En proposant la thématique Work !, pour sa session de rentrée qui a fermé ses portes à Paris-Nord Villepinte mardi 10 septembre, Maison&Objet a attiré un nouveau profil de visiteurs, space planners et investisseurs des nouveaux espaces de travail ou tiers-lieux, en quête de produits hybrides dérivés de l’habitat. Une ouverture qui brouille encore un peu plus les frontières entre les produits destinés à la maison et au contract, pour un nombre croissant d’exposants qui se positionnent sur les deux marchés.
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La session de rentrée de Maison&Objet a rempli son contrat. Avec près de 77 000 visiteurs, cette édition se révèle, à peu de choses près, équivalente à celle de septembre 2018, dans un contexte pour le moins hésitant, marqué par l’ombre portée des « gilets jaunes » sur le plan intérieur, et à l’extérieur par les incertitudes du Brexit, et les tensions économiques entre les deux géants américain et chinois. « Mise en œuvre pour la troisième édition, la nouvelle structuration du salon en deux grands pôles Maison et Objet semble convenir aux acheteurs, a indiqué Philippe Brocart, le directeur général de la SAFI. Elle permet en effet une visite plus efficace, sur une durée qui a tendance à se réduire. Autre facteur d’attractivité du salon, notre capacité au renouvellement, avec pour chaque édition un grand nombre de nouveaux exposants qui relance la curiosité des visiteurs. » Pour cette édition de rentrée, plus de 3 000 marques ont répondu présent, à 61 % internationales en provenance de 69 pays, dont plus de 800 exposaient pour la première fois. Du côté des visiteurs, la structure se répartit en 47 000 visiteurs français, et 30 000 visiteurs étrangers en provenance de 160 pays, les plus représentés étant la Belgique (4 000 visiteurs), l’Italie (2 500), l’Allemagne (2 400), les Pays-Bas (2 200) et le Royaume-Uni (2 100).
Du côté des exposants que nous avons rencontrés, essentiellement dans le hall 6 consacré au meuble, le constat serait plutôt une légère baisse du visitorat, mais compensée par des visiteurs acheteurs. « Nous constatons un visitorat constant pour ce qui est des architectes et prescripteurs, mais plutôt en baisse pour le négoce, avec moins d’acheteurs internationaux que l’an passé », déclare Georges Bonichon, directeur commercial du fabricant de mobilier outddoor Les Jardins. « Les deux premiers jours ont été assez faibles, mais ils ont été compensés par les deux deniers, ce qui fait que ce salon sera finalement meilleur que celui de 2018, commente pour sa part Christophe Galea, exposant spécialisé dans le meuble de complément contemporain. Nous avons vu moins de visiteurs, mais pris plus de commandes. » Fabricant français de canapés implanté près de Lille, Home Spirit se déclare satisfait de son salon : « La fréquentation reste dynamique, avec la présence d’un grand nombre de nos points de vente, mais aussi des clients étrangers et des prescripteurs », ajoute Eric Delpierre, le directeur commercial de l’entreprise. Pour cette session de rentrée, le fabricant a lancé 4 nouvelles collections de tissu, dont un velours côtelé et un lin de grande densité, destinés au retail du marché français et à l’export.
Une thématique porteuse : Work !
Cependant, la principale nouveauté de cette édition reste le fil rouge choisi, la thématique « Work ! », qui avait pour but d’accompagner la métamorphose des espaces de travail, qui s’inspirent de plus en plus des codes de l’habitat. Comme chacun peut le constater, les nouveaux outils numériques, de l’ordinateur portable au téléphone mobile et autre tablette, permettent aujourd’hui de travailler à peu près de n’importe où et n’importe quand. Il en résulte une déstructuration du poste de travail – longtemps composé d’un bureau fixe, d’un fauteuil de bureau et d’un rangement – au profit de nouveaux espaces qualifiés de « tiers-lieux », où on travaille de façon plus informelle, dans la flexibilité, en aménageant les espaces en fonction des besoins : siège isolé pour une négociation au téléphone, cellule isolée en face à face pour recevoir un client, réunion improvisée autour d’un écran et d’une table réglable en hauteur pour faire le tour d’une question ou faire le point rapidement sur un dossier… La typologie de lieux la plus parlante pour illustrer cette tendance est celles des lieux de coworking que l’on voir sortir comme des champignons, pour l’instant en centres-villes, mais ce type de lieux se développe aussi dans les hôtels, qui peuvent ainsi optimiser leurs espaces « lounge » en les louant aux heures creuses de la journée, et pourrait aussi voir le jour bientôt dans un autre type de lieux, les maisons de retraite ou établissements paramédicaux, qui capteraient ainsi une partie du temps des actifs, et pourraient ainsi renforcer leur côté « lieux de vie ».
Ouverts à de nouveaux usages, comme se reposer ou se restaurer – peut-être bientôt y passer la nuit pour les travailleurs nomades – ces tiers-lieux ont changé de visage par rapport à l’univers du bureau, et font appel à des codes beaucoup plus proches de ceux de l’habitat, dans l’idée de créer des atmosphères proches du « chez soi ». D’où l’ascension de ce qu’on appelle le mobilier « hybride », à la fois conçu pour ces lieux partagés, et mettant en œuvre les matériaux, les lignes, les finitions de la maison, notamment bois, tissus, exigence de confort. C’est donc logiquement que la thématique Work ! a attiré sur le salon un nouveau profil d’exposants positionnés à la fois sur le contract et sur le domestique, réunis dans le hall 6. C’est le cas par exemple de l’entreprise danoise Bolia, dont les collections s’inspirent de la tradition du design scandinave, pour produire des meubles qui répondent à des impératifs de simplicité, de savoir-faire artisanal, et d’authenticité des matériaux, dans une perspective de durabilité. Le fabricant a exposé ses propositions de canapés unitaires, composables ou d’angles, ses propositions de fauteuils, poufs, tables de repas et tables basses avec piétement en bois massif ou métal, et plateaux en bois ou en marbre, pour composer des intérieurs domestiques ou aménager des espaces de tiers-lieux. Dans un positionnement proche, on note la présence du fabricant suédois de mobilier de bureau Kinnarps, qui exposait avec sa marque de mobilier hybride Materia, et l’éditeur français Moore, orienté lui aussi vers les marchés du contract.
Les exposants hybrides au rendez-vous
Cette nouvelle thématique a renforcé l’attractivité du salon pour les fabricants qui avaient déjà un positionnement hybride, comme un Vitra, déjà présent de longue date à la fois sur les marchés du domestique et du contract. Le fabricant suisse a ainsi exposé les nombreuses nouveautés de sa collection d’accessoires automne-hiver 2019-2020, avec des objets signés de grands designers historiques ou contemporains comme Georges Nelson, Isamu Nogushi, Jean Prouvé, Alexander Girard, Raw-edges et Front. Dans une optique transversale, on peut par exemple citer la lampe de bureau créée par Jean Prouvé en 1930 pour la cité universitaire de Nancy, un objet aussi fonctionnel que beau en tôle d’acier pliée. Créée par le même designer en 1947, la lampe murale petite Potence, avec son bras de 103 cm de longueur, son câble en textile de haute qualité et son ampoule LEDs réglable en intensité, convient aux contextes les plus variés, de la salle à manger en passant par le séjour, du bureau au café. Très présent dans la distribution, mais aussi dans le contract, le fabricant de mobilier outdoor Fermob utilise désormais la session de rentrée de Maison&Objet pour lancer sa nouvelle collection, traversée par trois nouvelles couleurs tendances, qui sont plus exactement de très belles tonalités pastel : Menthe Glaciale, Citron Givré et Gris Argile. Le salon a permis de découvrir de nombreuses extensions de gammes existantes en matière de meubles : ainsi, la collection néo-rétro Lorette (design Frédéric Sofia) s’enrichit d’une chaise et d’une table pliantes, tandis que la légendaire collection Luxembourg, du même designer, se décline avec un duo de tabourets bas (45 cm) et haut (75 cm). Au rang des nouveautés, évoquons aussi la table Calvi en aluminium (design Antoine Lesur), dont le plateau semble flotter, comme déposé au-dessus des quatre angles de la structure évasée. Cependant, la plus grande créativité du fabricant dans cette nouvelle collection se trouve peut-être du côté des luminaires, avec par exemple la guirlande Hoop, composée de 8 spots lumineux sur un câble noir mat de 12 mètres qui permet d’éclairer une grande table, ou encore Inouï, un « objet lumineux » situé entre luminaire et mobilier. Ce cône en résine en effet peut au choix servir de table d’appoint, tabouret, luminaire, piédestal ou objet décoratif.
Mais l’exposant qui a peut-être le plus répondu à la thématique du salon est sans doute le fabricant belge Ethnicraft, qui a réuni sous le nom « Work » une collection complète de mobilier pour l’aménagement des nouveaux lieux de travail de type coworking, accompagnée d’un service d’aide à la conception des espaces. Ces produits mettent en œuvre les savoir-faire de la marque, notamment dans le travail du chêne massif, du noyer et du teck, à l’image de la table et de la chaise Bok (design Alain van Havre), qui peuvent accueillir les coworkers, complétés par un bureau motorisé et réglable en hauteur, pour pouvoir bénéficier des avantages de la posture alternée debout-assis plébiscitée par les ergonomes et analystes du poste de travail, sans oublier les tabourets hauts Osso (design Jeffrey Budiman). La collection comprend aussi des bureaux individuels, accompagnés de caissons à tiroirs – par exemple l’ensemble Oscar, design Alain van Havre – ainsi que des rangements, adaptés aux espaces tertiaires comme au « home office ».
De la maison au contract
En définitive, cette ouverture du salon aux nouveaux espaces de travail ne fait qu’accentuer un positionnement déjà très transversal : le salon accueille en effet un visitorat composé aux deux tiers de retailers, et pour un tiers de prescripteur, ce qui fait que de nombreux exposants s’adressent déjà aux deux cibles de la distribution et des marchés de projets. C’est ainsi qu’un fabricant de mobilier métallique comme Résistub Productions s’adresse déjà pour les deux tiers de son activité au contract, notamment hôtelier, et pour un tiers aux boutiques. C’est aussi le cas de Drugeot Manufacture : le fabricant de meuble de complément contemporain en chêne expose autant pour la fréquentation des boutiques que pour celle des architectes d’intérieur. Nouvelle marque présente sur le salon, le fabricant de mobilier gain de place Mafael entend développer ses ventes aussi bien en direct via son site Internet pour les particuliers, que via les prescripteurs et donneurs d’ordre des marchés de l’hébergement, internants, résidences étudiantes et résidences de vacances. Quant au fabricant délocalisé Zago, il mise sur une stratégie multicanale, avec la création d’un concept de distribution original à sa marque, le développement de ses ventes sur Internet, et le renforcement de ses liens avec la prescription. « Cette édition de rentrée est marquée par une ouverture supplémentaire vers les marchés de projets, conclut Philippe Brocart. Grâce à la thématique Work !, nous avons attiré sur le salon de nouveaux profils professionnels comme les space planners ou les responsables des environnements de travail, et nous voyons aussi venir de plus en plus d’investisseurs et patrons du secteur hôtelier et de la restauration. Cette ouverture aura un prolongement dont la forme reste à définir. » En attendant, la Safi prépare les 25 ans de Maison&Objet, qui seront fêtés de manière prospective, avec une thématique sur la nouvelle génération des acheteurs, leur manière de penser et de fonctionner, et l’impact qu’elle aura sur les évolutions de la distribution et de la consommation. Un programme alléchant pour la session de janvier.
François Salanne
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[Zoom]
Les fabricants lituaniens sur le marché français
Maison&Objet a accueilli un stand collectif dédié aux fabricants lituaniens de mobilier, situé dans le secteur Today (meuble contemporain) du salon. Les visiteurs ont pu découvrir les savoir-faire authentiques de ce petit pays balte, notamment le travail du bois massif associé à la création contemporaine. Dans ce registre, on peut citer l’éditeur Jot.jot, qui a exposé son produit iconique, l’assise Baba et sa bonne bouille (design Iskos Berlin), déclinée en chauffeuse, pouf et même canapé 2 et 3 places, mais aussi ses étagères, tables d’appoint et luminaires. Autre fabricant lituanien, Viruna propose des collections de meubles de compléments et sièges – collections Apollo, Landing… – en chêne massif ou finition laque. Quant à Emko, il s’agit d’une marque qui fait la part belle aux jeunes créateurs, en éditant des meubles qui associent le bois massif – notamment le frêne réputé en Lituanie – et la fonctionnalité, avec un souci de qualité d’usage. Dans la collection 2019, on peut citer par exemple la chaise basse Naïve ou le bureau écritoire. Enfin, signalons aussi la présence du fabricant de lits et matelas à ressorts, en mousse ou en latex Gergama, qui offre une gamme de produits du moyen au haut de gamme, et se trouve aujourd’hui en phase de développement en France.