Dominique Soulard, le meuble vous est profondément reconnaissant
« Gautier est, et restera toute sa vie » : c’est en ces termes que l’entreprise éponyme a informé la profession, via un hommage appuyé, de la disparition de Dominique Soulard ce 21 juin 2022, à l’âge de 75 ans. Celui qui fut le patron « bienveillant et emblématique » du fabricant de meubles vendéen a embrassé une riche carrière qui, assurément, fait partie de celles suscitant, aujourd’hui, l’admiration de tout un secteur. Nous en retraçons ici les grandes lignes, avant de rendre hommage, ultérieurement, à « ce grand Monsieur de la profession », grâce à des témoignages.
« C’est avec une tristesse infinie et une grande émotion que toute l’équipe de Gautier France fait part du décès de Dominique Soulard, le 21 juin 2022, à l’âge de 75 ans ». Dominique, « époux aimant » de sa femme Ginette, « père modèle » d’Arnaud, Hervé, Valérie et David, et « grand-père adoré de ses [cinq] petits-enfants » auxquels, d’abord, nous adressons, au nom du Courrier du Meuble, nos plus sincères et très respectueuses pensées.
Il était à la fois « un entrepreneur visionnaire, un homme passionné par les relations humaines et un fervent défenseur de l’industrie française, laissant son empreinte charismatique et bienveillante à jamais gravée dans l’identité de l’entreprise Gautier, et dans le tissu industriel du bocage vendéen » : Dominique Soulard aura contribué à façonner Gautier, tout en ayant fièrement porté ses valeurs en Vendée, en France et à travers le monde.
Entré chez Gautier à 17 ans
C’est à l’été 1964 que Dominique Soulard rejoint la toute jeune entreprise familiale, se voyant proposer un poste par sa grande sœur Annick et son époux Patrice Gautier. Après neuf mois à se former à la fabrication des meubles, il décide ensuite de parcourir les routes de France pour vendre ces produits « qu’il aime déjà tant »… dont il possède uniquement, pour les promouvoir auprès des distributeurs, quelques dessins ! « Personne ne connaissait Gautier, a-t-il déclaré, par la suite, se souvenant de cette époque. [Nous n’avions] pas de photos de nos modèles, pas de dépliants publicitaires, encore moins de plaquettes… » L’entreprise, pourtant, connaît le succès dès ses débuts, trouvant sa place sur le marché – encore inexistant – des chambres « pour les jeunes ». Jusqu’en 1980, Gautier affiche une croissance de + 45 %, en moyenne, par an ! L’esprit familial se renforce, devenant même une « marque de fabrique » de l’entreprise.
En 1972, Dominique Soulard propose à Patrice Gautier de partir « à l’aventure » – autrement dit sans le moindre contact ni la moindre adresse ! – à la rencontre du marché du meuble dans d’autres pays. Une démarche fructueuse, puisque l’entreprise se développe aux Pays-Bas, en Angleterre, en Espagne, en Italie et jusque outre-Atlantique, ainsi que dans les pays arabes.
« Rendez-nous Dominique ! »
Au début des années 80, la structure financière de Gautier, affaiblie par des investissements risqués et conséquents, s’effondre avec la baisse d’activité liée à la crise économique : ceci amène à une liquidation judiciaire en 1985. La société est reprise par le groupe Seribo ; Dominique Soulard, qui y conservait jusqu’alors sa fonction de directeur général, est contraint de la quitter en 1999 suite à un différend : « En quelques minutes, [j’ai laissé] derrière moi […] toute ma vie » s’est-il souvenu par la suite, avec une grande émotion. Mais cela était sans compter ce gigantesque élan de soutien manifesté dans la foulée de ce départ : le personnel dans son ensemble – cadres, ouvriers, salariés des filiales – décide un arrêt immédiat de l’usine, un événement largement relayé par les médias régionaux et nationaux. Près d’un millier de personnes défile à La Roche-sur-Yon, derrière une banderole « Rendez-nous Dominique ». Après deux semaines de grève, Dominique Soulard, avec son épouse et ses enfants, prend la décision de racheter Gautier ; la somme et les efforts à fournir sont énormes, mais le nouveau patron est entièrement confiant.
Développer son propre réseau
Les défis restent nombreux. Dominique Soulard commence par faire prendre un virage de taille à l’entreprise : développer son propre réseau de distribution, sans pour autant tourner le dos aux distributeurs traditionnels. Dans l’Hexagone comme à l’étranger, près d’une centaine de magasins ouvrent alors… et la rentabilité de l’entreprise permet de faire face aux échéances de remboursement. « Je me dis que le destin nous a quand même aidés » reconnaîtra plus tard le dirigeant.
Des liens forts et vrais… la « Famille »
« En véritable capitaine d’industrie, [engagé depuis toujours pour la défense du « fabriqué en France »], Dominique Soulard a porté Gautier au firmament, avec cette passion et cette audace qui ne l’auront jamais quitté » avance-t-on au sein de l’entreprise. Il laisse derrière lui un magnifique héritage industriel, fleuron du dynamisme économique vendéen – qui emploie 750 salariés et est présente dans plus de soixante pays dans le monde – aujourd’hui repris par ses quatre enfants… L’histoire et l’identité de Gautier, que Dominique Soulard a donc largement contribué à façonner, reposent en effet sur la famille, mais au sens large du terme : « Les liens forts et vrais, tissés avec l’ensemble des collaborateurs, ont toujours fait partie de la formule gagnante de Dominique » peut-on lire dans l’hommage rendu par Gautier France, qui évoque « un fort sentiment d’appartenance non pas à l’enseigne, mais à l’identité même de l’entreprise ». Beaucoup d’acteurs de la profession se souviennent sans doute des Conventions Gautier, initiées suite à la fermeture du Salon de Paris, et organisées comme de grandes réunions de famille… une « Famille », avec un grand « F », qui intègre ainsi, également, les partenaires.
Un esprit et une philosophie si chers à la profession du meuble, qui perd aujourd’hui l’un de ses grands bâtisseurs.