2015 devrait être une année un peu meilleure. Pourquoi ? Parce que les esprits sont peu à peu en train de changer en France. Parce que cette crise est trop longue et qu’il faut bouger. Parce que les premières mesures sur les réformes, même modestes, vont faire voir leurs effets. Mais tout ceci reste psychologique, modeste et fragile. Pour qui ? Pour les classes moyennes, enfin.
DU MIEUX AUX ETATS-UNIS, AVEC UN DOLLAR QUI MONTE
L’histoire commence aux Etats-Unis, loin de nous me direz-vous, mais pas tant que cela dans un monde de plus en plus interdépendant. Les Etats-Unis vont aller graduellement mieux, avec un dollar plus fort, surtout après les hausses de leurs taux d’intérêt – en supposant bien sûr que ce soit bien fait. Ces Etats-Unis qui vont vers plus de 3 % en 2015, avec un dollar plus fort, forcent les autres pays à avancer, Chine en tête, et tirent l’économie européenne.
C’est alors que va se poser le risque monétaire qui est le plus proche de nous, celui de la décision de Mario Draghi d’acheter des bons du trésor des divers états de la zone euro, pour éviter le pire. Le pire, c’est la déflation, plus précisément l’idée que demain ce sera moins cher, se mette à gagner. On voit déjà que les prix futurs que les européens ont en tête passent de 2 %, objectif et mandat de la BCE, à 1,5 % et moins. Et cette inflation qui est dans les têtes passe déjà dans les décisions : « Si demain, c’est moins cher, n’achetons pas aujourd’hui, mais demain ».
C’est ce qui se passe aujourd’hui avec une inflation dans les différents pays de la zone euro à 0,3 % sur douze mois en novembre 2014, avec des produits agricoles et des produits manufacturés qui n’augmentent pas, des services qui n’augmentent que de 1,1 % sur un an et une énergie qui baisse, elle, de 2,5 % sur douze, ce dernier chiffre expliquant la faiblesse de l’inflation. La zone euro est en désinflation profonde et flirte avec la déflation : il faut tout faire pour l’éviter.
LE PRIX DU PÉTROLE CHUTE, POURQUOI ?
Cette baisse du prix du pétrole n’est pas une première. Ceci nous ramène à 2009, en liaison avec l’éclatement de la crise, sachant que le prix le plus bas a été autour de 30 dollars, au plus bas de l’activité. Aujourd’hui, la situation n’est pas celle de la plongée mondiale d’il y a quelques années. C’est la conséquence d’abord du ralentissement de la Chine, dont la croissance officielle va vers 7 % et moins, côté demande, et de l’offre en expansion des Etats-Unis. Grâce au gaz de schiste, ces derniers passent ainsi devant l’Arabie-Saoudite. Ajoutons que, lors de sa dernière réunion, l’Opep n’a pas voulu réduire ses quotas pour soutenir ses prix, à la fois pour ne pas soutenir des groupes rebelles qui se réclament de l’Islam, pour ne pas aider vraiment le Venezuela ni la Russie, et peut-être aussi pour montrer aux Etats-Unis qu’ils ont plus de capacités de résistance à un bas prix du pétrole que les producteurs de gaz de schiste, qui déstabilisent « leur » marché. Quoiqu’il en soit, le plus vraisemblable est que nous allons vivre avec un prix du pétrole bas pendant longtemps, en liaison avec l’économie, la politique, et aussi les nouvelles technologies.
SOMMES-NOUS EN DÉFLATION ?
La baisse du prix du pétrole, ce n’est pas la déflation, c’est au contraire du pouvoir d’achat qui pourra soutenir la demande réelle en aidant le pouvoir d’achat des ménages et en soutenant la rentabilité des entreprises. Il est décisif de faire la différence entre cette baisse d’un prix importé, qui permet la remontée des profits, puis de l’activité, puis des prix et la baisse anticipée des prix qui plombe l’activité, les profits, l’emploi.
Avouons que les deux flirtent. C’est cette anticipation à la baisse des prix futurs qui est le problème, et c’est elle que la BCE entend combattre par le soutien à l’activité économique, en achetant des bons du trésor de la zone euro, notamment allemands et français. Et c’est ce qui fera baisser encore plus les taux qui sont déjà les plus bas en Allemagne et France, moins en Italie, peu en Grèce.
UN PEU PLUS D’ACTIVITÉ EN FRANCE EN 2015 ?
Oui, 2015 sera meilleure, un peu, pour plusieurs raisons. D’abord parce que le dollar continuera de monter et que le pétrole restera bas. Ensuite parce que les Etats-Unis vont continuer de croître et que tout ceci soutiendra la demande externe à la zone euro. Pour la France, on voit ce qui se passe, avec des augmentations de salaires faibles en euros courants, en fait indexées à la hausse générale des prix, mais qui permettent quand même de « tenir » le pouvoir d’achat avant impôt. Après impôt, ce pouvoir d’achat a baissé en 2014 et 2013 mais devrait se stabiliser ensuite. Et ce pouvoir d’achat, qui ne serait plus réduit (on l’espère) par la fiscalité, peut « tenir » par la baisse du prix du pétrole sans que la baisse de l’euro n’implique de hausses significatives des prix importés : les marges des importateurs devraient absorber le choc.
Ajoutons que la politique monétaire de la BCE, si elle va acheter des bons du trésor français, va au moins stabiliser les taux français, donc les taux bancaires, au moment où ils pourraient monter aux Etats-Unis. Dans ce contexte, les banques vont poursuivre leurs crédits aux entreprises et aux particuliers avec des conditions très favorables (pour les crédits accordés bien sûr). Pour les entreprises, les crédits à l’investissement augmentent ainsi de 3,2 % sur un an (à un taux de 2,5 % pour les nouveaux) et de trésorerie à 1,8 % sur un an (à un taux de 2,5 % là aussi pour les nouveaux). Pour les particuliers, les crédits à l’habitat à long terme à 2,8 % croissent de 2,8 % sur un an et les crédits aux particuliers à 5,2 % augmentent de 1,9 % sur un an.
Ce qu’on remarque, c’est que les crédits à long terme, tant pour les ménages que pour les entreprises, augmentent graduellement plus – ce qui n’est pas (encore ?) le cas pour les crédits plus courts. On peut émettre l’hypothèse que les agents qui veulent et peuvent s’endetter à long terme considèrent… « l’intérêt » des taux actuels d’intérêt, si bas, se disant qu’il faut en profiter.
LE MÉNAGE FRANÇAIS CHANGE-T-IL ?
Oui en utilisant de plus en plus Internet pour voir ce qui est offert puis acheter, notamment les biens de culture et de loisir. Pas pour l’alimentaire et pas vraiment pour les biens durables. Dans ce cas, les magasins de proximité continuent d’attirer les ménages plus âgés et de niveau de vie plus élevé, Internet devenant un concurrent pour les biens d’entrée de gamme des jeunes.
Au fond, 2015 se présente sous de meilleurs auspices, en supposant bien sûr que tout se passe au mieux aux Etats-Unis et en zone euro (politique monétaire, Grèce, Italie), que les chocs russes et pétrole sont bien absorbés, que les impôts n’augmentent plus et que la crainte de la déflation recule. Beaucoup de si… mais impossible de faire autrement ! Alors, avec des ménages et des entrepreneurs un peu moins inquiets et désirant profiter de taux plus bas, de l’euro plus faible et du pétrole moins cher, un mieux est possible.