particulièrement flexibles : ils peuvent donc adapter facilement leurs produits aux évolutions du marché. Un atout nécessaire car, ici comme ailleurs, la conjoncture dans le meuble est difficile : désormais, nous ne nous battons plus contre nos concurrents, mais contre d’autres secteurs, comme ceux des loisirs, de la high tech… L’enjeu, désormais, est de réaliser de la croissance dans un marché qui rétrécit.
Quelle vision portez-vous sur le marché français ?
Même si la consommation de meuble demeure encore, néanmoins, relativement satisfaisante en Belgique, notre marché est trop restreint – il ne compte que dix millions d’habitants ! – pour assurer le bon fonctionnement de beaucoup d’industriels du secteur… surtout lorsqu’il s’agit de structures importantes comme Meubar et Evan, qui emploient au total plus de 200 salariés. Le marché français est donc privilégié, et ce pour plusieurs raisons évidentes : la langue, la proximité, qui diminue considérablement les frais de logistique, mais aussi les goûts des consommateurs, qui sont assez similaires à ceux des Belges (même si nous devons nous adapter à des besoins bien spécifiques, comme des meubles plus petits, des variations au niveau de la hauteur et de la largeur des bahuts, des ensembles déstructurés, des table basses plus petites, des rallonges de tables à manger…) Pour nous, commercialiser nos produits dans l’Hexagone est très intéressant, surtout que c’est un marché à volume. En revanche, nous devons évidemment entrer en concurrence avec les fabricants français, ces sociétés bien implantées qui travaillent de longue date avec plusieurs types de circuits de distribution. Pour s’imposer face à eux, nous devons avoir de bons arguments ! Avoir le bon produit, le bon prix, le bon service… Tout doit être optimisé.

A quelles mutations ont dû faire face les industriels du meuble ces dernières années ?
Pour moi, le plus gros changement – pour employer un terme à la mode – est la mondialisation. Nous sommes obligés de vendre partout dans le monde, et nos clients achètent aussi partout dans le monde ! Ce qui n’était pas du tout le cas avant… Résultat : la concurrence est beaucoup plus rude, notamment due à la présence de marchés où la main d’œuvre n’est pas chère (Asie, Europe de l’Est). Ainsi, de notre côté, nous sommes obligés, au moyen d’une grande flexibilité et d’efforts poussés sur les nouveaux designs, de rester dans le haut de la compétition, de ne pas hésiter à prendre des risques en sortant beaucoup de nouveautés, mais aussi de travailler avec de gros partenaires en leur fournissant des « private labels »… Soulignons aussi le fait qu’avant, la distribution située sur les segments intermédiaires était beaucoup plus étoffée : il y avait davantage d’entreprises familiales, par exemple, avec lesquelles nous avions un relationnel très important. Aujourd’hui, nous avons affaire à des gros joueurs, des centrales de taille et, dans cette grande distribution, la gestion des stocks est évidemment différente : les délais sont très courts, ce qui nous oblige à nous adapter dans nos usines, pour satisfaire un consommateur toujours plus pressé !
Selon vous, quelles sont les perspectives pour les marchés européens ?
Nous savons que la concentration va se durcir, qu’il y aura encore plus de coopération entre fabricants et distributeurs, voire d’intégration verticale : on le voit avec Steinhoff, Nobilia, mais aussi Ikea, qui produit ce qu’il vend… Nous, industriels, devons donc travailler main dans la main avec nos distributeurs, et ne pas imposer notre point de vue, mais proposer pour avancer ensemble.
Justement, comment considérez-vous cette notion de partenariat ?
Elle est essentielle. D’une part, nous sommes trop « petits », face à certains géants de la distribution, pour imposer nos goûts, et nous avons évidemment le devoir d’écouter le marché ! Les fabricants et la plupart des revendeurs ont des objectifs communs. Il faut revaloriser le meuble, en offrant au consommateur un très bon rapport qualité / prix.
Quelles sont les ambitions de Meubar / Evan pour les prochaines années ?
Par la force de cette coopération avec les distributeurs, mais aussi en investissant sur le plan technologique (il est notamment question, très prochainement, de doubler la capacité de la machine pour panneaux alvéolés du site Evan), nous devons rester à la pointe. Il faut avoir encore plus d’arguments de vente, et trouver un équilibre dans le chiffre d’affaires en exportant vers de larges horizons… Mais réaliser une croissance sur des marchés où nous sommes pas ou peu présent ne doit évidemment pas nous faire négliger ceux sur lesquels nous sommes bien implantés : le Benelux, la France et les pays scandinaves restent cruciaux pour nous.
[Propos recueillis par E.B.]