Dans ce grand entretien, Alexandre Nodale revient sur la place qu’occupe l’enseigne Conforama – qu’il dirige depuis le début de cette année – au sein du groupe Steinhoff, son identité, la structure de son réseau et ses objectifs pour les prochaines années.

Alexandre Nodale: « Construire une croissance durable et rentable »
Steinhoff vient tout juste de livrer ses résultats semestriels, pouvez-vous nous commenter ceux de Conforama ?
Le groupe Conforama a réalisé un chiffre d’affaires de 1,72 milliard d’euros de début juillet à fin décembre dernier, soit + 4 % par rapport à la même période de l’exercice précédent. La partie générée en France représente près de 70 % de ce CA, 30 % étant donc réalisés à l’international (Suisse, Italie, Espagne, Portugal et Croatie). Dans le détail, Conforama a enregistré de très bonnes performances globales sur le meuble, la décoration et le blanc ; sur le brun et le gris, le résultat est quasiment étale, ce qui constitue une belle performance sur un marché en recul. Cette performance sur le premier semestre a été solide – particulièrement en France, avec + 3 % – ce qui mérite d’être souligné étant donné le contexte de consommation… Les familles stratégiques, comme la literie et le siège, ont, en particulier, très bien performé.
Par ailleurs, en France sur le marché du meuble, Conforama a de nouveau gagné 0,4 point de parts de marché sur les 12 derniers mois (comme en 2013), pour atteindre aujourd’hui 15,7 % ; et nos 4 % de croissance de CA nous permettent d’afficher une progression de 10 % de notre résultat sur les 6 premiers mois de l’exercice… Tout cela met en avant une progression rentable, linéaire, et donc durable, ce qui est très satisfaisant pour nous : c’est d’ailleurs le fondement de notre stratégie. Nous avons la chance de pouvoir construire notre développement avec une vision long terme, grâce à un actionnaire qui s’inscrit dans la durée.
Quels sont, justement, les piliers du développement ? En particulier, la franchise constitue-t-elle un axe pour Conforama, comme cela est le cas pour d’autres acteurs ?
Tout d’abord, chez Conforama, nous ne souhaitons pas nous développer en franchise, contrairement à ce que peuvent faire d’autres acteurs du meuble ou de l’équipement de la maison. Plus précisément, nous pensons que nous n’avons pas besoin de faire rentrer des franchisés pour acquérir des parts de marché, car lorsque l’on a beaucoup de franchisés, il existe un risque que l’on maîtrise moins son réseau de distribution… Conforama, qui s’est historiquement développé grâce à ses franchisés, a initié, depuis de nombreuses années, un recentrage vers un réseau intégré. Nous avons donc racheté de nombreux franchisés, ce qui fait qu’aujourd’hui, sur l’ensemble des 294 magasins, seulement 10 sont en franchise (8 en France métropolitaine et 2 outre-mer). Ainsi, sans que cela soit toutefois notre priorité, nous intégrons notre réseau au fur-et-à-mesure des opportunités (successions, départs en retraite, etc.). Nous n’avons pas cette stratégie de croître en parts de marché dans de toutes petites villes en y implantant des franchisés… mais préférons plutôt nous appuyer sur notre site internet. Concernant notre réseau actuel, nous le faisons évoluer, bien évidemment. Cela, à la fois, en fermant des points de vente non rentables (cela a été le cas, en novembre dernier, des 2 unités franciliennes de Saint-Brice-sous-Forêt et Malakoff), et en complétant notre maillage géographique au travers d’ouvertures ou de rachats de magasins, comme ceux de Mobilier Européen – 8 au total -–
l’année dernière : à ce jour, ces magasins ont d’ailleurs tous rouvert aux couleurs de Conforama.
A côté de cela, nous avons d’autres relais de croissance. D’une part – il est très important pour le groupe – le site web : nous faisons maintenant presque 7 % de notre CA en France via Internet, ce qui en fait un axe de développement extrêmement fort. Le web nous permet en effet d’avoir beaucoup de visibilité auprès des clients et, surtout, il y a une vraie complémentarité entre le site et les points de vente : le site a évidemment pour vocation de renseigner le client avant son achat en magasin, mais aussi de lui donner un choix plus large, au travers de produits exclusifs Internet (gros et petits meubles, électroménager, brun et gris)… en somme, toutes les familles sur lesquelles on peut amener des produits complémentaires, que nous n’avons pas toujours la place d’exposer en magasin). C’est aussi la raison pour laquelle nous ne cherchons pas en priorité à vendre de la déco sur le web, car ce sont des petits produits, qui présentent un grand intérêt en magasin dans la mesure où ils génèrent du trafic… Au cours de ces derniers mois, nous avons équipé nos vendeurs de tablettes, ce qui fait qu’aujourd’hui, ces derniers offrent aux clients l’accès à toute la gamme que l’on peut trouver dans l’ensemble des Conforama, mais aussi aux produits spécifiques web… et cela même dans le plus petit point de vente du réseau. La croissance de Conforama s’appuie donc, en partie, sur une progression forte de l’Internet : certaines familles de produits affichent un CA web représentant plus de 12 % de leur CA global ! Nous nous appuyons également sur un autre concept, Confo Dépôt, que nous testons depuis 2010, lorsque nous avions installé un premier magasin à Aulnay-sous-Bois, en région parisienne. Cette opportunité nous a donc permis de lancer cette enseigne de déstockage, proposant des arrivages de produits permanents. Au fil du temps, nous nous sommes rendu compte que le consommateur était très friand de ce concept de « bonnes affaires »… et depuis, 3 autres magasins ont été inaugurés (dont 2 anciens Atlas). Ce concept nous offre un axe de croissance et de développement, car il répond à un vrai besoin du consommateur. Les magasins Confo Dépôt s’appuient sur plusieurs éléments : des approvisionnements qui peuvent être spécifiques (fin de séries de certains fournisseurs) que l’on ne trouve pas dans nos magasins Conforama, mais aussi des fins de séries initialement présentées dans ces magasins classiques, qui doivent laisser la place aux nouvelles collections.
Enfin, nous misons également sur la relation clients avec, notamment, un bon niveau de services : Nous avons lancé, il y a quelques semaines, le projet « Happy Client », qui vise à former l’ensemble de nos collaborateurs sur un certain nombre de pratiques devant être bientôt mises en place pour optimiser l’expérience clients (avant, pendant et après la vente). Cet axe d’amélioration constitue pour Conforama un grand chantier pour les 3 ou 4 prochaines années.
Quelles sont les parts générées par chaque famille de produits ?
Cette répartition doit-elle être réajustée ?
Au niveau du groupe, 11 % sont générés par la déco, 52 % par le meuble et le reste par le blanc, le brun et le gris. Cette répartition évolue doucement au fil du temps, car la part meuble / déco grossit régulièrement. Cela parce que sur le brun et le gris, il y a une certaine déflation du prix des produits (donc le poids du CA diminue un peu), et aussi parce que nous voulons pousser la déco pour une question de trafic, et appuyer sur des familles où nous sommes particulièrement légitimes et leaders comme le siège, la literie, mais aussi la cuisine, que nous développons (aujourd’hui, nous avons de la cuisine montée dans l’ensemble de nos points de vente, avec des équipes formées, des espaces dédiés…). Maintenant, il n’est pas du tout question de diminuer l’offre en blanc, brun et gris ! Le blanc, notamment, est une famille extrêmement importante, dynamique et rentable, qui s’inscrit complètement dans le concept Conforama d’équipement de la maison… L’année dernière, nous avons même introduit une offre en téléphonie mobile, puisque ces appareils se vendent de plus en plus sans abonnements : cette offre fonctionne très bien, et constitue un nouveau vecteur de trafic.
Quelle proportion de l’offre de Conforama représente le fabriqué en France ?
Notre sourcing est toujours resté très européen, et même très français. Il est effectivement nécessaire d’aller s’approvisionner très loin lorsque l’on n’a plus la possibilité de trouver certains types de produits à proximité (par exemple, il n’y a plus aucun fabricant de lit métal en Europe, situation qui tend à être la même pour de nombreux produits de déco), mais cela pose souvent des problèmes de réactivité… Aujourd’hui 20 % de l’offre de Conforama vient de l’Asie du Sud-Est, entre 15 % et 16 % d’Europe de l’Est, et 56 % de l’Hexagone (le reste venant de Belgique, d’Italie, Espagne, Portugal). Ce qui est certain, c’est qu’il y a une vraie capacité à produire en France : pour notre part, nous avons créé des relations fortes avec les fournisseurs français ; nous travaillons avec certains d’entre eux depuis plus de 20 ans !
Cela nous apporte évidemment des avantages en termes de réactivité, de SAV, etc.
Appartenant à un groupe qui est aussi industriel du meuble, Conforama est-il totalement libre dans ses achats ?
La liberté dans les achats est exactement similaire à celle que nous avions avant le rachat par Steinhoff ! Lorsque les discussions ont débuté avec eux fin 2010, les bases ont tout de suite été clairement posées : aucun sourcing n’allait être imposé à Conforama, sinon l’enseigne ne pourrait plus être redevable de ses résultats. Pour expliquer les choses de manière concrète, prenons l’exemple d’un canapé (Steinhoff en produit lui-même) : le chef de produit établit un cahier des charges, qui est ensuite envoyé à nos bureaux de sourcing en Asie, en Pologne, ainsi qu’à un certain nombre de fournisseurs européens. C’est un véritable appel d’offres, à la suite duquel nous sélectionnons le meilleur rapport qualité / prix. Et cette démarche est systématique. Après, nous avons tout de même une partie de nos achats venant de Steinhoff, puisqu’ils ont été capables de développer d’excellents produits en siège mais, je le répète, rien n’est imposé à Conforama.
Pouvez-vous faire un point sur les différents formats de magasins, et les objectifs de développement ?
Sur les 212 points de vente français, il y a 4 Confo Dépôt, 8 Confo Déco, et le reste est au format classique : la surface des magasins Conforama est très variable, puisqu’elle s’étend de 1 800 à 11 000 m²… Ainsi, avec ce réseau, nous sommes implantés sur des zones de chalandise qui nous paraissent appropriées pour pouvoir satisfaire nos clients et développer une croissance rentable.
L’enseigne Conforama n’a pas l’intention de s’implanter sur des zones de 10 000 ou 15 000 habitants, tout simplement parce qu’il n’y a pas un marché suffisant pour notre enseigne à ces endroits… Nous misons beaucoup plus sur le web – n’oublions pas que nous sommes le premier acteur de la distribution de meubles sur Internet – qui offre aux clients de ces zones la totalité de l’offre Conforama, qu’il ne pourrait de toutes manières pas retrouver dans un magasin de surface restreinte situé près de chez lui. Précisons, par ailleurs, que plus de 90 % de la population française ont un magasin Conforama à moins de 20 minutes de chez eux ! Je pense donc, en ce qui nous concerne, que la croissance ne passe pas forcément par la course à la densification du réseau. Evidemment, il y a encore du potentiel : Confo Dépôt peut atteindre une vingtaine de magasins, et le format classique doit encore s’implanter dans des villes où la taille des marchés fait que l’enseigne y est encore sous-représentée (par exemple, Rouen et son agglomération disposent désormais de 3 magasins).