Numérisation du fonds documentaire dans un Via Open Source, dématérialisation du dispositif des Aides à la création, création d’un Grand Prix Via du design, internationalisation… Trois mois après son arrivée, le directeur général du Via Jean-Paul Bath expose les changements qu’il a mis en œuvre, pour démultiplier les action du Via grâce au numérique, et rendre ses outils plus opérationnels pour les entreprises du secteur.

Jean-Paul Bath : « Un via connecté avec les acteurs du marché »
En tant que nouveau directeur général, vous avez acté différents changements dans le fonctionnement du via, qui seront mis en place dans les mois à venir. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Jean-Paul Bath : L’état des lieux auquel je me suis livré m’a amené à un premier constat : après plusieurs décennies d’activité, le Via dispose d’un fonds documentaire considérable – 470 prototypes,
40 000 photos, 10 000 contacts, de nombreuses études sectorielles quantitatives et qualitatives… –
qui n’est pas suffisamment exploité par les acteurs du marché. Pour les fabricants, les éditeurs, les designers ou les architectes qui recherchent des informations ou des partenaires pour développer un projet, il y a là un véritable « trésor » sans équivalent. Nous avons donc décidé de réunir tous ces documents, et de les organiser de façon interactive dans une base de données sur Internet, mise à la disposition de tous, appelée « Via Open Source ». Une telle mise en commun de ce fond documentaire ouvre la porte à un changement dans la façon de travailler : il devient une base commune pour des acteurs de l’ameublement qui doivent aujourd’hui se réunir autour de projets, et mettre leurs compétences et leur expérience en commun pour les réaliser. Avec cette initiative, le Via poursuit sa mission de mise en relation des acteurs du marché, en la démultipliant grâce aux outils numériques, et accompagne le projet sectoriel 2015 – 2020 de l’Unifa, dans le développement d’un mode de travail collaboratif qui est un facteur de compétitivité.

CM&H : Le programme des Aides à la création va également être modifié…
J.-P. B : Les quelques 470 Aides à Projets et Cartes Blanches qui ont été attribuées pendant plus de 30 ans, donnant lieu à la réalisation d’autant de prototypes de meubles ou projets innovants, ont joué un rôle essentiel dans l’affirmation de la créativité de nos designers et fabricants, qui lui doivent beaucoup. Mais les processus de création ont changé : l’information circule désormais très vite, alimentée par des sources multiples et diverses, dans un processus de flux continu. Au-delà d’un projet qui aboutit à un prototype, les entreprises ont désormais besoin d’une plateforme de création continue, qu’elles peuvent partager avec leurs partenaires pour faire évoluer leur produit jusqu’au stade de l’industrialisation, le décliner en gamme, ou le faire valider par les distributeurs ou prescripteurs. Pour ces raisons, les Aides à la création vont être placées au cœur d’un plus large projet de « Via Accélérateur d’innovation et de Design Expérience », qui correspond à la création d’un espace de réflexion et de co-working, avec l’ambition de donner naissance à des projets concernant des produits, mais aussi à des start up voire des business models. Ce processus de création partagé permettra aussi de faire valider des axes d’innovation par un ensemble d’acteurs partie prenante, afin de travailler sur des projets qui sont plus en phase avec les attentes du marché.

CM&H : Y a-t-il des changements à attendre concernant les prix attribués par le Via ?
J.-P. B : Le dispositif des Labels va être profondément modifié pour se transformer en un Grand Prix Via du design, qui sera décliné en un ensemble de prix et décerné chaque année. Le périmètre de ces prix sera élargi : les prototypes issus de « Via Accélérateur d’innovation et de Design Expérience » pourront concourir, de même que de nouveaux produits ou projets, mais aussi des initiatives et démarches innovantes … Notre volonté est de nouer des partenariats avec des entreprises, des institutions ou des salons qui souhaitent s’associer avec un prix correspondant à leur marché – par exemple l’hôtellerie avec le salon Equip’hôtel – et dans le même temps d’élargir les jurys à d’autres catégories de professionnels et d’experts, pour que les prix soient attribués d’une façon plus pragmatique et représentative de chaque secteur. Ce type de fonctionnement permettra d’élargir les profils d’entreprises susceptibles de recevoir un prix, en donnant plus de place aux petites structures créatives, et de donner davantage de visibilité aux prix attribués par le Via, pour que les entreprises lauréates puissent s’en servir pour aller conquérir de nouveaux marchés.

CM&H : L’un des axes du projet sectoriel 2015-2020 de l’Unifa est l’internationalisation des entreprises. Quel rôle le Via peut-il jouer dans ce domaine ?
J.-P. B : La mise en ligne de toutes nos ressources documentaires dans le cadre de Via Open Source sera une première fenêtre pour mieux faire connaître à l’international nos industries, nos initiatives pour promouvoir la création, et les produits qui en seront issus. Nous nous sommes également rapprochés du Groupe des Exportateurs de meubles (GEM), afin de réfléchir à notre présence sur les collectives qu’il organise sur les salons étrangers. Une présence du Via apporterait une touche créative et prospective qui témoignerait des capacités d’innovation de notre secteur. Nous travaillons aussi à une exposition qui mettrait en valeur la « french touch » dans le design, autrement dit ce qui nous différencie des autres designs nationaux, une notion qui est déjà reconnue dans d’autres domaines comme la mode, la musique ou le cinéma. Cette exposition aurait une vocation itinérante à l’étranger. Ces initiatives sont de nature à promouvoir une idée renouvelée des industries françaises de l’ameublement, sous le signe de l’innovation.
CM&H :
Tous ces chantiers dessinent-ils les contours d’un « nouveau » Via ?
J.-P. B : Oui et non. Les missions historiques du Via, à savoir mettre en relation les acteurs et décrypter le marché pour que les conditions de la création et de l’innovation soient réunies, demeurent. Nous entendons par exemple non seulement reconduire le Speed Dating qui rencontre un grand succès depuis plusieurs années dans le cadre des DDays, mais nous étudions même l’organisation de nouvelles sessions à un autre moment de l’année et décentralisées en région. Mais la révolution numérique est passée par là : si nous voulons que nos programmes de soutien de la création soient utiles à nos entreprises, il faut qu’ils soient démultipliés par le croisement des échanges et des contenus sur Internet. Un tel partage est aussi un gage de pertinence des axes d’innovation suivis : seules les idées approuvées par l’ensemble des acteurs partie prenante seront développées, ce qui multipliera les chances de succès pour les nouveaux produits qui en résulteront.
[Propos recueillis par F.S.]