[Crise sanitaire] Quels enseignements pour le commerce de l’habitat ?
Inévitablement, la crise que nous vivons actuellement permet – et permettra -, en ayant bousculé industrie et distribution, de repenser le rapport au consommateur, et donc la fameuse « expérience de vente », notion omniprésente dans les discours et stratégies des enseignes depuis de nombreuses années. Deux études intéressantes publiées récemment, celles d’INOHA (Association professionnelle des Industriels du Nouvel Habitat) et de Critizr (éditeur d’une plateforme d’interactions clients à destination des entreprises), mettent en avant les conséquences, adaptations nécessaires et enjeux auxquels est confronté le commerce de l’équipement de la maison – incluant ceux qui se trouvent en amont de la chaîne, à savoir les industriels – depuis plusieurs mois.
Avec un contexte profondément bouleversé depuis plus d’un an maintenant, le monde du commerce a déjà beaucoup muté, et cela sera le cas, assurément, encore longtemps. Confrontées, principalement, à la fermeture obligatoire de leurs magasins, au changement de comportement de leurs clients mais aussi, pour beaucoup, aux difficultés d’approvisionnement (leurs fournisseurs n’étant pas épargnés par la crise…), les enseignes ont dû et devront encore, en effet, s’adapter, et ce processus est particulièrement intéressant à observer dans le domaine de l’équipement de la maison. Un secteur d’activité, nous le savons, très porteur par les temps qui courent puisque relatif à l’un des seuls « loisirs » restant aux consommateurs, mais aussi particulièrement considéré par ces derniers, puisque beaucoup ont été confrontés, des mois durant – et le sont encore – au manque de fonctionnalité et de confort de leur habitat, et souhaitent ainsi y remédier.
Aujourd’hui, un an après le début de cette crise, deux études se penchent sur la situation de la fabrication et du négoce (en particulier ceux de l’habitat) et sur les adaptations dont ils ont fait preuve… et qu’il leur reste à faire !
Renforcer le dialogue industrie / négoce
La première étude a été menée par INOHA, l’Association professionnelle des Industriels du Nouvel Habitat (bricolage, jardinage et aménagement du logement), en collaboration avec Innoscape (acteur de la « market intelligence » des canaux de distribution GSB, jardinage et négoce, spécialisé dans l’efficacité commerciale par l’usage de la donnée), à partir d’un sondage* réalisé auprès de ses adhérents.
Riche d’enseignements, celle-ci fait ressortir 3 points marquants, à commencer par l’importance des conséquences directes qu’a eues la crise sur les coûts et les organisations des entreprises fabricantes. Il s’agit, plus précisément, des hausses de prix des matières premières et du transport maritime, mais aussi des surcoûts liés à l’achat de protections sanitaires ainsi qu’aux ressources humaines (intérim, CDD, etc.), avancés par plus de la moitié des répondants.
Par ces facteurs, le fonctionnement des entreprises fabricantes a donc été considérablement bouleversé – continuant de l’être – et c’est là le deuxième sujet majeur qui ressort de l’étude INOHA / Innoscape : 75 % des fabricants interrogés estiment ainsi que leur activité a été impactée, en 2020, par « le manque d’interaction avec les enseignes » concernant ces sujets, et 80 % pensent que lesdites interactions risquent d’être limitées jusqu’à la fin de la crise sanitaire. La question délicate reste le taux de service ; les supply chain continuent d’être désorganisées par le contexte, et les industriels craignent devoir faire face à davantage de pression de la part de leurs clients distributeurs… Ainsi, pour s’adapter à l’évolution des pratiques de leur écosystème, et pour une meilleure collaboration avec les enseignes, 85 % des fabricants interrogés souhaitent améliorer leurs processus internes, en renforçant, notamment, la digitalisation de leurs outils commerciaux ; trois-quarts d’entre eux pensent qu’il est essentiel de mieux partager, avec les enseignes, des indicateurs de performance communs. « Dès la fin du premier confinement, nous avons mis en place des outils d’analyse et avons joué la carte de la transparence avec les distributeurs, en leur indiquant nos niveaux de stock et la disponibilité de nos produits, explique Philippe Donnet, directeur commercial grand public du groupe TTI (fabricant mondial d’outils). Ceci nous a permis d’établir une relation de confiance pour anticiper leurs besoins ». Le partenariat fabricant / distributeur est, en effet, crucial !
Exploiter à fond le digital… en complément du physique
Troisième enseignement : durant la crise, le consommateur a pris des habitudes d’achat en ligne… qu’il n’est pas prêt d’abandonner. Afin de capter cette forte demande, la quasi-totalité des industriels (97 % des interrogés) du Nouvel Habitat veulent renforcer leur présence sur les canaux de vente numériques (sites d’enseignes, places de marché de pure players ou d’enseignes traditionnelles…) La moitié d’entre eux a d’ailleurs profité de cette période pour développer de nouvelles activités (présence chez des distributeurs BtoB, sur des sites de vente en ligne, lancement, pour plusieurs acteurs, de leurs propres sites marchands…)
Et ce point nous permet de faire la transition avec la partie distribution, en évoquant, cette fois, l’étude** initiée par Critizr [voir encadré], centrée sur « le nouveau visage du retail physique » dans les domaines de la maison et du bricolage. Pour cet acteur, il s’agissait de comprendre comment les enseignes de ces domaines d’activités s’étaient adaptées durant la pandémie, et à quoi ressemble le parcours client proposé aux consommateurs.
Sur ce point, il est d’abord intéressant de noter que de nouveaux systèmes de collecte ou de livraison ont été mis en place à la fois dans le bricolage et la maison, respectivement par 50 % et 20 % des distributeurs interrogés : « Nous avons développé le click & collect en consacrant un espace et des collaborateurs à ce service » résume le superviseur d’un magasin de bricolage ; l’introduction ou l’augmentation du paiement sans-contact, et la mise en place de nouveaux sens de circulation dans les magasins ont également concerné bon nombre d’interrogés. Parallèlement, la formation des équipes en point de vente a été accrue (respectivement 33 % et 40 % des distributeurs du bricolage et de la maison l’ont confirmé). Nombreux ont été ces réseaux, également, à dévoiler de nouveaux outils pour optimiser le nombre de visiteurs dans leurs points de vente (33 % et 40 % des interrogés dans le bricolage et la maison) : autrement dit, plus-que-jamais, la complémentarité entre digital et point de vente physique – le fameux « phygital » – revêt une très grande importance, et porte en elle de nombreuses opportunités… D’autant que des tâches qui, jusqu’alors, ne pouvaient a priori être envisagées qu’en face-à-face physique, ont été traitées en digital dès le début de la crise, sans que cela n’ait impacté l’expérience de vente, ou en l’améliorant, même ! « La présentation à distance des projets apporte beaucoup de satisfaction et de confort à tous nos consommateurs » avance par exemple Anthony Ferrare, directeur retail Europe chez Schmidt Groupe.
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Ecouter les clients
Ainsi, comme le souligne Critizr, les distributeurs ont massivement mis en place des changements dans leurs parcours clients pour répondre aux nouvelles exigences liées à la pandémie. Pour autant, sont-ils activement à l’écoute de leurs clients ? Comment la « Voix du Client » contribue-t-elle à améliorer l’expérience qu’ils offrent à leurs consommateurs ? Ont-ils constaté une hausse du volume d’avis clients ? Ce sont là des points spécifiques, et très intéressants dans ce contexte, sur lesquels s’est concentré Critizr.
Il semblerait que seuls les distributeurs du bricolage (pour 17 % d’entre eux) aient constaté l’augmentation des avis clients recueillis. Ces derniers sont, par ailleurs, 33 % à avoir modifié leurs questionnaires de satisfaction pendant ou après le covid (dans le secteur de la maison, ils sont 40 % à l’avoir fait). Et parmi tous ces professionnels ayant modifié leur questionnaire, 75 % ont déclaré avoir constaté une hausse de leurs ventes en ligne ! « Il semble donc que l’agilité dont ces derniers ont su faire preuve, en mettant en place des actions correctives suite aux retours de leurs clients, aient eu des effets positifs sur l’expérience client et la satisfaction de leurs consommateurs » souligne Critizr. Anthony Ferrare (Schmidt Groupe) confirme cela : « L’écoute de nos clients, à chaque étape de notre parcours, nous permet d’agir à deux niveaux, explique-t-il. D’une part, sur l’expérience client, en permettant à nos équipes de s’améliorer et de corriger certains points qui déplaisent à nos clients. D’autre part, auprès de la direction, sur la base d’une analyse plus globale. Nous avons ainsi modifié le parcours client afin d’améliorer constamment l’expérience ».
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Un autre enseignement intéressant de cette enquête Critizr est la façon dont les retailers, tous secteurs confondus, se sont sentis connectés à leurs clients depuis le début de la crise… « Les clients sont très sensibles au fait que nous nous adaptons à leurs besoins, plutôt que de leur proposer de s’adapter au nouveau contexte » avance-t-on chez Raison Home. Le superviseur d’un magasin de bricolage au Royaume-Uni complète : « Les changements que nous avons apportés ont permis d’accroître la fidélité des clients. Ils se sont sentis en sécurité dans nos magasins et, parce que nous avons répondu à leurs commentaires, ils ont compris que leur opinion a été prise en compte ». Malgré tout – et cela est sur ce point qu’un effort, crucial, reste à faire – de nombreux distributeurs de la maison et du bricolage se sont sentis moins connectés – via leurs équipes locales – à leurs clients, fermeture des magasins oblige… Il est donc essentiel de rétablir et renforcer le lien avec ces derniers ; sur ce point, Critizr explique : « L’un des facteurs clés pour créer (ou recréer) une connexion avec les clients est sans aucun doute l’engagement humain et les conversations. Instaurer un dialogue et une vraie proximité pour comprendre le comportement des consommateurs, résoudre les problèmes des clients et leur répondre contribue fortement à rétablir cette confiance et à instaurer une culture de « l’obsession du client ». De quoi assurer un « rebond » réussi après la pandémie !
* Sondage mené fin 2020 par INOHA et Innoscape auprès des adhérents de la première, à propos de l’impact de la crise sanitaire (coûts, activités, relations avec les enseignes de la distribution…)
** Vaste étude pour laquelle ont été interrogés plus de 100 grands retailers en France et au Royaume-Uni, parmi lesquels Castorama, Raison Home, Schmidt Groupe, Leroy Merlin…
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Critizr : créer une culture « d’Obsession-Client »
A travers sa plateforme de gestion d’interactions clients, l’éditeur Critizr aide les entreprises à engager ces derniers, à les comprendre et à les fidéliser. L’outil est déployé au sein de plus de 30 000 établissements (magasins, instituts de beauté, garages, agences bancaires et de voyages, etc.) issus de 20 secteurs d’activité différents. Cette plateforme leur permet de personnaliser la relation client par la conversation, d’analyser leurs forces et points d’amélioration, et d’accélérer la transformation digitale. « Critizr a vocation à créer une culture d’Obsession-Client au sein des entreprises, en engageant tous les collaborateurs, en établissant des relations personnalisées avec leurs clients, et en renforçant le lien entre le siège et le local » résume-t-on au sein de l’entreprise.