[Colloque IPEA] Meuble et maison : enjeux pour 2021 et...
Organisé peu avant la fin de l’année dernière, le colloque IPEA – qui, par le biais de l’Institut de la Maison qu’il a créé, se veut le spécialiste de l’observation des marchés de l’aménagement et de la décoration de l’habitat – a mis en évidence, parmi de nombreuses autres informations et exposés, les perspectives auxquelles peut s’attendre le secteur sur les prochains mois… et à plus long terme.
Si les prévisions (chiffrées ou non) sont toujours un exercice difficile, d’autant plus en temps de bouleversements comme ceux que l’on peut vivre actuellement, les grandes tendances qui pourraient se dessiner à moyen et long terme, dans un secteur donné, peuvent être établies à partir des faits passés et de l’observation des courants de consommation, de l’étude des besoins et aspirations du consommateur… et c’est justement la mission de l’Institut de la Maison, créé par l’IPEA, qui se veut, en d’autres termes, l’observatoire des marchés de l’aménagement et de la décoration de l’habitat. Le colloque 2020, organisé par visioconférence en décembre dernier, a permis à de nombreux participants d’appréhender la manière dont pourrait évoluer le secteur de la maison les prochains mois, et les grands enjeux qui se dessinent pour lui.
L’année de tous les arbitrages
Avec une évolution en cumul, pour le marché du meuble, à – 5,5 % à fin octobre 2020, le secteur aurait pu s’attendre, selon le directeur des études de l’IPEA, Stéphane Larue, à un exercice global aux alentours de – 1 %, - 2 % voire – 3 %, si les magasins n’avaient pas été contraints de fermer en novembre lors du deuxième confinement. Mais les choses ont été tout autre, et même si le recul de novembre devrait tout de même être moindre que celui d’avril dernier – ce deuxième confinement a été légèrement différent, et bon nombre de points de vente auront eu le temps de mettre en place des solutions alternatives plus rapidement – l’Institut s’attend à une année 2020 en baisse de 8 à 10 %, ce qui équivaudrait à une perte de valeur, pour le marché, comprise entre 1,1 et 1,3 Md€. Les chiffres devraient être bientôt connus.
Dans ce contexte, quid de cette année qui vient de débuter ? Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA, évoque, avant tout, les arbitrages de budget qu’auront à mener de nombreux français, mais qui peuvent se porter en faveur de la maison pour des raisons évidentes déjà évoquées depuis plusieurs mois : « 2020 a certes été terrible, mais d’un autre côté, elle donne une chance énorme à la maison quant aux arbitrages de budgets. Les Français, conscients des défauts de leur intérieur, qui ont beaucoup épargné et qui n’ont pas pu dépenser en loisirs ou vacances, ont des envies de réaménagement… Ce sont là, même, de très belles opportunités de valorisation du panier moyen pour les circuits milieu / haut-de-gamme et spécialistes ». En revanche, gardons à l’esprit qu’avec une situation pouvant notablement s’améliorer avec l’arrivée des vaccins, l’autorisation donnée aux consommateurs de pouvoir de nouveau s’évader – à une échéance encore inconnue – va forcément compliquer cette « bagarre » entre les différents budgets d’un ménage, puisque les vacances prendront de nouveau toute leur importance. Pour l’heure, avec de belles intentions d’achats persistantes et le maintien de projets d’aménagement – Christophe Gazel évoque en particulier la salle de bains – on pourrait raisonnablement anticiper un exercice 2021 autour de + 5 %.
« Une logique de filière meuble »
Evoquant toujours les perspectives d’évolution, le DG de l’IPEA veut rappeler d’autres éléments. « On sent déjà venir – même si cela ne se voit pas encore tout à fait dans les statistiques – une pression sur le prix des matières premières. Beaucoup d’usines de panneaux, par exemple, ont tourné à plein régime pour livrer, aider industriels ou distributeurs à re-stocker d’une manière forte ; certains sites vont ainsi avoir des nécessités de maintenance, ce qui nous fait penser qu’il pourrait y avoir des tensions. » Ajoutons, à cela, un autre paramètre : « Il y a des appels d’achats de matière première bois sur l’Europe émanant d’acteurs d’autres continents – comme les Etats-Unis – ce qui, là aussi, générera certainement aussi des tensions sur une partie de la matière, puisque cela pourrait impacter les industriels qui ont besoin de très gros volumes, et donc d’une certaine visibilité ». Toujours sur le plan des matières premières, Christophe Gazel insiste sur la nécessité d’une coopération renforcée entre fabricants et distributeurs : « Ces tensions, ajoutées au coût de cette année 2020, amène déjà, et cela va continuer, une renégociation des tarifs pour 2021, et nous savons bien que les industriels vont avoir besoin de faire passer des hausses de prix pour s’en sortir. La distribution devra porter une oreille attentive à cela… surtout si on veut profiter de l’opportunité d’un retour d’une partie du Made in France ! » En d’autres termes, la distribution devra accepter une augmentation des prix sur certaines gammes de produits. « Tout le monde a un rôle à jouer » résume le spécialiste, prenant pour exemple le troisième fonds d’investissement sectoriel (70 M€) qu’ont lancé, en décembre, Bpifrance, l’Etat, l’Ameublement Français et le CODIFAB pour accompagner le développement des entreprises de la filière bois et des matériaux biosourcés : « C’est vraiment une logique de filière meuble que la profession doit avoir en 2021 : le consommateur est bien orienté, et il faut que l’ensemble de cette filière réponde favorablement à cela ».
Réaménager la maison « en fonction »
En conclusion, Christophe Gazel a insisté sur le fait que, à la différence des années 80 où la maison devait se faire « cocon », aujourd’hui, les Français veulent plutôt « upgrader » leur habitat, en d’autres termes le transformer pour qu’il soit parfaitement adapté à leur mode de vie : « Ainsi, cette rénovation concernera à la fois le style, mais surtout, et c’est cela qui est très intéressant pour tout le monde – industriels et distributeurs – la fonction. C’est-à-dire que la maison devient un véritable lieu de vie, capable d’accueillir différentes activités bien précises dans chacune de ses pièces. » L’enjeu est donc de proposer des solutions variées et adaptées au consommateur et dans cette mission, fabricants et négociants doivent travailler main dans la main : « C’est la condition pour profiter de cet « ouragan » qui va réorganiser la maison, termine le dirigeant de l’IPEA, et qui est demandé par le consommateur. Beaucoup de fonctions sont à considérer en détails, par pièce, par profil de clientèle. Il s’agit, alors, de faire des propositions au consommateur, et cela passe par des projets globaux ».
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L’évolution démographique, facteur déterminant pour le moyen terme
Au cours de ce colloque, Eric Mandinaud, consultant literie au sein de l’IPEA, a exposé un point crucial qui sera déterminant pour l’évolution du secteur de la maison ces prochaines années.
Parmi les nombreuses observations et enquêtes menées par l’Institut, celle de la démographie française occupe, bien évidemment, une large place : « La démographie, c’est le socle de toutes nos études, souligne Eric Mandinaud. Elle évolue, et cela engendre des conséquences très notables sur la literie [et donc sur le meuble, ndlr] ».
L’IPEA a mis en comparaison les évolutions démographiques de la population française par tranches d’âges observées en 2017, puis attendues en 2025. Le graphique obtenu met en avant un phénomène flagrant : la chute permanente du nombre de « quadras » - considérés au sens très large du terme, autrement dit englobant les tranches allant de 30 à 55 ans – tandis qu’à l’inverse, les 56 – 63 ans, 64 – 71 ans et 72 – 79 ans continuent et continueront de progresser… et tout cela aura bien évidemment un impact, à moyen et long termes, sur la consommation de meubles. Eric Mandinaud complète cette analyse : « La petite chance que nous avons sur notre marché, c’est que nous voyons arriver et monter les 16 – 23 ans, qui sont une cible bien particulière ; en revanche – et cela sera sûrement très impactant pour l’activité – nous faisons face à une baisse constante des naissances depuis près de 10 ans, et ceci va automatiquement perturber le marché… en tous cas sur les premiers équipements, autrement dit les chambres bébé et junior ».
Le consultant a donné un exemple bien précis pour illustrer cet enjeu démographique : « Nous nous sommes intéressés au profil des acheteurs de matelas en 140 cm. En 2015, concernant ce type de consommateurs, la tranche des 56 – 63 ans pesait 21 % des achats, et aujourd’hui, elle en représente 24 %. En revanche, la tranche des 24 – 31 ans pesait 10 % en 2015, et est ramenée, aujourd’hui, à 5,5 % ! » Et, ainsi, de conclure : « Regardons la démographie, elle sera obligatoirement un indicateur de choix sur l’avenir ».