Chaque année, le Salon du meuble de Milan est le terrain d’expression privilégié pour les éditeurs et fabricants de mobilier design italiens et du monde entier. L’édition 2019 n’a pas failli à la règle : les marques de prestige ont fait preuve d’une grande créativité, mais imprégnée le plus souvent de nostalgie. Les glorieuses traditions du XXe siècle sont convoquées pour servir de base, technique ou esthétique, aux nouveautés produits, et cultiver son territoire de marque. Voici notre sélection de nouveautés marquantes.
Lire aussi : Milan, entre création et valeurs sûres
> Alias associe approche conceptuelle et bois technologique
Dans la lignée d’un ADN qui exprime une approche conceptuelle et une expérimentation des matériaux pour en exalter les caractéristiques techniques et formelles, en premier lieu l’aluminium, Alias a exposé trois nouveautés de grands designers en matière de siège rembourré, qui mettent en œuvre une approche technologique du bois. Time, le fauteuil dessiné par Alfredo Häberli, se compose d’une coque réalisée dans un sandwich de bois et matériau composite, dont le dessin évoque l’art ancestral de l’origami. Avec E la nave va, l’atelier Oï signe un canapé organisé à partir d’un système de lattes apparentes, inspiré de la structure des coques de bateaux en bois, les nervures élastiques qui supportent les coussins étant fixées à deux rails en bois. Enfin, le maître Michele de Lucchi a imaginé Trigono, un canapé architectural avec une structure en bois massif, composée de deux chevalets latéraux, reliés par une poutre centrale habillée d’un système de sangles sur lequel reposent les coussins.
> Arflex, un confort changeant tout en courbes
Le fabricant mise dans sa collection 2019 sur la modularité, voire la versatilité en particulier pour les nouveaux sièges. Avec le canapé Lee (design Fabrizio Ballardini), il lance un modèle à composer soi-même avec des dossiers de différentes formes et dimensions, à compléter avec les coussins articulés qui permettent de personnaliser le confort. En alternative à son piétement métal, la version Low land offre une seconde possibilité d’assise plus basse. De même, le fauteuil Gloria (design Claesson Koivisto Rune) se présente comme un fauteuil féminin « à habiller soi-même », selon l’apparence qu’on veut lui donner : en version à dossier haut ou bas au choix, revêtement rembourré court laissant apparaître le piétement en métal, ou au contraire long pour le recouvrir, les formes courbes sont une constante pour un confort ergonomique. Le fabricant lance également les tables en marbre Goya (design interne), ainsi que les tables basses et le bureau de la collection Sigmund (design Studio Asaï), qui associent un plateau en marbre et un piétement en métal laqué.
> Poltrona Frau, la carte de l’intemporel
Le fabricant met en avant sa culture patrimoniale, en rééditant deux classiques de son catalogue, le célèbre fauteuil In primis de 1919, restylé par Roberto Lazzeroni et complété par le repose-pieds Glenn, et la bibliothèque autoportante tournante Turner (Gianfranco Frattini, 1963), une création d’avant-garde toujours actuelle. Les nouveautés absolues étaient aussi au rendez-vous, avec l’espoir de devenir aussi des « classiques ». Il s’agit notamment du système de siège Get Back (Ludovica et Roberto Palomba), une assise conçue dans les moindres détails pour favoriser une détente informelle, et du fauteuil Martha (Roberto Lazzeroni), dont les lignes ouvertes et sinueuses allient confort et légèreté. A signaler aussi, le lit contemporain Coupé (Gam Fratesi), dont le design aérodynamique est un hommage aux voitures de sport de la grande époque.
> Moroso, inspiration poétique
Pour dessiner le sofa Gogan, Patricia Urquiola a laissé errer son regard sur les pierres polies par l’eau et le temps qui bordent les lacs et rivières du Japon. L’équilibre précaire de ces objets naturels, à la fois denses et en appui les uns sur les autres, se retrouve dans l’assemblage des dossiers et des assises grâce à des butées, qui se jouent de la gravité pour offrir un aspect suspendu à l’ensemble. Les revêtements en tissus, inspirés des motifs des années 70, contribuent à donner au canapé un rendu minéral. L’inspiration est tout aussi présente pour le canapé Heartbreaker (Johannes Torpe), qui tient ironiquement son nom de ses accoudoirs en forme de demi-cœur, formant un cœur entier quand deux canapés sont mis côté à côte. Sans perde de vue la fonctionnalité et le confort, ce canapé se présente comme une relecture distanciée de la culture pop. Sa conception le destine aussi bien aux marchés du contract (hôtellerie) qu’à ceux du résidentiel.
> Cassina, entre création et réédition
L’éditeur et fabricant italien lance deux nouveaux programmes d’assises rembourrées, qui incarnent sa vision faite d’avant-gardisme, d’authenticité, et d’excellence, à la croisée des capacités technologiques et des savoir-faire artisanaux. Le premier, Dress up !, est le premier canapé rembourré signé Rodolfo Dordoni pour la marque. Il se singularise par une combinaison d’éléments asymétriques, comme la méridienne, et surtout un ensemble de détails qui appartiennent à l’univers de la mode, comme cet élégant travail de couture le long du dossier et des accoudoirs, créant un plissé devant et derrière pour dissimuler la fermeture à glissière située à la base du canapé, comme on le ferait pour une robe sur mesure. Autre produit à forte personnalité, le canapé de la gamme Cotone (Ronan & Erwan Bouroullec) est un siège composé d’une structure très rigide en aluminium extrudé, complétée par contraste avec un rembourrage moelleux de coussins, qui l’apparente à l’alcôve dans sa version haute, et au canapé très contemporain dans sa version basse. Enfin, Cassina enrichit sa collection I Maestri, avec la réédition de 4 meubles – Capitol Complex chair et office chair, Capitol Complex Armchair et Table – dessinés par Pierre Jeanneret, réalisée à partir des archives de la fondation le Corbusier. Ce mobilier était destiné au Complexe du Capitole, un projet architectural commandé par les autorités indiennes à Le Corbusier pour la ville Chandigarh et inauguré en 1951.
> Fritz Hansen, dans la tradition du design danois
Le fabricant lance un nouveau fauteuil, le Lounge chair JH97 (design Jaime Hayon), présenté comme un « fauteuil danois typique, une combinaison du design traditionnel danois et de la technologie moderne ». Sa structure en chêne massif, avec ses assemblages à la fois visibles et aux bords légèrement arrondis, et ses accoudoirs larges et plats, s’inscrivent dans une longue lignée de sièges scandinaves. Les coussins de dimensions généreuses sont recouverts de housses détachables en textile ou en cuir, ce qui exprime la simplicité, la durabilité, et l’aspect pratique du design nordique. Sur cette base, ce fauteuil exprime aussi une forte présence, due au coup de crayon d’un designer tout à fait contemporain. Le fabricant réédite par ailleurs les « étagères PlannerTM », conçues dans les années 50 par le designer Paul McCobb, dont les lignes sont inspirées des maîtres du Bauhaus. Chaque élément de la structure est fabriqué en acier laqué, avec des joints soudés à la main avec un léger arrondi, tandis que les étagères sont en chêne biseauté, des détails qui font toute l’élégance de ce « classique ».
> Cappellini, une certaine idée de la forme
Héritier du passé des arts décoratifs, l’éditeur a lancé plusieurs nouveautés qui témoignent d’une profonde recherche sur le plan du style et de la construction. C’est le cas du canapé Cap Martin Sunset (Carlo Colombo), un produit modulaire, à composer avec élément d’angle, méridienne et pouf, et dont les accoudoirs roulés sentent bon la nostalgie pour les étés sur la Côte d’Azur dans les années 50. En plus de créations signées Guido Cappellini – la table Dolmen en marbre, dont la géométrie est plutôt inspirée des années 80, le buffet El Paso sans poignées, traité comme un à plat abstrait de couleur – on peut aussi signaler la réédition de la 01 Chair (Shiro Kuramata), créée par le designer japonais en 1979, qui se compose d’une structure en tube métallique laqué et chromé mat, subtilement déformé pour donner un dossier et des accoudoirs de formes sinueuses.
> Knoll, l’art du classique contemporain
L’éditeur célèbre les 15 années de collaboration avec l’architecte Piero Lissoni, qui signe dans la collection 2019 le canapé Gould, un modèle qui se caractérise par son esprit classique contemporain, pourvoyeur d’un mode d’assise informel dû à ses proportions amples – large, extra large ou extra extra large – à sa profondeur et à ses coussins grand confort. Après avoir dessiné avec succès pour la marque des canapés et fauteuil, le duo Edward Barber & Jay Osgerby signe une collection de tables à forte personnalité : Smalto. Entièrement réalisées en acier émaillé, avec une âme en panneau alvéolaire pour renforcer la résistance et réduire les bruits, ces tables de différentes formes et dimensions sont un véritable manifeste de pureté et de simplicité, tout en exploitant le potentiel sculptural du matériau. Rappelons enfin que Knoll a édité une version limitée à 365 exemplaires de la chaise Barcelona (Ludwig Mies van der Rohe), avec une structure métallique chromé noir et un revêtement en cuir noir, ivoire ou vert, pour le 100e anniversaire du Bauhaus.