Le salon Workspace Expo, du 16 au 18 avril à Paris, a mis en évidence la diversification de l’offre en mobilier et équipements, pour répondre aux attentes émergentes créées par l’essor du flex office et des sites de coworking. Si les critères techniques comme l’acoustique ou l’ergonomie restent incontournables, on voit apparaître de plus en plus de produits hybrides, qui peuvent trouver leur place aussi bien en entreprise, que dans toute sortes de tiers lieux, voire à la maison dans le cadre du home office.
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Comme l’a montré l’Observatoire Actineo 2019, les espaces tertiaires continuent de se métamorphoser, dans un mouvement qui a tendance à s’accélérer (1). Pour ne citer que quelques chiffres marquants, 66 % des salariés travaillent aujourd’hui dans un bureau fermé, mais 34 % travaillent dans des bureaux collectifs ouverts, et 14 % en « flex office », c’est-à-dire sans bureau attribué. Autre fait marquant, 53 % pratiquent un « nomadisme », à savoir travaillent régulièrement ou occasionnellement hors de leur bureau, un chiffre qui peut être mis en parallèle avec l’essor des « tiers-lieux » : durant ces quatre dernières années, le pourcentage des salariés qui utilisent des espaces de coworking est passé de 15 à 38 %, avec des pourcentages encore plus élevés pour les cadres (51 %) et les Millennials (61 %). Dans un tel contexte, le marché de l’aménagement des nouveaux espaces de travail – lieux de coworking, lobbys d’hôtels, pépinières d’entreprises, incubateurs d’innovation… – sans oublier le développement du home office, intéresse un nombre croissant de fournisseurs, en particulier de mobilier innovant et « hybride », mais aussi d’aménageurs, maîtres d’ouvrages et architectes.
Workspace Expo fait carton plein
Un contexte qui explique sans doute le nouveau succès de fréquentation de Workspace Expo, qui a fermé ses portes le 18 avril. Cette édition 2019 a en effet enregistré la venue de 18 000 visiteurs, ce qui représente un bond de près de 20 % – 19,7 % exactement – par rapport à la dernière édition, tandis que le visitorat international progresse de 7 %. Des chiffres qui font de Workspace Expo le deuxième salon européen du secteur, derrière l’Orgatec de Cologne, qui lui est biennal. Quel est le profil de ces visiteurs ? Ce sont en majorité des donneurs d’ordres et prescripteurs – 20 % appartiennent aux services généraux, 20 % aux directions générales, 16 % aux directions des achats, et 18 % sont des architectes – dans différents secteurs comme la prestation de service (15 %), le tertiaire et l’immobilier (15 %), l’industrie (13 %), le BTP (12 %), ou encore le commerce et la distribution (12 %). L’édition 2019 a réuni un total de 235 marques, avec un nombre croissant de leaders, spécialisés dans le mobilier de bureau, mais aussi les équipements annexes comme les luminaires, composants acoustiques ou encore revêtements de sols.
Les leaders en mode « crossover »
Pour répondre aux demandes polymorphes des espaces tertiaires, la tendance est à l’élargissement de l’offre, avec la constitution de groupes qui intègrent un nombre croissant de marques, par acquisition ou partenariat. C’est le cas par exemple de l’américain Haworth, qui après avoir acquis notamment les marques italiennes Poltrona Frau, Cassina et Cappellini, a exposé en partenariat avec beaucoup d’autres, comme Brunner (postes de travail acoustiques), BuzziSpace (solutions acoustiques), Framery (cabines isolées), Gan (Tapis et assises), Pablo (luminaires pour le bureau et la maison). « Cette stratégie est une adaptation à l’hybridation des espaces de vie, explique François Brounais, directeur général de Haworth France. Ce bouquet de marques internes au groupe ou partenaires, situées entre le tertiaire et l’habitat, nous donne une offre globale pour répondre à toutes sortes de projets, sous la houlette de Patricia Urquiola, directrice artistique de Haworth. » Sur le salon, la marque Haworth a notamment exposé la banquette Riverbend (design Fletcher Vaughan), qui permet de créer de nombreuses configurations pour le travail individuel, les discussions en face à face ou les sessions collaboratives, la chaise Maari (Patricia Urquiola), chaleureuse et confortable, mais aussi les luminaires BuzziMoon, de la marque BuzziSpace, une « sphère acoustique » rembourrée, composée de carton rembourré, MDF et mousse pour une absorption et une diffusion sonore optimale.
Leader du mobilier de bureau en Europe, le suédois Kinnarps joue aussi la carte du mobilier « crossover », grâce à la complémentarité de sa marque de mobilier hybride Materia. Sous la marque Kinnarps, positionnée de façon générale sur le poste de travail, le groupe a ainsi lancé la chaise Leia, empilable, et déclinée dans 13 nouveaux coloris dynamiques. Avec ses lignes simples et épurées, ce produit se prête à une multitude d’aménagements : espaces de réunion, de formation, auditorium, restaurant d’entreprise, espaces détente… (produit récompensé par un IF Design Award). Sous la marque Materia, il lance notamment des nouvelles assises, dont le canapé et fauteuil Alto (design Mattias Stenberg), dont la hauteur d’assise unique de 630 mm le destine aussi bien au rendez-vous professionnel qu’au moment repas, et le lit banquette Today (design Mia Cullin), avec sa structure en tube métallique enveloppant coussins de dossier et d’accoudoir le destine à un environnement bureau, un salon ou un espace repos. Signalons aussi le lancement de Vagabond Duo, la table multi-usage – réunion, repas… – sur roulettes de Materia déclinée en version à deux plateaux de hauteurs différentes, pour créer deux postes de travail séparables avec une paroi centrale (design Marie Oscarsson). Exposant pour la première fois sur Workspace Expo, Steelcase joue la carte de la modularité et de la polyvalence, avec un tout nouveau concept de mobilier de bureau inspiré de la culture start up, Bivi. Tirant son nom de « bivouac », un refuge temporaire qui doit être rapidement construit, ce produit réunit les fonctions bureau, canapé, bac à plantes, connectique – et même porte-vélo !- pour s’adapter aux besoins de chaque salarié en un tour de main. « Bivi est un produit caméléon, tour à tour bureau, table pour un travail d’équipe, canapé pour s’asseoir… et bien d’autres choses encore », déclare Alessandro Centrone, vice-président marketing EMEA du groupe. Pour ne pas déroger à la tendance, Steelcase a désormais pour partenaire de distribution Bolia, fabricant scandinave de mobilier pour les espaces d’accueil et les collectivités, pour lesquels la marque crée des sièges rembourrés, et des tables et chaises -mais aussi des tapis et luminaires – qui font la part belle au bois, à l’image du canapé compact Fuuga, de l’étagère Pont (design AC/AL Studio), ou de la table haute Node (design Kaschkasch).
Fabricants français : une offre différenciante
Fidèle de la manifestation, Gautier Office a lancé sur le salon son nouveau modèle de bureau de direction, Brabant, qui reprend les codes de la marque, notamment des épaisseurs importantes – 35 mm pour le plateau, 25 mm pour les parties verticales – qui garantissent la robustesse du produit, et une esthétique bois proche des gammes Gautier destinées à l’habitat. « Il s’agit d’un concept complet avec un bureau jusqu’à 2,2O m de largeur équipé en option d’éléments de connectique, et une partie rangement composable à partir de différents modules, qui peut aussi servir de séparation pour différents espaces », explique Jérôme Padioleau, responsable commercial de Gautier Office. Depuis fin 2018, l’entreprise a mis à la disposition de ses client un nouvel outil, PCon Planner, qui leur permet de créer des plans 3D de leurs espaces de travail avec le mobilier de la marque, téléchargeable gratuitement sur son site web. Autre pilier de l’industrie française, le groupe Sokoa, fabricant de sièges implanté au Pays Basque, dispose aujourd’hui d’un ensemble de marques et d’une offre très large à destination des acteurs du marché : Eurosit (sièges ergonomiques), Genexco (agencement), Sorec Solutions (bulles acoustiques), et Sellex (tables, chaises, bancs, étagères, bancs pour collectivités). Sous la marque Sokoa, le groupe a notamment lancé les dernières déclinaisons de Klick (design Iratzoki et Lizaso), une gamme de chaises, tabourets et chauffeuses aux pieds bois ou métal à forte personnalité, et le fauteuil de direction Eden 02, qui associe une ligne élégante et de hautes performances ergonomiques (design Iratzoki et Lizaso), sans oublier le « tabouret-pouf » Kuldu pour position assise dynamique – par exemple les réunions improvisées – signé Bruno Houssin.
Quant au groupe Cider, fabricant de postes de travail qui reprennent largement les codes de l’habitat grâce à l’utilisation de piétements bois, il a joué la carte de la décoration et de la décontraction, avec les dernières créations de sa filiale Manufacture du design. Avec pour fil conducteur le pantone de l’année – Living Coral – une couleur enjouée qui exprime l’enthousiasme de ses créations, la maison d’édition a notamment lancé la banquette de la collection Vice-versa (design Elizabeth Hertzfeld), un élégant « îlot » pour s’asseoir, déposer quelques affaires et partager un moment de convivialité dans les espaces tertiaires ouverts.
Acoustique : une préoccupation montante
Sur des lieux de travail de plus en plus polyvalents, où il faut pouvoir s’isoler, le confort acoustique prend une dimension nouvelle, comme l’a montré l’offre consistante de Workspace Expo dans ce sens. L’une des solutions en vogue est la cabine, à l’image de la gamme Hush Phone (cabine téléphonique individuelle), Hush Meet (espace de réunion isolé), ou Hush Work (cabine avec poste de travail isolé) proposée par le fabricant polonais Mikomax Smart Office. Autre acteur spécialisé dans ce registre, le fabricant de cloisons Interior a mis au point Oxygen, une « bulle » sur mesure et haut de gamme configurable pour se réunir à plusieurs, comprenant des fonctionnalités sophistiquées comme l’éclairage LEDs réglable, ou encore la ventilation discrètement intégrée dans les parois et totalement silencieuse. Ce thème était aussi l’un des axes de la présentation du distributeur parisien Silvera, qui a obtenu un Trophée de l’innovation Workspace Expo « coup de cœur » pour le système de séparation de l’espace Paravan (Arper), qui permet de créer facilement de la convivialité dans les espaces lounge, contract ou collaboratifs. L’une des attractions de ce stand était par ailleurs le fauteuil sieste Neuron Activation Pod, fabriqué par le finlandais Look Industries, qui permet de s’extraire de l’atmosphère ambiante dans une position de détente avec un casque musical sur les oreilles. Acoustique toujours, ce n’est pas un hasard si le Trophée de la catégorie « solutions d’aménagement » a été attribué au panneau Obersound, conçu par le studio 5.5 Designers pour le fabricant Ober Surfaces, qui a pour fonction de moduler la qualité sonore des espaces, tout en offrant une gamme de motifs décoratifs personnalisables grâce à un configurateur en ligne.
Une ergonomie aux codes de l’habitat
Le siège de travail reste un élément fondamental pour optimiser l’ergonomie des postes de travail, mais on constate que, tout en conservant la même fonction, il adopte de moins en moins les codes du bureau pour se tourner vers ceux de l’habitat, avec notamment des lignes fines, ou des piétements et habillages en bois, qui les destinent tout autant au home office. C’est le cas par exemple pour la grande nouveauté lancée par Eurosit, la gamme Inyo, aux accents japonisants, signée par le cabinet Fritsch Durisotti. Déclinée en fauteuil, chaise avec différents piétements, et chaise haute, ce produit répond aux critères normatifs liés à un usage professionnel, tout en proposant un design rafraichissant, notamment pour les nouveaux espaces de coworking ou collaboratifs. Le fabricant nord-américain Humanscale, qui s’est fait de l’ergonomie une spécialité avec des tablettes support de clavier réglables en hauteur, ou des bras support d’écran articulés, semble dans une optique voisine avec le nouveau siège Summa. En effet, ce produit affiche les mêmes caractéristiques ergonomiques que les autres sièges de la marque, mais en affichant délibérément un design domestique, et les codes du luxe, avec des matériaux nobles comme l’acier chromé ou le placage bois.
Enfin l’ergonomie, c’est aussi plus que jamais le bureau assis-debout, qui devient d’autant plus légitime que le flex office se développe, avec la nécessité de pouvoir régler la hauteur du plateau pour un confort optimal des différents utilisateurs, et une meilleure prévention des troubles musculo-squelettiques. Exposant régulier du salon, le fournisseur danois de systèmes motorisés Linak apparaît comme la référence en la matière. Pour faciliter l’utilisation de cette fonction, Linak a développé la gamme de moteurs Deskline, ainsi que des accessoires comme la commande intuitive DPG, qui permet d’actionner le moteur de façon intuitive et de mémoriser une position, le tout étant pilotable depuis son smartphone grâce à l’application Desk Control. Une fonctionnalité poussée encore plus loin par Steelcase, qui lance le concept de bureau Ology, qui permet, à l’aide d’une application, de programmer de façon automatique les réglages du plateau, pour inciter l’utilisateur à varier les positions assis-debout, et de bénéficier ainsi de tous les bienfaits du concept.
(1)L’étude est intégralement consultable en ligne sur http://www.actineo.fr/article/barometre-actineo-sociovision-2019