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Jérémie Adjedj a lancé Ecomatelas en 2017, après un an de R&D. © Ecomatelas - Max Bauwens / REA

3.9.2024

[Jeremie Adjedj, fondateur et dirigeant] « Ecomatelas a vocation a devenir, a terme, le « Back Market» de la literie ! »

L’ouverture récente – début juin - d’un deuxième magasin physique à Fresnes, dans le Val-de-Marne, est l’occasion de faire le point sur les ambitions de cette start-up née en 2017, pionnière dans le reconditionnement des matelas autour d’une technologie phare de désinfection brevetée, installée sur son site de fabrication montpelliérain. Ecomatelas, qui a vendu plus de 30 000 matelas depuis ses débuts et a enregistré une croissance de 50 % l’année dernière, poursuit son développement avec ambition, alors qu’elle est désormais dans le giron de l’entreprise Recyc Matelas Europe… Entretien avec Jérémie Adjedj, fondateur et dirigeant.

Pouvez-vous nous rappeler, en quelques mots, ce qui fut votre motivation pour la creation d’Ecomatelas ?

C’était en 2016, lorsque je travaillais dans l’entreprise de mon oncle, qui était alors à la tête d’un magasin de literie dans la ville d’Agde (34) : les très grosses quantités de matelas que nous récupérions à la suite de livraisons de nouveaux produits, et qui, pour une partie, devaient être enfouies à l’époque, m’ont sérieusement interpellé. J’ai eu un véritable déclic lorsque, dans le même temps, Back Market commençait à prendre de l’ampleur : pourquoi ne pouvions-nous pas reproduire la même chose dans le secteur de la literie ? Evidemment, reconditionner de tels produits – avec toutes les contraintes, en termes d’hygiène, que cela implique – devait être bien différent de l’électrodomestique dans laquelle officiait Back Market. C’est la raison pour laquelle, en préambule, nous avons beaucoup étudié, testé… avant de lancer un appel de fonds pour mener une R&D plus sérieuse.

Une R&D vous ayant amene a mettre au point ce fameux process Ecomatelas, qui a donc vu le jour en 2017…

En effet ! Pour être précis, nous ne parlons pas d’un reconditionnement de l’intégralité d’un matelas, mais plutôt de la fabrication d’un nouveau matelas à partir d’éléments provenant de 2 ou 3 matelas à recycler. En d’autres termes, nous commençons par prélever le noyau intégral sur des matelas que nous sélectionnons avec soin, sachant qu’à la base, c’est une partie qui est moins soumise à l’usure, et que par ailleurs, nous sommes guidés par un dispositif calculant avec précision le degré d’affaissement… Nous retaillons donc les âmes afin de conserver le noyau intact ; s’ensuit un assemblage de différentes matières, ce qui aura pour résultat de recréer le nouveau matelas, avec plusieurs hauteurs proposées selon le modèle. Ces matières entourant le noyau sont fabriquées en recyclant celles qui proviennent de matelas récupérés. Il y a uniquement la mousse à mémoire – dont nous ne souhaitons pas nous passer afin de pouvoir proposer toutes les technologies – que nous devons acheter neuve, car celle-ci est bien trop soumise à l’affaissement durant sa première vie. Et nous devons également nous approvisionner en neuf pour les autres composants comme le coutil ou le carénage, par exemple, que nous allons chercher en Belgique pour l’essentiel.

Mis au point par Ecomatelas, le tunnel de désinfection en 3 temps, capable d’éliminer 99,9 % des bactéries et autres salissures présents sur les matelas, a été breveté en 2022, et son efficacité attestée par Bureau Veritas en 2023. © Ecomatelas - Max Bauwens / REA

Venons-en a la question de l’hygiene. Comment apprehendez-vous toutes les contraintes en la matiere, a l’heure ou, en particulier, le probleme des punaises de lit est bien present ?

Comme je le disais en préambule, les contraintes hygiéniques sont (logiquement) draconiennes pour reconditionner un matelas. Le concept Ecomatelas repose ainsi sur une innovation brevetée, mise au point au terme d’un long cheminement ! Depuis 2017, en effet, nous avons fait de nombreux essais dont l’objectif était de garantir une sécurité absolue, en termes d’hygiène, pour les matelas que nous allions proposer à la vente. Cela était d’ailleurs l’objet de l’appel de fonds que j’ai évoqué plus haut, et en ce sens, la région Occitanie nous a d’ailleurs beaucoup aidés, en termes de subventions, pour mener à bien ces recherches. Nous avons d’abord testé la vapeur, puis le four industriel… certes très efficaces, mais qui se sont avérés bien trop énergivores ! Il nous a donc fallu penser un dispositif global associant plusieurs technologies. Le résultat ? Une technologie de désinfection en 3 temps : cela commence par un tunnel UV, suivi de l’envoi d’une chaleur pulsée à 85 degrés, puis d’une dernière étape d’aspiration pour éliminer le plus petit résidu. Ainsi, en 3 minutes, les matières sont débarrassées de 99,9 % de leurs salissures, microbes et éventuels parasites : autrement dit, le matelas ressort comme neuf… tant du point de vue hygiénique que fonctionnel, à la différence près que nous lui attribuons une durée de « nouvelle » vie de 7 ans, soit un peu raccourcie par rapport à un matelas fabriqué de manière classique. Cet équipement, qui a nécessité, au total, 400 000 € d’investissements, est présenté comme la première machine de désinfection de matelas, empreinte par ailleurs d’une véritable dimension écologique puisque ne réclamant pas de produits chimiques ; le brevet a été déposé en 2022, et son efficacité attestée par Bureau Veritas en 2023. Et puisque vous évoquiez le problème des punaises de lit – qui a d’ailleurs toujours existé, mais ayant fait l’objet d’une récente médiatisation sans doute plus importante qu’auparavant – nous mettons un point d’honneur, en réaction, à déployer un discours très pédagogique et omniprésent sur le sujet. A noter qu’en la matière, nous avons également obtenu le label INELP – l’Institut National d’Etude et de Lutte contre la Punaise de Lit – qui est une référence à l’échelle européenne.

Concretement, sur quel site physique sont effectuees toutes ces etapes de fabrication ?

Notre usine est située à Saint-Aunès, en bordure de Montpellier ; 15 personnes y travaillent sur 1 000 m². Les âmes nous parviennent préparées et dénudées ; nous les découpons, conservons donc les noyaux, puis les assemblons avec les autres couches en utilisant de la colle certifiée Ecotex. Une fois ce montage finalisé, le matelas passe dans le tunnel de désinfection, puis est revêtu de son coutil.

Les âmes parviennent préparées et dénudées sur le site industriel d’Ecomatelas ; elles sont ensuite découpées, pour conserver les noyaux. © Ecomatelas - Max Bauwens / REA

En amont de la chaine, comment vous procurez-vous ces ames et matieres a recycler ?

Pour faire simple, 40 % de notre gisement proviennent de matelas cédés par les particuliers, et sélectionnés par Recyc Matelas Europe, qui est l’actionnaire majoritaire d’Ecomatelas depuis quelques mois. La même proportion (40 %) vient d’hôtels, ou bien de fabricants de literie qui nous proposent leurs déclassés, chutes de production, retours 100 nuits, etc. Et enfin nous avons des retours directs par Ecomaison (duquel nous sommes conventionnés) et Valdelia.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux autres fabricants de literie ? Quels sont vos objectifs ?

Comme je le disais précédemment, notre volonté est de proposer toutes les technologies et en ce sens, nous avons réussi à standardiser une offre complète et efficace : aujourd’hui, la gamme Ecomatelas se compose de 5 modèles, affichant chacun un confort différent, sur un positionnement prix allant de l’entrée au milieu / haut-de-gamme. Tout cela, bien entendu, en mettant en avant les avantages du reconditionnement. Nous avons d’ailleurs été parmi les premiers à adopter cette démarche pour cette catégorie de produit, tout en respectant les critères les plus stricts… Actuellement, nous vendons 15 000 matelas par an, et devrions générer un chiffre d’affaires de 3,2 M€ sur l’année en cours : depuis la création de l’entreprise en 2017, ce CA augmente entre 40 % et 50 % à chaque exercice ; à date [juillet 2024, ndlr] nous sommes même à + 66 %, en cumul, par rapport à 2023. L’objectif ? Atteindre les 45 000 matelas vendus – et donc les 9 M€ de CA – à l’horizon 2026. En d’autres termes, devenir un jour « le Back Market » de la literie ! Dans tous les cas, nous devons faire du volume, car nos marges sont assez faibles par rapport à celles de la literie traditionnelle : dans cette idée de rendre accessible la literie haut-de-gamme, nous proposons des produits 30 % à 50 % moins chers à qualité égale, par exemple, alors que nos coûts opérationnels sont assez élevés. Nous devons donc monter en puissance.

Dernière étape, après l’assemblage de différentes matières autour du noyau (en employant une colle écologique) : l’habillage du matelas, au moyen de coutils qui, eux, sont neufs.

Comment comptez-vous y parvenir ? Cela passe-t-il, notamment, par l’ouverture de nouvelles boutiques physiques ?

L’idée d’ouvrir des points de vente s’est en effet imposée assez rapidement, dans la mesure où le lit est un produit que la plupart des consommateurs veulent essayer avant d’acheter… et cela est sans doute encore plus vrai dans le cas d’un matelas reconditionné, car il est important de voir, toucher, pour se rendre compte. Le magasin physique est également très important pour la notoriété nationale. Ainsi, après avoir ouvert le pilote à Montpellier, nous avons choisi de nous implanter à Fresnes : la région parisienne est stratégique car nous y réalisons la plus grande partie de nos ventes, et cet emplacement se trouve à la croisée de plusieurs départements, donc particulièrement idéal et prometteur ! Cette année 2024 se clôturera avec une nouvelle ouverture – en province cette fois – et nous prévoyons 2 inaugurations en 2025, puis autant en 2026.

La boutique de Fresnes (94), inaugurée début juin, marque l’arrivée d’Ecomatelas en région parisienne, et constitue le deuxième point de vente physique de la marque, qui compte en ouvrir encore 5 d’ici fin 2026.

Peut-on envisager de voir Ecomatelas, un jour, present sous forme de corner chez un specialiste literie ?    

Pour l’instant, nous voulons ouvrir uniquement en propre. Le principal point épineux des corners reste celui des marges, donc nous restons frileux… Peut-être d’ici 2026 si nous faisons suffisamment de volume ? L’avenir nous le dira.

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