Egger : un taux de 65 % de bois issus de co-produits ou du recyclage, qui sera progressivement amélioré.
Developpement durable : les fournisseurs en premiers de cordee
Les fournisseurs de l’ameublement et de l’agencement prennent aujourd’hui de nombreuses mesures pour décarboner leur activité. Mais leur stratégie aura des retombées sur toute la filière, car les composants les plus vertueux pour l’environnement seront de précieux alliés des fabricants de meubles, pour obtenir le meilleur affichage environnemental pour leurs produits finis. FRANCOIS SALANNE
Le programme interne de Blum sous le titre Moving ideas for sustainability – « des idées qui bougent pour la durabilité », et son association au projet « Vision 2045 », qui met en lumière les mesures prises par différentes entreprises du monde entier pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies, ou encore la publication par Hettich de son nouveau rapport sur la durabilité 2023 sous le titre « Agir aujourd’hui – penser à demain » sont des exemples parlants des engagements que prennent aujourd’hui l’ensemble des fournisseurs de l’ameublement et de l’agencement en faveur du développement durable. Les initiatives qu’ils prennent en termes de bilan énergétique, d’économie circulaire, ou encore de transports se font aujourd’hui tous azimuts.
Energie : reduire la consommation et promouvoir les energies propres
Cette éco-responsabilité se traduit notamment par le développement des énergies propres, pour l’alimentation des sites de production. Si on se tourne vers le leader autrichien de la ferrure Blum, on s’aperçoit qu’il ne ménage pas ses efforts, pour réduire sa consommation, et développer un approvisionnement énergétique durable. Ainsi, 95 % des systèmes de ventilation de l'entreprise sont désormais équipés d'une technologie de récupération de la chaleur, ce qui signifie qu'au printemps et à l'automne, les usines Blum en Autriche sont entièrement chauffées grâce à la chaleur résiduelle de leurs processus de production, ce qui a permis d’économiser plus de 15 200 MWh d’énergie en 2023, l’équivalent de 2,26 millions de m³ de gaz naturel, soit le chauffage de 1 614 maisons individuelles. L'entreprise utilise également le chauffage urbain, le refroidissement des eaux souterraines et les systèmes photovoltaïques installés dans ses locaux : ainsi, deux de ses usines implantées à Höchst, ainsi que l’usine de Bregentz, sont équipées d’installations photovoltaïques, tandis que son usine de Gaißau est alimentée par de l’énergie solaire thermique. Ce sont au total 1 873 m² de capteurs solaires qui sont installés dans le Vorarlberg (Autriche), qui ont produit 306 832 kWh en 2023.
Autre leader autrichien de son marché, le fabricant de panneaux à base de bois Egger s’engage clairement en faveur des énergies propres, et met en place une stratégie globale pour réduire de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre ayant un impact sur le climat tout au long de sa chaîne de valeur, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, conformément aux engagements de l’accord de Paris sur le climat. Aujourd'hui déjà, 70 % de l'énergie utilisée par le groupe provient de sources renouvelables, mais Egger veut aller plus loin : « En tant que fabricant de matériaux à base de bois, notre modèle d'entreprise a toujours été lié à la protection de l'environnement et du climat. Nous considérons donc qu'il est de notre devoir de réduire nos émissions ayant un impact sur le climat, déclare Thomas Leissing, directeur financier et président du groupe. Nous voulons ainsi permettre aux générations futures de vivre et de travailler de manière durable grâce à nos matériaux à base de bois respectueux du climat ». Pour atteindre son objectif, le groupe ambitionne à l’horizon 2030 de réduire ses émissions liées au Scope 1 (émissions directes de ses usines) de 30 %, de réduire celles liées au Scope 2 (achats d’énergie) d’au moins 40 %, et celles du Scope 3 (provenant d'émissions indirectes dans la chaîne de valeur en amont et en aval) d’au moins 10 %. Des investissements importants sont planifiés dans les années à venir notamment dans les centrales électriques à biomasse, les installations photovoltaïques supplémentaires, et l’achat d’électricité verte. Dans le domaine des bandes de chants et surfaces à base de polymères, le leader du secteur l’allemand Rehau avance le chiffre de 100 % d’énergie renouvelable utilisée dans ses usines de bandes de chants. Autre acteur important du secteur, le groupe Hettich a adapté, fin 2022, ses principes de développement durable à la stratégie de l’entreprise et les a complétés par l'objectif de neutralité climatique sur les sites de l'entreprise au niveau des émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes (scopes 1 et 2 conformément au protocole GHG « Greenhouse Gas Protocol »). Comme le souligne Ute Schulz de l’équipe Corporate Responsibility chez Hettich, « Nous donnons clairement priorité à la prévention et à la réduction, et considérons la compensation des émissions de gaz à effet de serre nocives pour le climat uniquement comme la dernière possibilité. »
Recuperer et optimiser les surplus de production
Atteindre une « consommation et une production responsables » est un objectif qui se traduit aussi par une réduction des déchets de production. Ici encore, les initiatives sont nombreuses, pour réduire la quantité de matériaux utilisés (scope 3 selon l’Ademe), et favoriser la réutilisation des surplus industriels sur site, et l’utilisation de matériaux recyclés. « L’acier que nous utilisons est de 30 à 50 % recyclé, un pourcentage élevé dû à l’organisation performante de toute la filière, et toutes nos chutes d’acier sont renvoyées vers les circuits de recyclage, déclare Eric Tiberghien (Salice France). En ce qui concerne le zamac – un matériau plastique utilisé à l’intérieur des ferrures - nous ré-injectons nous-mêmes les chutes dans le circuit de distribution, et nous recyclons et réutilisons sur place l’eau utilisée pour les traitements de surface (galvanoplastie). » Blum de son côté applique un schéma similaire avec le zinc : « Les coulées de zinc issues du procédé de moulage sous pression sont directement réintroduites dans les machines de production ou envoyées à notre propre four de refonte pour être transformées en nouvelle matière première », explique Laura Erhart, experte en économie circulaire chez Blum. Quant aux déchets de production qui ne peuvent être recyclés en interne, ils sont réintroduits dans le cycle des matériaux par un partenaire externe. Chez Rehau, leader de la fabrication de bandes de chants à base de polymères, le recyclage des déchets de production est devenu un pilier de la RSE : « Aujourd’hui, les déchets de PP (polypropylène) et d’ABS, deux matériaux dominants dans les bandes de chants, sont récupérés, concassés, et réintroduits sans aucune perte dans le processus de production », explique Sophie Siragusa, responsable Ameublement chez Rehau France. Le fournisseur allemand a franchi une étape supplémentaire en lançant deux gammes de bandes chant innovantes : Raukantex Eco, fabriqué avec 50 % de résidus industriels recyclés, disponible pour toutes les bandes de chant, tous formats et toutes finitions, et Raukantex Evo, réalisé à partir de 100 % de matériaux renouvelables, et produits en utilisant exclusivement de l’énergie verte.
Economie circulaire : la filiere bois aux avant-postes
Déjà favorisée par un matériau renouvelable – puisque le bois emprisonne du CO2 pendant sa croissance, et affiche un bilan carbone meilleur que d’autres matériaux – la filière bois a pris de l’avance sur les problématiques du développement durable et de l’économie circulaire. C’est ainsi que Egger a commencé à fabriquer des panneaux de particules avec du bois usagé sur son site de Brilon (Allemagne) dès 1995. Le concept a été progressivement perfectionné et étendu, avec pour résultat une utilisation du bois de recyclage prioritairement comme matériau, ce qui a permis de piéger 1,73 million de tonnes de CO2 en 2023 dans le produit fini au niveau du groupe, et d’utiliser comme combustible biomasse uniquement les déchets non valorisables. Le fournisseur s’engage aussi à mettre au point des solutions techniques innovantes pour réduire les matières premières chimiques utilisées dans la fabrication des produits. Toujours dans le panneau à base de bois, le fournisseur belge Unilin s’est engagé dans une démarche de certification Cradle to Cradle – littéralement « du berceau au berceau » - une démarche d’éco-conception qu’il définit comme « un cadre strict qui permet de se transformer en une entreprise durable apportant une contribution positive au sein d’une économie circulaire et responsable ». Concrètement, un organisme indépendant accrédité par le label vient auditer différents volets de l’activité - les matériaux utilisés, la circularité, la propreté de l’air et la lutte contre le réchauffement climatique, la gestion de l’eau et des sols, ou encore l’équité sociale – une démarche actuellement en cours, qui devrait permettre à Unilin d’obtenir un Material Health Certificate niveau Bronze pour ses panneaux de particules et de fibres mélaminés. L’entreprise s’appuie sur le chemin déjà parcouru, des panneaux de particules constitués à 90 % de bois recyclé, et le système « Recover » de récupération des panneaux inutilisés et autres déchets de bois chez ses clients, pour s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. Selon les exigences du label, l’entreprise aura ensuite six ans pour atteindre les exigences du Cradle to Cradle niveau Argent. Avec OrganicBoard Pure P2, l’allemand Pfleiderer lance un panneau de particules issu de l’économie circulaire, puisqu’il se compose de bois recyclé en post-consommation (anciens meubles…) et de colle 100 % biosourcée (OrganicGlue), issue de résidus d’autres industries de transformation, durable et sans formaldéhyde. Composé de matières premières durables, ce panneau traduit l’engagement de l’entreprise pour la protection du climat, de l'environnement et des ressources, en combinant l’économie circulaire, la préservation des ressources fossiles, et la qualité de l’air intérieur (niveau d’émission A+).
Privilegier les circuits courts et les transports verts
Être performant en développement durable, c’est aussi agir pour réduire le bilan carbone du transport, ce qui peut être obtenu en privilégiant les circuits courts (scope 1 selon l’Ademe).
Pour rester dans le domaine du panneau à base de bois, Egger transforme sur son site entièrement intégré de Brilon (Allemagne), des sous-produits du sciage provenant majoritairement de la scierie voisine, ce qui permet d’éviter 7 000 trajets en camion chaque année (soit plus de 660 000 km), les usines de Wismar (Allemagne) et de Radauti (Roumanie) fonctionnant sur le même modèle, sans oublier que l’une des usines françaises du groupe est implantée à Rion-des-Landes (Landes), au coeur du premier massif forestier français. Les circuits courts sont aussi la règle pour Salice : « 90 % de l’acier que nous transformons vient d’Europe, et beaucoup de nos composants viennent d’Italie, notamment la totalité de nos emballages, précise Eric Tiberghien. Nous avons fait le choix de la qualité et de la réduction des distances, pour améliorer notre bilan carbone et notre logistique. »
Des alternatives au transport routier sont déjà mis en œuvre, notamment le ferroutage. Ainsi, Blum exploite son propre embranchement ferroviaire depuis 2009, et transporte actuellement environ 35 % de ses livraisons par le rail, un mode de transport plus respectueux de l'environnement. La quasi-totalité de la flotte de poids lourds de l'entreprise a également été convertie pour fonctionner au biogaz produit à partir des déchets alimentaires de la région. Le fournisseur autrichien fait aussi la promotion des transports alternatifs pour les trajets domicile-travail de ses salariés, en subventionnant l'achat d'un nouveau vélo et, en guise d'incitation supplémentaire, en offrant à ceux qui optent pour les modes de transport durables des « éco points » à convertir en récompenses. Avant l'introduction du concept de mobilité en 2021, 38 % des employés de Blum Autriche se rendaient au travail en utilisant des moyens de transport durables, un chiffre qui s'élève aujourd’hui à 46 % en moyenne.
Enfin, pour les fournisseurs de l’ameublement, le développement durable prend aussi la forme d’actions solidaires et de soutien à des organismes ou associations qui oeuvrent enfaveur de l’environnement. C’est ainsi que Hettich, qui publie un rapport annuel de développement durable depuis 2015, met l’accent sur sa responsabilité d’employeur dans un programme de formation continue, dans la promotion de la diversité et de l’égalité des chances, et de la santé et sécurité au travail. L’entreprise fait aussi des dons financiers et en nature pour l’éducation et la science, les arts, la culture et des projets sociaux. Sur les sites Hettich, l’entreprise apporte son soutien en organisant des programmes de sponsoring et encourage les activités bénévoles des collègues. Les sociétés du groupe Hettich apportent, en outre, leur contribution au système fiscal et aux cotisations sociales dans les différents pays. Autre exemple d’action solidaire Blum a soutenu durant l‘édition 2024 d’Eurobois les projets de protection de la biodiversité de l’association « Un Rêve d’Abeilles » qui a pour objectif la création de réservoirs écologiques pour les pollinisateurs sauvages et domestiques tels que les abeilles, les papillons, les coccinelles et bien plus encore. L’association, basée en Haute-Savoie, a reçu la somme de 10 € pour chaque signature apposée sur le livre d’or du stand, Blum, soit un total de 2 000 € qui seront consacrés à la défense de la biodiversité.
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[Zoom]
Le Pave, Evertree : les materiaux issus du recyclage ne se cachent plus !
Certains fournisseurs sont nés avec le développement durable, et la volonté de proposer des composants alternatifs et moins impactants pour l’environnement que les produits existants. C’est le cas de Le Pavé, une start up implantée en région parisienne, qui a mis au point, fabrique et distribue un nouveau matériau, le Soft Surface, réalisé par la transformation de déchets plastiques. Ce dernier se décline en panneau PEHD – issu de bouchons de bouteilles - et panneau PS – issu de portes de réfrigérateurs – qui ont de nombreuses applications dans le plan de travail, dans le mobilier et dans le bâtiment, d’autant plus larges qu’ils se déclinent dans une infinité de couleurs. Le Pavé a récemment bénéficié d’une visibilité importante, en étant retenu pour concevoir et réaliser un revêtement mural… pour la salle de sport des gardes du corps de l’Élysée. Les bouchons de bouteille issus du tri ont été sélectionnés afin de se rapprocher le plus du bleu du drapeau national, puis 12 panneaux de Soft Surface ont été réunis pour former 3 maxi-panneaux de 3,20 m sur 1,40 m, à leur tour assemblés, dans lesquels a été finalement usiné le logo de la Présidence de la République.
Moins officiel mais tout aussi tendance, Next, le premier panneau MDF biosourcé au monde, fabriqué avec de la résine végétale Evertree, a connu les honneurs de la Fashion Week de Paris en janvier dernier. En effet, l’agenceur Solid, spécialisé dans les scénographies événementielles, a retenu ce matériau pour construire le podium du défilé de mode de la maison Lemaire. Grâce à la résine végétale Evertree, à base de résidus de tournesol et de colza, le panneau Next fait fi de tout produit issu de la filière pétrolière, et présente de très faibles émissions de formaldéhydes. Il sera à nouveau à l’honneur dans la scénographie de la future exposition « Insert coins » sur les machines à sous, qui se tient actuellement à la Monnaie de Paris, jusqu'au 30 juin 2024.