[Ameublement français] La maison réinventée : les nouveaux critères du meuble « désirable »
Propriétés environnementales, transparence, made in France, modularité… Selon une étude commandée par l’Ameublement français à l’institut Sociovision, les consommateurs affirment aujourd’hui de nouvelles exigences pour les meubles qu’ils achètent, nées d’une année-et-demie de pandémie. Une réelle opportunité pour les fabricants et enseignes françaises, à condition de leur offrir un parcours client performant, qui passe par l’achat à distance et la livraison, tout en anticipant des attentes émergeantes en faveur de la seconde main, de la reprise et de la réparation.
Tous les observateurs du marché de la maison s’accordent pour dire que la crise de la Covid-19 a profondément modifié le rapport des Français à leur logement. Mais comment cela se traduit-il concrètement ? Que veulent-ils pouvoir faire à domicile ? Ont-ils fait des travaux ? Si oui, dans quelle pièce ? Ont-ils l’intention d’acheter des meubles, et si oui les lesquels ? Pour répondre à ces questions, l’Ameublement français a mandaté l’institut Sociovision, une filiale du groupe Ifop, spécialisé dans le suivi et l’anticipation des valeurs, des modes de vie et de consommation. Du 15 au 23 mars 2021, un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 à 70 ans, a été interrogé en ligne. Il en résulte l’étude « La maison réinventée, du logement connecté à la bulle interactive », qui a été restituée lors d’un webinaire le 29 juin. « A partir du premier confinement de mars 2020, les Français contraints de rester chez ont été amenés à faire une foule de choses à domicile, et ont changé de regard sur leur logement, a expliqué Rémy Oudghri, directeur général de Sociovision, en préambule. A la logique de cocon déjà existante, renforcée par l’idée de se protéger du virus, est venue se greffer une logique d’hyperactivité, qui explique la notion de bulle interactive que nous avons retenue en titre. »
Une maison en chantier
Le premier constat issu de cette étude est que les Français ont massivement effectué des travaux dans leur domicile : 40 % d’entre eux ont fait des travaux, en majorité des travaux d’appoint ou de second œuvre (35 %, pour un montant de 549 € en moyenne, selon le déclaratif des sondés), mais aussi des travaux de gros œuvre conséquents dans leur résidence principale (7 % d’entre eux, pour un montant de 4987 € en moyenne), ou dans leur résidence secondaire (5 % d’entre eux, pour 3542 € en moyenne). En répartition par pièces de la maison, ces travaux ont porté en premier sur les chambres à coucher (24 %), puis le salon et la salle de séjour (15 %), la cuisine et la salle à manger (15 %), suivis des espaces extérieurs (14 %), et de la salle de bains ou de douche (13 %). Autre chiffre clé, 33 % des sondés déclarent qu’ils ont profité du premier confinement pour acheter ou reconditionner leurs meubles, dont 24 % y ont consacré 100 € ou moins, 28 % entre 101 et 300 €, 31 % entre 301 et 1 000 €, 9 % entre 1 001 et 2 000 € et même 8 % plus de 2 000 €, ce qui donne un budget moyen de 593 € consacré au meuble. « On a changé son canapé pour regarder des films, on a acheté un bureau et des rangements pour travailler à domicile, on a changé son salon d’extérieur pour profiter des beaux jours », commente le responsable d’études, sans oublier les 15 % de Français qui ont préféré retaper, reconditionner les meubles qu’ils avaient déjà. » Pour l’intervenant, ces chiffres sont importants, parce qu’ils ont créé un marché : 13 % des sondés déclarent en effet que si cette crise n’avait pas eu lieu, ils n’auraient pas fait de travaux à domicile, et 19 % déclarent qu’ils y auraient consacré un budget inférieur, ce qui donne un total de 32 % de Français pour qui la crise a eu un effet déclencheur de travaux et d’achats. Ils sont cependant 61 % à déclarer qu’ils auraient dépensé un budget équivalent, et seulement 7 % un budget supérieur.
De la maison cocon à la maison ruche
L’intervenant souligne que la crise a aussi renforcé de statut de refuge de la maison : 96 % des Français sont d’accord avec le fait qu’ils ont « besoin d’avoir une atmosphère réconfortante chez eux, de se sentir comme dans un cocon. » Les logements existants ont-ils permis de répondre à cette attente ? Majoritairement oui, puisque 88 % des Français se sont senti bien dans leur logement pendant la crise – 30 % très bien, et 58 % plutôt bien – tandis que 12 % s’y sont senti mal – 10 % plutôt pas bien, et 2 % pas bien du tout – parmi lesquels notamment les plus jeunes, et les étudiants, bloqués dans des espaces exigus. Pour s’adapter à la situation, 20 % des sondés ont acheté des meubles plus confortables, 20 % ont changé de literie, et 26 % ont opté pour des solutions modulaires ou sur mesure.
Mais surtout, on a exercé chez soi en 2020 tout un tas d’activités nouvelles, en raison des confinements. « Le logement est devenu une véritable ruche, où chacun avait son activité. Il y a ceux qui ont travaillé à domicile, ou suivi des cours ou une formation à distance, qui ont transformé leur maison en second bureau, ce qui représente 38 % des Français – contre 62 % qui ne l’ont pas fait – mais cela représente énormément de gens », commente Rémy Oudghri. Avec beaucoup de conséquences, à commencer dans la majorité des cas, par la création d’une pièce dédiée au travail : pour 35 % des Français, c’est le salon qui a servi de pièce de travail, suivi de la chambre (34 %), du bureau quand il y en avait un (27 %), de la salle à manger (17 %), puis de la cuisine (6 %). Le télétravail devrait s’installer dans le temps, puisque 63 % souhaitent continuer à télétravailler après la crise, 16 % à plein temps, 35 % quelques jours par semaine, et 13 % un jour par semaine, avec des dépenses à la clé (voir encadré). Parmi les autres activités pratiquées à la maison pendant le confinement, on trouve regarder la télévision (76 %), faire la cuisine (74 %), ou encore trier, ranger (57 %), mais aussi ce qui est nouveau, 38 % qui ont fait du sport à 41 % en extérieur (jardin, balcon, terrasse), à 24 % dans leur salon, et à 14 % dans leur chambre.
L’environnement et le made in France en progression
De façon générale, 58 % des Français conservent des projets d’aménagement, dont 20 % ont l’intention d’acheter des meubles neufs dans les 12 mois à venir, avec comme pièces prioritaires la cuisine et salle à manger (21 %), les chambres (18 %), et les espaces extérieurs (15 %). Mais selon quels critères ont-ils l’intention d’effectuer ces achats ? C’est peut-être ce chapitre de l’étude qui nous en apprend le plus sur ce qui a changé dans la mentalité des Français. En premier lieu, les Français veulent des meubles qui durent : 94 % d’entre eux sont d’accord pour dire « quand j’achète des meubles, c’est pour les garder longtemps. » Ensuite, Sociovision leur a posé la question « Parmi les critères suivants, quels sont ceux qui sont importants pour vous, et pour lesquels vous êtes prêts à payer 15 à 20 % plus cher ? » Réponse : 80 % des sondés placent en première position « une fabrication à partir de matériaux naturels », mais seuls une minorité d’entre eux (30 %) sont prêts à débourser le supplément demandé. Second enseignement, le critère « une fabrication en France » arrive à égalité avec le premier critère (80 %) mais seuls 29 % se disent prêt à payer plus cher pour le made in France. Ils sont aussi 75 % à mettre en avant la possibilité d’acheter directement chez le fabricant ou l’artisan (25 % sont prêts à payer plus pour cela), 72 % à mettre en avant un label ou une certification environnementale (17 % prêts à payer plus cher), et 70 % à retenir le critère d’une fabrication à partir de matières recyclées (15 % prêts à payer plus cher). De façon globale, 79 % des sondés souhaitent de la transparence et de la traçabilité, c’est-à-dire qu’ils considèrent « qu’il est important de savoir d’où viennent les produits ».
L’année et demie de pandémie semble avoir provoqué une véritable prise de conscience des consommateurs sur la nécessité de réduire l’impact environnemental des produits, et sur les vertus de la production locale, pour protéger l’environnement et les emplois donc la cohésion sociale. Dans une moindre mesure, à 53 %, les Français souhaitent aussi des meubles qui permettent d’optimiser l’espace, en offrant plusieurs fonctions, un canapé-lit, une table basse qui évolue en table de repas, une table de repas qui fasse aussi bureau… qui reste pour eux le siège de l’innovation pour le mobilier. Ils sont aussi 55 % à être intéressés par des meubles avec connectique intégrée, et 50 % par des meubles à la fois pour l’intérieur et l’extérieur. Enfin, ils sont 39 % à considérer le design comme un critère de choix important, et même 47 % pour les habitants des grandes villes.
Expérience en ligne et livraison incontournables
L’étude «La maison réinventée », confirme aussi que, suite aux différents confinements, l’expérience d’achat des consommateurs et leurs attentes en la matière ont changé. En premier lieu, l’espace digital a gagné en importance : quand on demande aux Français où ils trouvent leur inspiration pour leurs projets d’aménagement, ce sont les sites internet des enseignes et des fabricants qui arrivent en tête (pour 36 % des sondés), suivis par les magazines de décoration (34 %), les réseaux sociaux et influenceurs à égalité avec le bouche-à-oreilles (33 %), puis les émissions de TV spécialisées, les show-rooms et magasins n’arrivant qu’en sixième position (24 %). De même, quand on demande aux Français les critères qui font qu’ils apprécient une marque ou une enseigne, après le style des produits et l’image qui arrivent en tête (39 %), on trouve les modalités d’achat proposées et la livraison (33 %), le fait de pouvoir acheter en ligne (29 %), et l’ergonomie de navigation de leur site et de leurs applications (29 %). Ici encore, la qualité de l’expérience en magasin, qui recueille 24 % de réponses, arrive nettement derrière. Parmi les services déjà utilisés par les personnes sondées, l’étude relève que le plus populaire est le service de livraison à domicile (45 %), suivi du drive / click and collect (26 %), de l’installation à domicile (19 %), puis d’un service de réparation et d’aide à la conception d’un projet (13 % chacun).
Pour finir, l’étude s’achève par un gros plan sur trois tendances appelées à se développer demain. Il s’agit en premier lieu des services liés à la seconde main, récupération, réparation et vente. 76 % des sondés utilisent déjà ou se déclarent intéressés par un service de récupération de meubles (en échange de bons d’achats par exemple), 68 % utilisent déjà ou se déclarent intéressés par un service de réparation, tandis que 50 % utilisent déjà ou se déclarent intéressés par un corner ou un site internet où sont vendus des meubles d’occasion. La deuxième tendance en expansion est la personnalisation : 51 % des sondés se disent intéressés ou utilisent déjà un service de conception de meubles sur mesure, et ils sont 46 % à être intéressés ou utilisent déjà un service personnalisé des meubles. Enfin, 44 % des sondés se déclarent intéressés par le fait de pouvoir acheter directement des meubles chez des menuisiers ou artisans, sans le faire dans la réalité, tandis qu’ils sont 17 % à déclarer qu’ils le font déjà. Autant de suffrages qui montrent que les consommateurs d’aujourd’hui sont en quête de solutions alternatives, et de nouvelles façons d’acheter des meubles qui puissent mieux répondre aux nouvelles valeurs et au besoin de sens qui sont nés de la crise du Covid-19.
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[Zooms]
Télétravail : un nouveau marché à saisir
L’étude révèle que seuls 29 % des sondés sont satisfaits de leur poste de travail à domicile, contre 43 % de « plutôt satisfaits », 22 % de « plutôt pas satisfaits », et 6 % de « pas du tout satisfaits », ce qui montre qu’il y a bien un marché nouveau pour les fabricants. En réponse à cette situation, 14 % ont acheté des meubles, 22 % ne l’ont pas fait mais envisagent de le faire, mais 64 % n’envisagent pas d’acheter des meubles. Parmi les nouveaux meubles acquis, 24 % sont des meubles provisoires, achetés dans l’urgence, ou empruntés à quelqu’un, donc un quart des intéressés n’a pas trouvé de solution définitive. 29 % des télétravailleurs interrogés déclarent qu’il leur manque un siège ergonomique – qui devient un élément stratégique – et 24 % un meuble pour ranger leurs affaires de bureau.
Le prix : un critère qui divise
Si les consommateurs semblent d’accord sur les qualités qu’ils attendent aujourd’hui d’un meuble, ils ne s’accordent pas sur le critère du prix. En effet, ce dernier reste prépondérant pour près de la moitié des sondés. À la question « Pour aménager mon logement, je choisis la plupart du temps les meubles les moins chers », ils sont 8 % à répondre « tout à fait » et 37 % à répondre « plutôt », ce qui donne un total de 45 % très sensibles au prix. Les sondés sont en revanche 45 % à répondre « plutôt pas » et 10 % à répondre « pas du tout », ce qui donne un total de 55 % pour qui le prix n’est pas le plus déterminant. Attention, les consommateurs sont une minorité – un petit tiers environ – à être prêts à payer 15 à 20 % plus cher pour obtenir un produit conforme à leurs critères de choix, notamment fabriqué avec des produits naturels ou made in France.
Trois scénarios pour une maison « désirable »
Pour améliorer leur logement, Sociovision retient trois scénarios qui pourraient être suivis par les consommateurs.
1 – La « maison durable »
71 % des sondés affirment qu’ils font très attention à ce que tout soit écologique – tri des déchets, produits ménagers non polluants, etc – dans leur maison ou appartement. Pour progresser dans ce sens, 26 % envisagent de rendre leur logement plus écologique – par des panneaux solaires, une toiture végétalisée, etc – et 20 % d’aller vivre plus proche de la nature, tout en étant conscients que ces projets sont peu réalisables à court terme.
2 – Le « jardin ouvrier »
Les espaces extérieurs – balcons, jardins, cours intérieures, etc. – figurent parmi ceux qui manquent le plus aux Français, avec 14 % des suffrages, à égalité avec les espaces dévolus au rangement (14 %), et devant les espaces pour travailler (13 %) et pour faire du sport (10 %). 15 % des sondés ont l’intention d’investir dans ces espaces extérieurs, ce qui les classe en troisième position derrière la cuisine / salle à manger (21 %) et les chambres (18 %). Les sondés sont 31 % à vouloir les aménager avec du mobilier outdoor, et 22 % avec de la décoration, et 74 % d’entre eux souhaitent même en faire un lieu de télétravail.
3 – La « maison lego »
76 % des sondés déclarent qu’ils ont pour priorité de gagner de l’espace dans leur logement. Pour y parvenir, ils sont 22 % à vouloir réagencer leur logement actuel, en créant de nouvelles pièces ou en transformant certains espaces. Pour y parvenir, 16 % envisagent de rendre modulables certains espaces, et 10 % misent sur des meubles modulaires ou multifonctions qui favorisent la polyvalence tout en gagnant de la place. Ils sont 41 % à déclarer qu’ils manquent de solutions de rangement.