Réalisé à l’occasion de la rencontre APL 2016, qui s’est déroulée le vendredi 26 juin dernier à Paris, ce Grand Entretien avec Gérard Delautre permet de revenir sur les principaux enjeux du marché de la literie avec le président de l’Association.
Pour commencer, pouvez-vous faire un point sur les tous derniers chiffres du marché de la literie? Quelles sont les perspectives pour les mois à venir ?
Nous sommes à + 3,5 % fin juin, contre + 2 % en juin 2014 et + 2,9 % fin 2014. Il n’y a pas de gros changements dans la tendance : ainsi, sauf catastrophe, selon moi, nous devrions terminer cette année 2015 entre + 2,5 % et + 3 %.

Création d’un marché de renouvellement, hausse des ventes grandes tailles… Nous le savons, le secteur de la literie parvient à dégager de bons résultats notamment grâce à ces 2 réussites majeures. Quelles sont les autres raisons permettant à ce marché de demeurer, désormais seul, la locomotive de l’ameublement ?
Il y a effectivement plusieurs moteurs.
Comme vous le savez, l’objet du travail de l’APL, depuis 7 ans, est de mener une collaboration de plus en plus étroite avec les prescripteurs – médecins généralistes, médecins du travail et kinésithérapeutes, essentiellement – en partant des nombreuses études scientifiques réalisées jusqu’alors (que ce soit en France ou aux Etats-Unis !) qui démontrent toutes que la literie améliore le sommeil : en d’autres termes, nous sommes beaucoup plus en forme et affichons davantage de performance lorsque l’on est bien reposé… C’est le vrai bénéfice consommateur. Or, en période difficile telle que celle que nous vivons actuellement, les gens s’occupent beaucoup plus de leur santé : ce phénomène est très net, nous nous en apercevons d’ailleurs au centre du sommeil de l’Hôtel Dieu, où le nombre de rendez-vous a explosé ! Et alors qu’il y a 4 ou 5 ans, les patients étaient essentiellement des seniors, aujourd’hui, le profil type est plus une personne de 30 – 40 ans, en pleine activité… qui constate qu’elle n’est pas suffisamment reposée. Et il faut dire, aussi, qu’une partie de prescripteurs commencent aussi volontiers à parler de literie non seulement grâce aux actions menées par l’APL (les bandes dessinées, entre autres), mais aussi en réaction à la défiance qui existe actuellement vis-à-vis des médicaments qu’ils avaient l’habitude de prescrire jusqu’alors… C’est un travail de long terme, mais qui semble porter ses fruits ! Ces préoccupations croissantes vis-à-vis de la santé constituent donc une autre raison au bon maintien du marché de la literie. C’est bien évidemment pour cela que l’APL axe, comme je l’ai dit, une grande partie de son travail sur ce sujet, notamment à travers la communication : les grandes largeurs sont particulièrement mises en lumière. Et nous sommes satisfaits de constater que ces actions ont du poids auprès d’acteurs importants : par exemple, bon nombre de chaînes d’hôtellerie – qui affichent un taux de renouvellement de la literie très supérieur à celui des particuliers – n’hésitent plus à changer les dimensions des literies de leurs établissements. Cette évolution est très importante pour le marché car elle implique de renouveler à la fois matelas et sommier ; elle est vraiment perceptible depuis 2 ans, ce qui est très rapide pour un secteur où les évolutions sont généralement lentes. Il est donc important que tous les acteurs de la filière relayent les actions et arguments de l’APL basés sur les études scientifiques auprès des consommateurs.
L’attachement des consommateurs aux marques nationales pèse également de manière très significative ?
Parfaitement. Cet attachement est évident, et original si l’on dépasse nos frontières : il n’y a aucun pays où les marques de fabricants ont une telle notoriété… Lorsque l’on constate que sur un produit renouvelé en moyenne tous les 14 ans, 2 marques affichent près de 50 % de notoriété spontanée – la seule « vraie » notoriété selon moi – c’est exceptionnel ! C’est une particularité de ce marché qui contribue à le démarquer. Dans les périodes un peu difficiles, les gens souhaitent se rassurer : le rôle des marques sérieuses, fabricants et distributeurs, est donc crucial.
Cette situation est aussi favorisée par le fait qu’aujourd’hui, la plupart des marques communiquent beaucoup… ce qui n’a pas toujours été le cas : à l’époque de la crise qu’a connue le marché de la literie à la fin des années 90, les acteurs n’avaient plus vraiment les moyens de communiquer (les 2 grands de la distribution maintenaient leurs campagnes promotionnelles, mais cela n’était pas suffisant…) Or, à partir du moment ou on parle plus de la literie, les gens n’y pensent pas ! Ainsi, le marché a baissé de plus de 10 %, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Il a remonté la pente à partir de 2003 – 2004 (l’APL avait notamment démarré l’un des premiers chantiers, à savoir une campagne de publicité TV).
Pour résumer et finir sur les raisons du bon maintien du marché de la literie, je crois que le travail des fabricants et de la distribution a été décisif (et la création de l’APL, dont l’objectif est de tirer le marché vers le haut, est une belle illustration à cela), auquel s’ajoute la considération croissante qu’ont les Français vis-à-vis des questions de santé.
Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui – par rapport à il y a quelques années – le consommateur connaît mieux le produit literie ?
Non. Essentiellement parce que cela est de plus en plus difficile, étant donné la création continue de nouveaux modèles, de matières, de garnissages, etc. Et pour le consommateur, finalement, c’est le résultat (confort, bien-être) qui compte : c’est pourquoi nous insistons beaucoup sur le fait qu’il est essentiel d’essayer une literie en magasin avant de l’acheter ; et cela, les gens le font de plus en plus volontiers. Il arrive cependant que certains soient fixés sur une technologie précise : dans ce cas, le vendeur doit nécessairement posséder la connaissance des caractéristiques et arguments techniques face à un client souvent « pointu ».
[Propos recueillis par E.B.]