Les deux éco-organismes ont vu leurs agréments respectifs renouvelés pour la gestion des Déchets d’Eléments d’Ameublement – domestiques et désormais professionnels pour Eco-Mobilier, professionnels pour Valdelia – sur les six prochaines années, autrement dit jusqu’au 31 décembre 2023. Une deuxième période, tout juste entamée, comportant de nombreux enjeux, face auxquels les deux acteurs doivent mettre en place des moyens d’actions innovants. Explications avec Eric Weisman-Morel, directeur du développement et de l’innovation chez Eco-Mobilier, et Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia.

« Eco-Mobilier a largement dépassé ses premiers objectifs car cela avait du sens économiquement » estime Eric Weisman-Morel, directeur du développement et de l’innovation au sein de l’éco-organisme.
Quels bilans chiffrés dressez-vous de ces premiers agréments ?
Eric Weisman-Morel : Concernant Eco-Mobilier, sur cette période, nous avons collecté un million de tonnes, dont 93 % ont été valorisés, avec 58 % recyclés. S’y ajoutent les chiffres qui concernent les partenariats et la réutilisation : sur les 60 000 tonnes qui sont arrivées, en plus, chez Emmaüs ou dans les Ressourceries, 50 % ont été réemployées ou réutilisées. Concernant les adhérents, 162 millions d’euros d’éco-contributions ont été collectés sur l’année 2017. + chiffres par famille. Et les adhésions, justement, ont continué d’augmenter régulièrement, suivant, logiquement, l’évolution du marché, avec les créations d’entreprises, sites web, etc., sur le secteur. On peut d’ailleurs, sur ce point, souligner un autre fait notable : la conquête des distributeurs frontaliers d’Allemagne en 2017, après les Belges un an auparavant. Cela fait partie de notre mission : nous allons rencontrer ces magasins de meubles ou cuisines qui sont implantés de l’autre côté de la frontière – et particulièrement plébiscités des consommateurs français – dans le but de les faire adhérer à Eco-Mobilier, sur le même modèle que les distributeurs de l’Hexagone (en collectant une éco-contribution pour les clients français et en nous la reversant).
Sur le plan des services et de la communication, on peut mettre trois choses en avant. Déjà, sur l’année dernière, Eco-Mobilier a organisé 600 animations en magasins ainsi que sur les foires et salons, afin de « faire vivre l’expérience du recyclage » au consommateur, via la réalité virtuelle. Ensuite – et cela est particulièrement significatif sur le plan des relations avec les partenaires – nous avons beaucoup travaillé, avec de nombreuses enseignes, pour augmenter le niveau d’information des clients concernant l’éco-participation… cela pour harmoniser le message, et surtout leur expliquer en quoi elle s’avère un bénéfice pour tous. Une information relayée dans les dépliants, les catalogues, les sites Internet, etc. Enfin, de juin à décembre derniers, nous avons mené un appel à projets intitulé « Eco Innovation Challenge », qui a pour vocation de fédérer des acteurs autour de l’utilisation des matières premières recyclées : celui-ci concernait les mousses et les compléments literie garnis de duvet, polyester, etc. (couettes, oreillers…), avec pour objectif d’augmenter les débouchés pour ce type de matières – très prisées par différents secteurs, pas uniquement celui du meuble – et donc leur donner une nouvelle valeur. Les lauréats seront dévoilés d’ici quelques semaines. Cela permet de concrétiser l’engagement des distributeurs et des fabricants sur ce qui est vraiment nouveau dans la filière, à savoir le recyclage de la literie. Nous pouvons ainsi en parler très positivement aujourd’hui, parce que cela n’existait pas « avant », et que désormais, chaque acteur (industriels, fabricants) a les moyens d’agir sur cette problématique !

« Premier éco-organisme à être exclusivement positionné sur le B to B, Valdelia qui, jusqu’alors, était majoritairement orienté vers le mobilier de bureau, est en train de rééquilibrer progressivement ses activités vers les autres familles de produits » avance Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de la société.
Arnaud Humbert-Droz : De notre côté, on peut rappeler tout d’abord qu’historiquement, Valdelia a été créé par une majorité de fabricants de mobilier de bureau adressé aux professionnels, bien que des industriels positionnés sur d’autres familles de produits (meublant, etc.) aient toujours été présents. Alors naturellement, le lancement de nos activités s’est fait vers la première typologie de clients – Valdelia est ainsi le premier éco-organisme à être exclusivement positionné sur le B to B, de par ses créateurs originels – mais aujourd’hui, nous sommes en train de tout rééquilibrer progressivement sur les autres produits, cela en signant des conventions avec le groupe hôtelier Accor, par exemple. Notons qu’à cette « différence » près, tout le reste du fonctionnement (contributions, collecte…) est similaire à celui d’Eco-Mobilier.
Concernant le bilan, environ 280 000 tonnes de produits sont vendues chaque année auprès des entreprises et des administrations. Les études statistiques montrent que nous avons un tonnage disponible à la collecte de l’ordre de 100 000 tonnes ; sur celles-ci, 70 000 tonnes – selon les chiffres de l’année dernière – contribuent à la filière Valdelia, ce qui nous fait couvrir environ 70 % du marché. Les trois-quarts de ces 70 000 tonnes sont recyclés, le restant étant valorisé d’un point de vue énergétique… Nous avons pu atteindre cet objectif de 75 % de recyclage assez rapidement (dès 2015) grâce à nos partenaires, qui ont su nous suivre dans cette mission ; c’est aussi le but, ne l’oublions pas, de l’éco-contribution, qui nous a permis de soutenir ces partenaires afin qu’ils continuent à faire du recyclage, malgré des conditions, il faut l’avouer, de plus en plus difficiles (notamment concernant le bois…) Pour évoquer les adhérents, Valdelia en compte aujourd’hui 1 200, ce qui représente plus de 95 % du secteur professionnel. Sur nos cinq premières activités – mobilier de bureau, mobilier à destination des points de vente, des collectivités, CHR et autres – nous sommes à maturité concernant la mise en marché. Enfin, concernant les partenaires, actuellement, nous avons à peu près 70 prestataires de traitement, auxquels s’ajoutent entre 300 et 350 acteurs pour la collecte (tous recrutés par appels d’offres, le processus ayant été finalisé en décembre juste avant le renouvellement de l’agrément). Nous travaillons aussi avec un peu plus de 120 entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire : concernant ces derniers, nous en recherchons de nouveaux en permanence.

Eco-Mobilier vise le zéro enfouissement à horizon 2023, alors qu’il était encore de 55 % juste avant sa création, en 2012.
Ces derniers temps, Eco-Mobilier communiquait notamment sur le fait que les chiffres de ce bilan avaient largement dépassé les objectifs préalablement définis…
E. W-M. : Exactement. Mais ils les ont largement dépassés parce que cela avait du sens économiquement. Il faut effectivement garder à l’esprit que nous cherchons toujours la meilleure solution de valorisation (recyclage, énergie…) au meilleur coût. En d’autres termes, cette proportion de 58 % de recyclage sur les 93 % de valorisation est ainsi parce qu’elle s’imposait comme la solution optimale pour les produits en question. Rien n’est laissé au hasard.
Comment Valdelia développe sa notoriété auprès des professionnels ?
A. H-D. : En porte-à-porte ! Nous avons fait beaucoup d’expérimentations, en termes de communication, auprès des détenteurs. Notre cible est à la fois multiple et complexe à atteindre, tout simplement parce que nous sommes, comme vous le savez, en B to B, et car ce n’est pas toujours le même interlocuteur, dans l’entreprise, qui va gérer la fin de vie du mobilier. Le travail sur le terrain est donc notre seule façon de faire, avec une équipe d’une dizaine de personnes, des conseillers techniques qui vont directement solliciter les entreprises pour faire connaître Valdelia. Deuxième levier : le travail en direct avec les grands groupes, l’enjeu étant d’impliquer les responsables des services généraux, achats, immobiliers, ou encore la création d’événements, etc., pour leur montrer et leur expliquer ce que nous faisons. Mais globalement, nous considérons que ces questions d’économie circulaire sont d’ordre territorial, ce qui rend essentiel un maillage à la même échelle… d’où le rôle, pour les conseillers techniques, de créer une dynamique des différents acteurs et parties prenantes de Valdelia sur un territoire donné.

En prenant désormais en charge la literie, Valdelia proposera un service de collecte complet à ses adhérents.
Sur quelles nouvelles missions se fondent les ré-agréments pour les six prochaines années ?
E. W-M. : Chez Eco-Mobilier, forts de ce premier bilan réussi, nous avons effectivement défini trois nouveaux objectifs majeurs pour cette nouvelle période qui s’annonce.
Il s’agit, tout d’abord, de couvrir 100 % du territoire en solutions de collecte : ce n’était pas encore le cas à la fin de ce premier agrément, ça le sera dans les deux années à venir. L’augmentation de la couverture actuelle se fera évidemment avec les déchetteries publiques, les points de collecte ouverts à tous avec les distributeurs et l’ESS, mais aussi via des services un peu plus « personnalisés », sur lesquels nous travaillons actuellement : par exemple, dans le cas d’un immeuble en plein centre-ville, il faut pouvoir aider les résidents – qui ne sont pas toujours équipés d’un véhicule pour pouvoir se rendre dans une déchetterie périphérique – à se débarrasser de leurs meubles usagés. Nous testons des expériences de ce type depuis quelque temps, mais ce qui va être inédit, désormais, ce sont les 100 % du territoire couverts, avec la combinaison de tels moyens de collecte. L’inédit, ce sera d’être présent absolument partout, avec le même niveau de services ! En fait, le premier agrément a servi à la montée en charge, mais aussi à tester de nombreuses choses concluantes… que nous allons maintenant mettre en œuvre de manière uniforme et systématique.
Deuxième nouvel objectif : zéro enfouissement. Autrement dit, à horizon 2023, lorsqu’un meuble usagé sera collecté par la filière et non soumis à des facteurs exogènes perturbants (erreur de tri, intempéries…), il sera forcément recyclé ou revalorisé, et non plus mis en stockage, comme cela pouvait être encore un peu le cas, dans les centres d’enfouissement. C’est là un point très important, à remettre en comparaison avec les 55 % d’enfouissement constatés en 2012, quelques mois avant le lancement d’Eco-Mobilier ! En dix ans de temps, nous devrions donc passer de plus de la moitié des produits usagés enfouis à… aucun.
Enfin, notre troisième ambition est d’accélérer l’innovation : dans les entreprises, cela passe par un accompagnement, une sensibilisation à l’éco-conception des produits. Un programme existe déjà (« Eco Impulse »), servant à réunir les responsables design, achats, marketing, afin qu’ils réfléchissent à mettre au point un produit répondant à toutes les exigences… mais également éco-conçu, pour qu’il soit évidemment plus facilement recyclé ou revalorisé à la fin de sa vie. Innovation, également, au niveau de la collecte, du tri et du recyclage car c’est effectivement une séparation optimale des matériaux qui permettra d’atteindre l’objectif zéro enfouissement. Et n’oublions pas, non plus, les innovations que nous mènerons avec nos partenaires (collectivités locales et acteurs de l’ESS) : à cet effet, nous lançons deux appels à projets. Le premier concerne l’innovation dans les déchetteries, à l’image de celle du Smicval Market, sorte de « supermarché inversé » où il est possible de déposer ses objets usagés et / ou en récupérer de nouveaux préalablement laissés par d’autres habitants, afin de leur offrir une seconde vie. Nous avons travaillé sur un tel projet au travers d’une mission de design de service, qui a très bien fonctionné et a dégagé de nombreuses idées sur la signalétique, l’accueil, la mise en place d’un atelier de réparation… Concernant l’innovation en ESS, d’autre part, celle-ci porte avant tout sur une optimisation de la formation des personnes en réinsertion, afin qu’elles puissent mieux utiliser les outils, mais aussi savoir faire de l’upcycling… car notre projet, sur l’ESS, est en effet de faire basculer le réemploi et la réutilisation vers l’upcycling [le « recyclage par le haut », autrement dit le fait de récupérer les matériaux ou les produits devenus inutiles pour les transformer en matériaux ou en produits de qualité ou d’utilité supérieure, ndlr].

Le barème Eco-Mobilier reste inchangé sur ce ré-agrément.
A. H-D. : Pour Valdelia, le premier but est d’avoir un taux de collecte « réaliste et réalisable », à savoir de récupérer environ 40 % du mobilier professionnel mis sur le marché… ce qui représente, à peu de choses près, la totalité du gisement mis à la collecte (autrement dit, les 100 000 tonnes évoquées précédemment). C’est une avancée assez importante, dans la mesure où nous avons justement, aujourd’hui, une idée précise de la quantité disponible à la collecte. Ainsi, alors que nous sommes donc actuellement à 70 000 tonnes traitées, nous devrions atteindre et même dépasser ces fameuses 100 000 tonnes d’ici 2023 : ceci passe par le développement de nos activités, notamment vers le commerce (magasins, centres commerciaux) mais aussi les CHR, etc.… sachant que dans le secteur du bureau, par exemple, nous sommes, par définition, déjà très bien placés.
Deuxième objectif : maintenir un taux de recyclage important à hauteur de 75 % en termes de masse, un défi important étant donné toutes les évolutions technologiques apportées dans la composition du mobilier (ajout de verre ou autres types de matériaux, arrivée du « soft seating » – assises d’appoint ayant une double-fonction – dans les bureaux…)
A cela s’ajoutent des objectifs qui relèvent davantage de la prévention, mais qui sont tout aussi forts…