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Dans sa livraison de 2025, l’Observatoire Cetelem a demandé à son panel de sondés si la notion de consommation est plutôt associée pour eux à quelque chose de positif ou de négatif… et le second point de vue prend le pas sur le premier. Mais tout n’est pas noir pour autant ! © Snowing / Freepik

19.3.2025

Acheter : toujours un plaisir, mais empreint de responsabilite

Présentée en février sous le titre Consommer en Europe : le plaisir fait de la résistance, l’étude annuelle de l’Observatoire Cetelem offre un tableau contrasté du consommateur européen, dont le pouvoir d’achat stagne - pressuré par les dépenses contraintes - et qui est demandeur d’un achat plaisir, de plus en plus « immatériel », responsable et conforme à ses valeurs. FRANCOIS SALANNE

L’étude est issue d’une étude consommateurs réalisée par Harris interactive du 4 au 14 novembre 2025 dans 10 pays d’Europe : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suède. Au total, 10 792 personnes ont été interrogées, âgées de 18 à 75 ans, issues d’échantillons nationaux représentatifs de chaque pays.

Tandis que le climat économique se dégrade depuis environ deux ans, avec un tassement de la croissance, succédant à une période d’inflation - ce qui se traduit notamment par deux années successives de recul du marché du meuble en 2023 et 2024 - l’étude annuelle de l’Observatoire Cetelem arrive au bon moment pour prendre la température des tendances de consommation des Européens. Quelle est leur perception de la situation ? Sont-ils plutôt enclins à acheter ou à épargner ? Qu’est-ce qui peut les inciter à l’acte d’achat ? Après plusieurs crises successives, consommer est-il toujours un plaisir ? Telles sont quelques-unes des questions que l’Observatoire a posées à son panel de plus de 10 000 Européens avec, à la clé, un certain nombre d’enseignements qui seront utiles aux fabricants et distributeurs, pour trouver les bons leviers à actionner afin de relancer une fréquentation à la peine dans les magasins.

Une situation qui s’ameliore lentement

Pour commencer, le constat de la conjoncture économique : pas réjouissant, mais pas catastrophique non plus. En effet, la croissance reste faible dans la zone euro, autour de 1 %, une moyenne dans laquelle se situe la France, tandis qu’elle est plus forte aux États-Unis (2,8 % en 2024), ce qui a tendance à confirmer l’idée répandue d’un décrochage du Vieux Continent. La bonne nouvelle de ces derniers mois, en revanche, est la maîtrise de l’inflation, qui est redescendue dans toute la zone euro, et se rapproche de l’objectif de 2 % fixé par l’Union Européenne. Cette lente amélioration a-t-elle un impact sur le moral des ménages ? Oui à l’échelle de l’Europe, puisque l’ensemble des personnes sondées donnent une note correcte de 5,2 sur une échelle de 1 à 10 à la situation dans leur pays… La France figurant hélas en queue de peloton, avec seulement 4,6. Comme cela se remarque souvent, les sondés jugent leur situation personnelle meilleure que la situation générale dans leur pays. Par exemple, les Français donnent à leur situation personnelle une note de 5,9 sur une échelle de 1 à 10, ce qui est au-dessus de la moyenne.

Ce n’est pas pour autant que les intentions d’achat augmentent, ce qui montre que le chemin est encore long avant de retrouver une vraie croissance. Seuls 43 % des Européens, en effet, ont l’intention d’augmenter leurs dépenses dans les prochains mois, ils sont 41 % des Français à vouloir le faire (+ 1 % par rapport à 2024), et seulement 35 % des Allemands qui, il est vrai, sont en récession en 2024. Les intentions d’épargne, en revanche, continuent de monter : 55 % des Européens ont l’intention d’épargner plus en 2025, dont seulement 43 % des Français, mais notre taux d’épargne est déjà structurellement plus élevé qu’ailleurs. « Nous connaissons un taux d’épargne de 3 à 4 points supérieur au régime permanent, commente Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem. En période d’instabilité économique et politique, nous sommes dans un scénario d’épargne de précaution. En cas d’apport d’argent supplémentaire, 75 % des Européens, et 74 % des Français déclarent qu’ils ne le dépenseraient pas et qu’ils le mettraient de côté. » Du côté du pouvoir d’achat, l’amélioration se poursuit, puisque les Européens ne sont plus que 39 % à estimer que le leur a baissé, alors qu’ils étaient 53 % à le penser en 2023, et encore 48 % en 2024. Ici, les Français ont la perception la plus négative, puisqu’ils sont 48 % à penser que leur pouvoir d’achat a baissé, contre par exemple 40 % des Allemands, et 33 % des Britanniques.

Consommer pour moi, pas pour la galerie

Les chiffres de la consommation de meubles sont tombés, et ils ne sont pas bons pour 2024, avec un recul du marché de – 5,1 % [voir pages 20 à 26], qui devrait être sensiblement le même pour tous les biens relatifs à l’équipement de la maison. Mais s’agit-il seulement d’une question de conjoncture et de pouvoir d’achat ? Dans sa livraison de 2025, l’Observatoire Cetelem a demandé à son panel de sondés si la notion de consommation est plutôt associée pour eux à quelque chose de positif ou de négatif… et les réponses « négatives » prennent le pas sur les réponses positives, le pays où elle est le mieux perçue étant la Pologne (41 % d’opinions négatives), tandis que les pays où elle est le moins bien perçue sont le Portugal (76 % d’opinons négatives), et la France (70 % d’opinions négatives). A quels thèmes la consommation est-elle associée ? En premier lieu au gaspillage (pour 23 % des sondés), puis à l’excès (16 %), puis à l’hyper-choix (10 %)… Le premier thème positif arrivant en quatrième position, les bons plans (8 %), suivi de la praticité et recherche de confort (7 %), du luxe (6 %), le respect de l’environnement et le respect de la qualité arrivant derrière (avec 5 % chacun).

Ce n’est pas pour autant que les consommateurs reconnaissent personnellement une « dérive » ou un « excès » de leur propre consommation. En effet, ils sont 73 % des Européens à penser que la société consomme plus qu’il y a dix ans (69 % des Français), mais seulement 38 % à considérer qu’ils consomment plus qu’il y a dix ans à titre personnel (32 % seulement de Français le pensent). Ce qui permet d’arriver à l’un des enseignements majeurs de cette étude : quand on demande aux sondés ce qu’ils recherchent par leurs achats, c’est l’idée de « se faire plaisir » qui arrive en tête, pour 84 % d’entre eux ! La motivation qui arrive en deuxième position est « assurer leur confort » (83 %) et la troisième est « posséder des choses » (80 %). En bas de tableau, « se distinguer des autres » ne recueille que 24 % des suffrages, et « appartenir à un groupe » encore moins (21 %), ce qui fait dire à Flavien Neuvy que « la consommation statutaire, autrement dit pour montrer que l’on a réussi avec ce que l’on possède, ne fait plus recette, remplacée par le fait d’acheter quelque chose qui fait plaisir en améliorant la qualité de vie. »

Des depenses contraintes qui incitent a trouver des biais

Autre enseignement de cet Observatoire 2025, les dépenses « contraintes » qui s’accroissent depuis de longues années – téléphonie, abonnements numériques, plateforme vidéo, club de sport… - ont pris une place prépondérante dans les budgets des ménages. Faut-il s’en réjouir ? Toujours est-il que les consommateurs européens en ont pris acte, et sont devenus des gestionnaires avisés : ils sont 85 % à déclarer qu’ils maîtrisent bien leurs dépenses liées aux abonnements et services, 83 % à bien gérer celles liées à leurs dépenses d’assurance, et 82 % à bien gérer leurs dépenses contraintes (logement, transport, énergie…). La bonne gestion de son budget est même devenue une fierté, ce qui laisse transparaître une société dominée par les « fourmis » plutôt que les « cigales » : pour les personnes interrogées, la source de fierté se trouve dans l’ordre dans le fait de « gérer efficacement son budget » (pour 83 % des sondés), dans le fait de « faire des bonnes affaires, des bons plans » (pour 82 %), dans le fait de « consommer de façon responsable, en étant en phase avec ses valeurs » (pour 77 %), le fait de « se faire plaisir et faire plaisir » arrivant en troisième position à égalité (pour 77 %). Face aux dépenses contraintes, la situation des consommateurs est variable : 42 % des Européens déclarent qu’ils ont des revenus suffisants pour répondre à leurs besoins (40 % en France), tandis que 42 %, aussi, n’ont pas les revenus suffisants, mais trouvent des stratégies pour y arriver (42 % en France), mais il reste 16 % des consommateurs européens qui n’ont pas les revenus suffisants pour répondre à leurs besoins et se privent (18 % en France, ce qui est un problème pour notre société).

Une consommation en mutation

L’Observatoire 2025 met aussi en lumière une certaine remise en question du mode de consommation. En effet, quand on demande aux consommateurs européens s’ils pourraient consommer moins de biens et de services, ils sont 88 % à répondre oui, 50 % pourraient le faire sans que cela nuise à qualité de vie, et 38 % pourraient le faire avec une perte de qualité de vie, et 12 % seulement ne pourraient pas le faire. Des pourcentages presque aussi forts sont recueillis sur la possibilité de consommer différemment : 41 % pourraient consommer différemment (louer au lieu d’acheter, avoir recours à la seconde main…) sans effet sur leur qualité de vie, 33 % pourraient le faire mais avec une perte de qualité de vie, et 26 % seulement déclarent qu’ils ne pourraient pas consommer différemment. L’idée d’une autre consommation fait ainsi peu à peu son chemin : 42 % des sondés déclarent acheter plus de biens reconditionnés ou d’occasion qu’il y a dix ans, et 40 % déclarent qu’ils ont davantage recours à la réparation plutôt qu’au remplacement par un produit neuf qu’il y a 10 ans. Une bonne partie des consommateurs européens condamnent les comportements non vertueux, par exemple 57 % s’opposent au fait de jeter plutôt que donner, et le même pourcentage refuse de jeter sans chercher à recycler, mais ils assument certains autres comportements peu vertueux. Par exemple, 48 % déclarent acheter des produits fabriqués loin de chez eux sans aucun remord, et 39 % reconnaissent qu’ils remplacent plutôt que réparer. Autre enseignement intéressant, les marques semblent jouer un rôle assez limité : 66 % des sondés leur accordent une importance faible ou nulle. En conséquence, ces dernières ont « tout intérêt à incarner des valeurs fortes de transparence, et d’impact positif, tout en mettant l’accent sur les services personnalisés, si elles veulent rester attractives ». Enfin, l’Observatoire 2025 met l’accent sur les dépenses « immatérielles », qui sont en hausse pour 43 % des consommateurs, alors que 37 % seulement consomment plus de choses matérielles. Dans les dépenses immatérielles, il faut inclure les services liés à la dématérialisation – streaming musical, livraison à domicile, locations de courte durée… et même s’il est montré du doigt, le transport aérien – qui sont en forte hausse. Ceci a un impact important sur la structure historiquement stable du budget des ménages. En effet, un historique de 1992 à aujourd’hui fait apparaître que les dépenses contraintes (logement, énergie, téléphonie…) sont passés de 35,3 % à 42,1 %, tandis que les dépenses « plaisir » (hôtels et restaurants, loisirs et culture) sont passés de 12,9 % à 15,7 %. Entre les deux, les dépenses « arbitrables », où se trouvent notamment les meubles et les articles d’habillement et chaussures, ont été réduites de 41 % à 32,4 %. Plus que jamais, dans une société où le taux d’équipement des ménages est très élevé, le plaisir d’acheter est un levier essentiel à actionner.

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