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16.3.2022

[Réemploi, upcycling : les lignes bougent] Les Canaux, 5 ans au service de l’économie circulaire

Pour l’association les Canaux, l’économie circulaire est déjà une réalité, qui s’étend à un nombre toujours plus grand d’acteurs. A l’attention de la filière meuble, cette structure a lancé en 2019, avec le soutien notamment de l’Ameublement français, le « Booster du mobilier circulaire », un programme d’accompagnement pour les fabricants qui veulent introduire le réemploi et l’upcycling dans leur modèle économique. Après avoir attiré surtout les start up, il intéresse aujourd’hui des PME du meuble de taille industrielle.

Depuis plusieurs années, les termes d’upcycling, de réemploi, d’économie circulaire, sont omniprésents dans les conversations, dans les études, dans les colloques. Un prototype ici, une collection capsule là… Les initiatives se multiplient à droite et à gauche pour montrer qu’il est possible de réaliser des meubles de qualité avec des matériaux de récupération. Cependant, pour atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des ressources consommées et de gaz à effet de serre, pour lutter contre le changement climatique, il est indispensable que ces pratiques soient généralisées, et développées à l’échelle industrielle. Telle est la vocation des Canaux, une association implantée à Paris qui vient de fêter ses cinq ans d’existence : « Notre vocation est d’accompagner les entreprises et de les aider à intégrer l’upcycling et le réemploi dans leur modèle économique », explique sa directrice générale Élisa Yavchitz. Créée à l’initiative de la Mairie de Paris, présidée par un grand défenseur de la nature, Yann Arthus-Bertrand, Les Canaux est une association financée à 80 % par des fonds publics, et implantée dans l’ancien centre administratif des canaux parisiens, situé en bordure du bassin de la Villette (Paris XIXe). Un choix qui illustre l’art de faire du neuf avec du vieux : ce bâtiment patrimonial, qui est à la fois un lieu d’exposition, de conférences, d’événementiel et d’ateliers de création, est une vitrine de l’upcycling et du réemploi. Il a en effet été réaménagé en utilisant 95 % des déchets liés à sa rénovation, qui ont été recyclés ou réinventés par une vingtaine d’entreprises de l’économie circulaire et solidaire. En outre, il est équipé avec des meubles à base de matériaux de récupération, histoire de montrer que cette démarche est tout à fait compatible avec un design de qualité et créatif.

Un outil dédié : le Booster du mobilier circulaire

Pour mener à bien sa mission, l’association Les Canaux a notamment lancé en 2019 le « Booster du mobilier circulaire », un programme dédié aux producteurs de mobilier français, menuisiers, agenceurs, designers, fabricants, avec pour objectif de structurer et de développer le secteur de la production de mobilier et d’objets décoratifs en intégrant le réemploi et l’éco-conception. « Dans le cadre de cette première promotion, une quinzaine d’entreprises ont fait l’objet d’un accompagnement pendant 18 mois jusqu’au prototypage d’un meuble ou d’une ligne de mobilier pouvant être produits en séries à partir de matériaux de récupération, précise Mélanie Fourcy, chargée de mission Booster circulaire. Ce programme comprend notamment un atelier avec des experts de la conception des produits et de l’upcycling, le studio de création 5-5 Designers ». Les créations issues de ce premier booster ont été réunies dans un catalogue dont la qualité valide la méthode suivie. Ainsi, on y trouve la table basse Schistes, éditée par À travers fil, un atelier d’ébénisterie implanté à Paris. Son originalité tient dans un plateau réalisé par assemblage de chutes en bois massif de différentes essences, rythmé par une alternance des différences de teintes, reposant sur un piétement massif sombre. Créé par un autre éditeur parisien, Kataba, conçu pour une utilisation en mode bench, le bureau Kompa se distingue par un plateau issu du réemploi revêtu d’un matériau de type linoleum, reposant sur un piétement en frêne massif issu de forêt gérée durablement, réunis par un design très réussi. Troisième exemple, Tipi, imaginé par Rousseau Agencement, est une mini-architecture réalisée avec des chutes de bois et de mousse issues de son activité menuiserie, qui permet à un individu de s’isoler pour y travailler au calme grâce à un ensemble assise et tablette amovible, enveloppé par des parois acoustiques. Précisons que l’accompagnement du « Booster » va jusqu’à la commercialisation, auprès notamment d’acheteurs publics : Les Canaux précisent que ce programme a généré, depuis son lancement, un chiffre d’affaires de 280 000 euros.

Des start up aux PME de l’ameublement

Programme pionnier en matière de d’upcycling et réemploi, le Booster circulaire intéresse les acteurs institutionnels de la transition énergétique, puisqu’il est soutenu par l’éco-organisme Valdelia, positionné sur le mobilier de bureau et de collectivités, et par l’Ademe, qui œuvre dans le sens d’une société économe en ressources, plus sobre en carbone, plus juste et plus harmonieuse. Il est aussi soutenu par l’Ameublement français : « Après avoir développé la collecte des meubles usagés et la valorisation des déchets d’ameublement – en 2013, plus de la moitié de ces déchets étaient enfouis, alors qu’ils sont aujourd’hui valorisés à 93 % – la filière fabrication d’ameublement doit maintenant faire progresser l’éco-conception et le réemploi, déclare Cathy Dufour, Déléguée Générale de l’Ameublement français. De nombreux acteurs émergents s’y intéressent, et le Booster circulaire a pour vocation de les accompagner. L’Ameublement français a souhaité être partenaire de ce Booster pour notamment favoriser les collaborations entre ces jeunes pousses et des industriels plus matures, afin de créer de nouvelles synergies. »

En disant ces mots, la Déléguée Générale de l’Ameublement français ne faisait qu’anticiper les choses, puisque la deuxième saison du Booster, lancée en 2022, comprend en effet, en plus de start up et petites structures, des entreprises de taille industrielle, qui veulent se lancer dans le réemploi, comme le fabricant de portes de placard et de dressing normand Coulidoor, et l’agenceur lillois Burie Agencement (groupe HASAP), positionné à la fois dans le contract, l’hôtellerie et les projets domestiques. « A titre d’exemple, Coulidoor a souhaité intégrer le Booster pour utiliser ses chutes récurrentes de panneaux mélaminés pour fabriquer une nouvelle ligne de mobilier, notamment des bouts de canapés, explique Élisa Yavchitz. On voit ainsi que l’upcycling intéresse aussi les entreprises industrielles, qui y voient une façon de valoriser leurs déchets, et de faire des progrès en terme de RSE – responsabilité sociétale des entreprises. » Il revient à chaque entreprise, en fonction de son modèle industriel, de définir son propre projet d’upcycling, en réutilisant les déchets qu’elle produit ou en transformant tout type de gisement qu’elle pourrait identifier. Pour la directrice générale des Canaux, il ne fait pas de doute que les entreprises ont intérêt à s’y intéresser, car les produits upcyclés vont ouvrir de nouveaux marchés porteurs. En plus d’attentes grandissantes de la part des particuliers, la loi contre le gaspillage et pour l’économie circulaire – dite loi AGEC – de février 2020 impose aux collectivités de consacrer 20 % de leurs achats à des produits issus du recyclage ou du réemploi, et il ne fait pas de doute que les donneurs d’ordres privés vont aussi s’engager dans cette démarche. Pour trouver leur place sur le marché, les créations issues du Booster feront l’objet d’une exposition itinérante qui ira au-devant des acheteurs publics et privés, et seront exposées sur le stand des Canaux au salon Maison&Objet de septembre prochain.

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