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21.1.2022

[Dossier] Digitalisation, offres alternatives, services : le commerce en quête de nouveaux modèles

Comme l’ont relevé de nombreuses études, les bientôt deux années de pandémie de Covid-19 ont profondément impacté les comportements d’achat, en accélérant notamment la digitalisation des échanges. Dans le même temps, de nouvelles attentes se sont faites jour, en matière de développement durable, de seconde main, d’économie circulaire, et d’économie de l’usage sous la forme de la location… Dans ce contexte, quelles sont les réponses apportées par les acteurs de la distribution ? En véritable tête chercheuse des tendances de pointe, l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance 2021 offre un panorama et une analyse très stimulants des modèles de distribution qui se font jour à l’international.

Avec pour titre « L’heure du choix », le rapport 2021 de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance* – la 8e édition – relève pour commencer que les bientôt deux années de crise sanitaire ont accéléré l’essor du e-commerce, qui représente maintenant 14 % du commerce total en Europe, sans aller jusqu’à affirmer qu’il franchira la barre des 50 % comme en Chine. « Coincé à son domicile, le consommateur a eu recours en même temps au commerce de proximité et au e-commerce, peut-on lire dans l’étude. Déconfiné, il a continué sur sa lancée, transformant une contrainte temporaire en une habitude d’achat pérenne. Pourquoi ? Parce que le digital lui permet de supprimer les corvées. Avec la pandémie, il a découvert qu’il pouvait arrêter de se rendre dans des magasins pour faire ses courses. Pourquoi perdre du temps et de l’énergie à aller dans un hypermarché quand il est si simple d’acheter en ligne puis de se faire livrer ou d’aller chercher ses courses dans un point de click-and-collect ou de drive ? Clairement, la pandémie a renforcé l’opposition entre achat « plaisir » et achat « corvée ».

Cette évolution se traduit notamment par une véritable explosion des sociétés de livraison, dont on voit les vélos électriques sillonner les centres des grandes villes, pour amener à bon port les courses majoritairement alimentaires pour le moment, mais avec un élargissement probable à d’autres secteurs comme les cosmétiques, et peut-être bientôt le bricolage ou la décoration. Il en résulte un statut nouveau pour le livreur, qui devient « l’ultime ambassadeur de la marque » auprès du consommateur final, et se retrouve au centre de toutes les attentions : l’étude cite l’exemple de l’enseigne ukrainienne Silpo, qui a transformé ses points de vente en magasins « instagrammables », et instauré des livreurs costumés en lien avec le thème des magasins. Autre exemple né de cette digitalisation des ventes, la société allemande de vente de vélos sur Internet Bikester adresse à ses clients un tutoriel vidéo pour les aider à monter leur vélo, ce qui est une manière de prolonger la relation au-delà de l’achat, et d’optimiser la satisfaction de l’expérience client.

Du site internet au showroom virtuel

Pour éviter la « corvée » de se rendre en magasin, l’étude relève aussi le rôle croissant des réseaux sociaux qui deviennent de véritables plateformes de e-commerce. Grâce à certaines applications – Screenshop – il est aujourd’hui possible de photographier une tenue dans la rue, de télécharger cette image sur le réseau social, et d’obtenir aussitôt des propositions de vêtements similaires chez les partenaires de l’application, de faire son choix et d’acheter en ligne, de chez soi, une pratique en vogue chez les jeunes générations, qui pourrait s’élargir à l’avenir. Cependant, qu’en est-il pour l’achat d’un meuble ou d’un objet de décoration, qui ne peut pas être assimilé à une « corvée » au même titre que les achats alimentaires au quotidien ? On constate ici aussi que l’essor du e-commerce transforme l’expérience des sites internet par le consommateur final. « Il y a cinq ans, la réalité virtuelle faisait son apparition dans le commerce. Alibaba proposait à l’époque à ses clients chinois de passer un casque de réalité virtuelle sur la tête pour partir faire leurs courses dans le grand magasin new-yorkais Macy’s et ce, tout en restant tranquillement installé dans leur canapé », explique l’étude. Dans le prolongement de cette expérience pionnière, on voit aujourd’hui une augmentation fulgurante des magasins 360°, autrement dit que l’on peut visiter virtuellement tout en restant dans son canapé, comme le proposent déjà les agences immobilières pour éviter de multiplier les déplacements inutiles pour les personnes en quête d’un investissement immobilier.

« Made.com, Christian Dior, London Industry, Foot Locker, Nike, Samsung, Dyson… impossible de citer toutes les ouvertures virtuelles lancées dans l’année… À chaque fois l’idée est de laisser le visiteur se promener dans le point de vente et découvrir les produits exposés exactement comme il le ferait dans un vrai magasin », poursuivent les auteurs de l’étude. Pour accompagner les achats « plaisir », on constate que l’outil digital ne peut pas suffire, et qu’il faut au contraire redonner un contenu humain au parcours client. C’est ce que fait par exemple l’enseigne de mobilier danoise BoConcept : la visite virtuelle peut se faire avec un conseiller, présent dans son magasin 360°, avec qui on peut prendre rendez-vous et qui a pour fonction de guider le client dans la gamme, et de l’accompagner dans son projet d’aménagement. Le client final a le choix entre une rencontre physique sur place, un appel en vidéoconférence ou même une entrevue à son propre domicile. « Et si demain, le commerce se faisait majoritairement au domicile du client ? Difficile d’imaginer il y a dix ans que Tupperware, Thermomix et plus globalement la vente à domicile étaient en fait des business modèles de rupture en avance sur leur temps ! » ironise l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance.

Visite virtuelle d’un magasin Boconcept

Des modèles nouveaux pour le point de vente

Comme l’ont souligné de nombreuses études, le magasin physique n’est pas à proprement parler menacé de disparaître, en raison de l’essor du e-commerce, mais il est poussé à se réformer, à se transformer. Il y a toujours des contre-exemples : si certains concepts ont fait leurs preuves, et continuent de fonctionner, pourquoi alors les remettre en cause ? Dans ce registre, l’étude met en avant le géant bien connu du meuble : « Avec Ikea City, l’enseigne suédoise assume pleinement son histoire avec cette troisième version en deux ans et demi de son magasin parisien. Pas de fioritures. Le magasin reste sur des sentiers connus des consommateurs tout en leur permettant d’éviter un trajet en banlieue. Sur ce même principe, Ikea vient d’ouvrir un second point de vente parisien. » Mais, pour la majorité des points de vente dans le monde, maintenir – voir accroître – sa fréquentation est un défi, car le flux de consommateurs à tendance à se réduire. Or un magasin ne peut vivre sans disposer d’un trafic suffisant et régulier de clients, ce qui explique pourquoi certains distributeurs testent de nouveaux modèles, dont l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance donne quelques exemples édifiants.

En premier lieu, l’étude a relevé l’émergence d’un modèle « brocanteur », qui répond à une volonté du consommateur d’arrêter d’acheter systématiquement du neuf. Ainsi, les brocantes et les magasins vintage pourraient bien s’emparer des centres commerciaux à l’avenir, et même être leur planche de salut en termes de fréquentation. C’est ce que suggère l’exemple le centre commercial ReTuna, situé dans la ville de Eskilstuna en Suède. Sur 5 000 m², ce site propose exclusivement des produits de seconde main, de façon transversale, des vêtements à l’électroménager, des meubles aux objets de décoration jusqu’aux smartphones… La particularité de ce modèle, c’est qu’il est alimenté par les citoyens eux-mêmes, qui apportent leurs objets devenus inutiles, pour qu’ils soient vendus dans l’une des quatorze boutiques du centre. Fréquenté par 250 000 à 300 000 personnes par an depuis cinq ans, ReTuna est un vrai succès populaire, et s’est métamorphosé en lieu de vie, en proposant des conférences, des workshops et des ateliers d’upcycling, tout en délestant la collectivité d’avoir à prendre en charge la collecte des encombrants.

Exploration virtuelle du Dyson Demo Store de Paris

Magasin Bibliothèque et Market Place

Autre modèle alternatif qui pointe le bout de son nez, l’étude met en avant le modèle « bibliothèque », où le magasin devient un lieu où on emprunte plutôt que d’acheter. Un concept particulièrement adapté à la croissance des enfants, dont il faut renouveler les vêtements, mais aussi le lit, à mesure qu’il grandit. Des exemples ? L’association sans but lucratif belge Les Ateliers de la rue Voot a lancé « Un vélo pour 10 ans », dont le principe est de proposer un contrat d’un montant de 120,00 € environ, qui permet à l’enfant de repartir avec un vélo, et de revenir deux ou trois ans plus tard pour en choisir un nouveau adapté à sa taille, sans repasser par la caisse. Tout vélo repris est remis en état pour être proposé à la location pour un autre enfant. Toujours en Belgique, Décathlon teste le concept « We play circular », qui consiste à mettre sur une plateforme de location tous les articles habituellement vendus par l’enseigne, moyennant un coût d’abonnement modique. Avantage : le client peut essayer un grand nombre de sports ou d’activités sans investir à chaque fois.  Autre point fort du système : plus un article a été loué – par exemple une tente de camping – plus son coût de location est dégressif.

Les têtes chercheuses de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance ont aussi détecté une tendance au modèle de magasin « market place », qui devient un équivalent physique de l’espace digital, où le client peut découvrir de façon inattendue, et inopinée, en un mot par hasard, des nouvelles marques en surfant sur les sites des market places. Ce phénomène va au-delà du traditionnel corner de marque ou shop-in-shop permanent : il s’agit plutôt pour des enseignes d’accueillir physiquement sur leurs points de vente des marques qui existent surtout dans l’espace digital (les Digital Native Vertical Brands ou DNVB). A titre d’exemple, l’enseigne américaine Bed, Bath & Beyond accueille la DNVB Casper, spécialiste de la vente de matelas roulés sur internet, et entend avec cette stratégie augmenter le taux de pénétration de sa marque propre. Ce modèle consiste donc à faire appel à des marques fortes dans l’espace digital, avec un renouvellement permanent, en se servant de leurs valeurs et de leur notoriété pour renforcer l’attractivité de son propre point de vente physique. A mentionner également, l’émergence d’un modèle de magasin « carbone », dans lequel le coût carbone de chaque produit est affiché, pour une meilleure information du client, que l’on voit apparaître notamment dans le secteur alimentaire, mais qui pourrait se répandre à d’autres secteurs.

Des services qui facilitent la vie et créent du sens

Enfin, l’étude comporte un chapitre consacré aux attentes nouvelles des clients en matière de services, et aux réponses innovantes que l’on voit poindre sur le marché. Dans ce domaine, on constate tout d’abord des initiatives pour atténuer les « pain points » – les « irritants » en français – du parcours client. Ainsi, pour réduire le temps d’attente du client en caisse, l’enseigne alimentaire Monoprix a lancé dans son flagship parisien un service de « lâcher de chariot ». « Le client récupère un caddie puis va s’inscrire à la borne livraison en scannant sa carte de fidélité. Une étiquette est alors imprimée qu’il doit attacher à son chariot. Quand il a fini de faire ses courses, il le dépose dans un espace dédié. Le chariot est ensuite scanné par les équipes du magasin, mis en paquets puis livré au domicile du client. C’est à ce moment qu’il va régler ses achats », expliquent les auteurs. En plus de faire gagner du temps, ce service s’inscrit aussi dans le principe du « buy now pay later », autrement dit du paiement différé, qui est aussi appliqué par l’enseigne de lingerie Etam : la cliente peut sélectionner jusqu’à dix articles, qu’elle emporte chez elle pour les essayer, contre une simple empreinte de carte bancaire. Elle ne paiera en définitive que les articles qu’elle a décidé de garder, les autres étant retournés au distributeur.

Au-delà de ces attentions à l’égard du client, les nouveaux services semblent s’orienter vers des formules qui facilitent la vie du client, qui sont des solutions à ses problèmes quotidiens, tout en véhiculant les valeurs adoptées par la marque. Par exemple, pour répondre aux attentes en matière de recyclage de ses clients, Ikea déploie des « Circulars Hubs », des espaces qui sont dédiés au reconditionnement et à la revente des meubles de seconde main, modèles d’exposition, fins de séries, ou encore meubles rapportés par les clients. Mais comment faire en sorte que ces rayons soient alimentés de façon régulière par les clients ? La filiale anglaise de la marque enseigne a tout simplement eu l’idée de produire, sur le modèle de ses fameuses notices de montage, des notices de démontage – Disassembly Instructions – qui indiquent la marche à suivre, et incitent à ramener en magasin son meuble démonté sans être abîmé, pour obtenir en échange un bon de réduction ! Autre initiative innovante, la filiale canadienne de la marque enseigne suédoise a publié un livre de 50 recettes sur le mode « l’art de cuisiner les restes » – The Scapsbook – pour inciter ses clients à réduire le gaspillage alimentaire, et exprimer ainsi son engagement sur le plan de la consommation responsable. Dans le même registre, les marketplaces ne sont plus seulement des lieux de transaction, mais cherchent à se distinguer par leurs services. Ainsi, En France, CDiscount.com a lancé avec la startup PIVR un service inédit d’aide à la réparation à distance de l’électroménager hors garantie. Pour 25 euros, l’un des quinze coachs réparateurs de la startup accompagne le client par visioconférence pour l’aider à trouver l’origine de la panne et effectuer les répara-

tions simples. Autre exemple, le leader mondial de la vente en ligne, Amazon, propose depuis l’été dernier, un service de montage des meubles en kit achetés sur sa plateforme, « Amazon Furniture Assembly Service. »

La livraison 2021 de l’Échangeur BNP Paribas Personal Finance, particulièrement riche de contenus, conclut en suggérant que le modèle économique de demain pourrait être la plateforme de services, en prenant l’exemple l’enseigne d’équipements sportifs Decathlon, présente dans plus de cinquante pays. Hier, distributeur de marques, elle est devenue distributeur de ses propres produits et travaille désormais son extension de gamme sur une marketplace de produits reconditionnés. Elle est aussi en train de se diversifier dans la location longue durée de vélos, avec une offre innovante qui comprend un abonnement sans engagement, une garantie contre le vol et la casse, le dépannage, la réparation et l’entretien, en magasin ou sur rendez-vous à domicile. Une offre qui lui permet de devenir un « tiers de confiance » aux yeux de ses clients, et de se différencier ainsi de ses concurrents positionnés sur le même secteur.

* https://www.echangeur.fr

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[Zoom]

Un expert des tendances de consommation internationales

L’Echangeur BNP Paribas Personal Finance est un organisme d’innovation technologique et marketing appliquée au commerce de détail, qui décrypte pour les grands acteurs de la distribution et du e-commerce les nouveaux usages des consommateurs et les accompagne dans la conception de leurs stratégies de développement. L’accompagnement de l’Echangeur est fondé sur l’alliance d’expertises et d’outils marketing, data, new tech, innovation. Depuis plus 20 ans, il est au service des entreprises du CAC 40, des enseignes de la distribution et des grandes marques.

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